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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : regards - 01/12/2021

Avec la dématérialisation, il est devenu quasiment impossible de prendre un rendez-vous en préfecture, notamment pour les personnes sans papiers. S’est mis alors en place un système parallèle extrêmement efficace : payer pour obtenir un rendez-vous. Et l’État laisse faire.

« La préfecture de la Seine-Saint-Denis rappelle que toutes les prises de rendez-vous proposées sur son site internet sont gratuites.

Toute information contraire ne saurait provenir d’une communication de la préfecture et constitue une désinformation, le cas échéant diffusée sur un site frauduleux qui n’est pas celui de la préfecture. La préfecture se réserve le droit de porter plainte contre les auteurs d’une telle désinformation.

Soyez très vigilants, n’acceptez aucune prise de rendez-vous en ligne payante. »

Voilà le message qui s’affiche lorsqu’on se rend sur la page de prise de rendez-vous de la préfecture de Seine-Saint-Denis.

Prendre un rendez-vous. Quoi de plus normal, de plus élémentaire, pour un service public ? Sauf que, concernant les préfectures, c’est devenu mission impossible. Alors, comme à chaque défaillance du service public, s’organise un monde parallèle, totalement opaque, quasi mafieux, au vu et au su de tous.

Entre 225 et 800 euros le rendez-vous

M. est sans-papiers. Son témoignage n’est qu’un parmi tant d’autres. Cela fait des mois qu’il se rend, chaque jour, sur le site de la préfecture du 93 pour obtenir un rendez-vous, un premier, seulement pour déposer un dossier pour l’admission exceptionnelle au séjour. Mais, sur son site, la préfecture indique inlassablement qu’aucun créneau n’est disponible. Puis, le bouche-à-oreille fait son chemin. « Tu connais notifymoi.fr ? Ils te trouvent un rendez-vous en quelques jours ! » Et c’est vrai. Seul bémol – si l’on peut dire –, le rendez-vous coûte entre 250 et 800 euros, selon la démarche voulue.

« Il y a toujours eu de la corruption pour la prise de rendez-vous, nous explique Marguerite Rollinde, de la Cimade. Avant, des gens faisaient la queue pour prendre un rendez-vous et le vendre. Maintenant, la corruption, comme la prise de rendez-vous, est dématérialisée. »

En effet, depuis quelques années, les préfectures ont mis en place la « dématérialisation » des démarches. Plus besoin de faire la queue des heures pour prendre rendez-vous, tout est faisable en ligne. Formidable, non ? Sauf que le système est vicié. « Le résultat est instantané : il devient impossible d’obtenir un rendez-vous », déplore Marguerite Rollinde. À la Cimade, ils ont même créé un robot pour aller « harceler » le site de la préfecture. Mais rien n’y fait. Même leur robot n’arrive pas à obtenir de rendez-vous.

La politique du laisser-couler

La préfecture sait bien tout cela. Rien n’est laissé au hasard. Et son petit message sur les « sites frauduleux » qui feraient de la « désinformation » n’a pas plus de valeur qu’un « Fumer tue » sur un paquet de cigarettes. « Acheter un rendez-vous pose bien sûr un problème éthique et moral, observe Amélie Robine, avocat associé chez Beaubourg Avocats. Mais tout le monde s’en moque. Car le problème de fond est politique. »

En septembre, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avançait que la France comptait 600.000 à 700.000 personnes en situation irrégulière sur son territoire. Le doute est mince : pourquoi le système mis en place empêcherait des sans-papiers d’obtenir un rendez-vous afin d’entamer des démarches de régularisation si ce n’est pour ne pas avoir à régulariser ? Une situation de fait que constate la députée communiste Elsa Faucillon : « Les retards, les entraves créent des sans-papiers. Et bien accueillir et répondre aux droits des étrangers n’est pas une priorité pour l’État. »

Ce problème dépasse le cadre des sans-papiers. Une personne en situation régulière doit aussi se rendre de temps à autre à la préfecture pour renouveler ses papiers. Or, l’impossibilité de la prise de rendez-vous fait que ces personnes tombent soudainement dans l’irrégularité. « J’ai l’exemple d’une dame de 39 ans, qui travaille à Carrefour, raconte la députée. C’est une réfugiée vietnamienne arrivée en France dans son enfance. À cause du retard pris avec la préfecture, elle s’est retrouvée sans papiers. Et elle s’est fait licencier. »

Dans le milieu associatif, le malaise est profond. « On se retrouve à faire le boulot de l’État  », peste Marguerite Rollinde. Mais face aux portes closes des préfectures, ces militants ne peuvent rien. Pas plus qu’ils n’ont aucune prise sur cette économie parallèle de ventes de rendez-vous. Reste la voie judiciaire.

Même la justice n’y peut rien

Comme le rappelle Elsa Faucillon, « il est illégal d’empêcher l’accès aux droits ». Ainsi, si l’État faute, le tribunal administratif peut intervenir afin de forcer les préfectures à donner ces fameux rendez-vous. Mais là encore, le chemin est semé d’embûches. Amélie Robine nous explique : « Les tribunaux administratifs sont plutôt favorables à ce type de recours. Mais l’issue dépend de chaque tribunal, et même de l’appréciation portée par le magistrat en charge du dossier. Malheureusement, tous les tribunaux ne suivent pas la jurisprudence du Conseil d’État à ce sujet. Dans certains cas, il arrive que la préfecture délivre une convocation avant même que le tribunal se prononce. L’issue de ces recours est toutefois bien plus incertaine s’agissant des demandes de convocation pour les préfectures du 91 et du 93. »

Que faire alors ? Payer. C’est la seule voie qui fonctionne.

Nous avons contacté la préfecture de Seine-Saint-Denis – qui, avec l’Essonne, est le département où cette situation est la plus criante. Réponse : « Nous vous invitons à contacter le ministère de l’intérieur. » Ce que nous faisons, en toute bonne foi. Et que nous dit le ministère ? « L’organisation de l’accueil des étrangers dans chaque préfecture relève de la compétence du préfet. » Quand personne n’est responsable de rien, peut-on dire que chacun est irresponsable ?

L’Intérieur nous précise plus avant que ses services ne sont pas en mesure de « lutter contre une fraude "manuelle" effectuée par des personnes physiques rémunérées pour ce faire visant à préempter des rendez-vous puis à les monnayer ». Ici, à Regards, il ne nous aura pas fallu dix minutes pour entrer en contact avec le compte Facebook qui gère le site notifymoi.fr. Pas de réponses plus convaincantes du côté de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) qui considère que le site Internet en question n’est pas fallacieux.

Pour Amélie Robine, il demeure « difficile de juger de l’illégalité de ce procédé. En effet, tout dépend de la manière dont cela est fait. On ne peut naturellement pas considérer de manière identique une société de prestation de services qui délivre une réelle prestation et un agent de la préfecture qui vendrait des rendez-vous... »

La seule réalité, c’est que la dématérialisation a rendu les démarches plus longues pour les usagers et plus chères pour l’État. Bien que les choses avancent, petit à petit. Depuis la rentrée, la préfecture autorise l’envoi de documents par voie postale ou numérique. Révolution !

« Le système est fait contre les sans-papiers », martèle Marguerite Rollinde. Une machine à créer de l’illégalité, de la précarité. Et l’État n’y fait rien. Bien au contraire.

 

 


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