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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Etienne Tricaud, Pierre-Marie Tricaud - 17/12/2021

« Comment oser dire que quelqu’un qui s’apprête à vivre plusieurs mois d’errance en pays inconnu [... ], qui est prêt à s’arracher de son milieu familial et social parce que ses conditions de vie sont tout simplement intenables, changerait d’avis en fonction de la manière dont il sera accueilli en Europe ? », s’indignent Etienne et Pierre-Marie Tricaud.

otre attitude face aux migrants représente une faillite morale qui fait honte à la France. Jusqu’à quand supporterons-nous le discours haineux de l’extrême-droite, de plus en plus repris sans vergogne par la droite classique, à l’égard des étrangers ? C’est une insulte aux migrants ayant fui la misère ou l’oppression et croyant trouver chez nous un havre de paix, une insulte aux 25% de Français dont les parents ou eux-mêmes sont issus de l’immigration, une insulte à tous les habitants du pays des droits de l’homme, une insulte à l’humanité, provenant du pays des lumières et de l’universalisme !

Ces déclarations de la classe politique, comme en écho, à des fins électoralistes, à une opinion publique (dont personne ne sait d’ailleurs si elle est majoritaire ou non) supposée taraudée par la peur et le rejet de l’autre, distillent un poison d’ostracisation du migrant. Les décisions généreuses et courageuses d’Angela Merkel en 2015 ne suffisent pas pour donner bonne conscience à l’Europe et, par ruissellement, à la France ; pas plus que l’action de terrain, exemplaire, de milliers de volontaires et de centaines d’associations engagées en France dans l’accueil et l’accompagnement de ceux qui se présentent à nos portes ne parvient à corriger le mal fondamental qui nous ronge dès lors que l’accueil de l’étranger ne constitue plus l’un des fondements de notre morale collective.

Le pays des lumières et des droits de l’homme a-t-il oublié qu’il fut le premier à ériger en morale universelle les valeurs de respect de chaque personne humaine, de ses droits et de ses libertés, notamment de se déplacer, de fuir la violence ou la misère, et de s’établir dans un nouveau pays ? Notre pays dont tant de frontons s’enorgueillissent des mots « Liberté, égalité, fraternité » a-t-il oublié le troisième terme de sa devise ?

Il ne s’agit pas d’être naïf. Les problèmes, économiques, sociologiques et culturels, liés à l’arrivée des migrants en France, existent. Et même si certaines études montrent que les bénéfices économiques de l’immigration, sur le plan économique, sont globalement très supérieurs aux inconvénients générés, on ne peut nier les difficultés rencontrées dans de nombreux cas. Les poches de communautarisme, par un double phénomène d’exclusion (l’auto-exclusion d’une communauté et l’exclusion par ceux qui ne lui appartiennent pas), mettent en échec la volonté d’intégration qui fonde notre conception de la citoyenneté.

L’intégration ne se fera pas sans réaffirmer nos principes d’unité de la république, de laïcité, d’égalité hommes-femmes, et sans donner encore plus de moyens à l’éducation. Les emplois sous-payés acceptés par les migrants (en situation régulière ou non) tirent vers le bas le marché du travail. Et mieux s’occuper des étrangers nécessite également, par justice sociale, de redoubler d’attention envers de nombreux Français qui se trouvent également dans des situations de sentiment d’abandon ou d’exclusion, de misère matérielle ou psychologique.

Tous ces éléments doivent être pris en considération dans un nécessaire débat politique (c’est-à-dire abordant les dimensions sociales, économiques et culturelles de la question), humaniste et réaliste, qui fasse avancer le cadre législatif de l’accueil des migrants. Les diatribes xénophobes entendues quotidiennement n’aident pas à faire avancer ce débat. Pire, elles justifient indirectement (voire parfois directement) les violences physiques ou morales faites aux migrants.

L’une des formes de justification de ces violences souvent entendue incrimine « l’appel d’air » que constitueraient les bonnes conditions d’accueil des étrangers en France et le déferlement de migrants qu’elles généreraient. Honte à ceux qui assènent de telles affirmations ! Comment oser dire que quelqu’un qui s’apprête à vivre plusieurs mois d’errance en pays inconnu, entre la peur, le froid et la faim, les risques de noyade, la violence, le racket, parfois le viol ou la torture, qui est prêt à s’arracher de son milieu familial et social parce que ses conditions de vie sont tout simplement intenables, changerait d’avis en fonction de la manière dont il sera accueilli en Europe ?

Le sujet quantitatif est ailleurs. Les migrations – toutes causes confondues – concernent 260 millions de personnes dans le monde, aujourd’hui majoritairement entre pays du Sud. Les climatologues et les démographes s’accordent sur le fait que le changement climatique va générer des mouvements de population d’une beaucoup plus grande ampleur dans le futur. C’est à cela qu’il faut se préparer. Eriger des murs ne sera plus seulement immoral. Ce sera inefficace. Si le grand remplacement est un fantasme, nous devons, pour reprendre les mots de Martin Luther King, « apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ».

Mais revenons à aujourd’hui. Il faut distinguer d’une part les enjeux sociaux, économiques, culturels et le cadre législatif qui doit les traiter, et d’autre part les enjeux humanitaires. Les prises de parole haineuses vis-à-vis des migrants stérilisent le débat sur les premiers enjeux, qu’il faudrait prendre le temps d’organiser dans un climat serein, et contribuent à ne pas traiter les seconds, qui constituent pourtant une urgence absolue du moment.

Qui osera amorcer un contre-discours xénophile, à la hauteur de notre tradition d’accueil… et sans doute de notre intelligence socio-économique ? Et, pour commencer par l’urgence humanitaire, qui osera proposer un véritable plan d’accueil des migrants, si ce n’est généreux, au moins simplement humain ? Un plan qui comprenne la contribution à une politique européenne répartissant les migrants entre pays d’Europe (en renégociant les accords de Dublin) et ne laissant pas mourir des hommes, des femmes et des enfants entre deux frontières.

Un plan qui définisse une politique nationale sacralisant l’assistance en mer (la Méditerranée et la Manche), la réception dans nos ports, le logement systématique dans des centres d’hébergement – plus nombreux –, le droit à travailler pour les demandeurs d’asile, la facilitation des démarches administratives, le cadre d’un dialogue bienveillant avec des cultures parfois éloignées de la nôtre, avec d’autres peuples frères en humanité ?

« La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle peut en prendre sa part », disait Michel Rocard. Commençons par cela. C’est notre devoir. Ce pourrait être notre richesse. Ce devrait être notre fierté.

 

 


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