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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Julia Pascual - 20/01/2022

La politique migratoire du chef de l’Etat, incarnée par la loi Collomb, n’a pas marqué de rupture franche avec celle de ses prédécesseurs à l’Elysée.

A moins de trois mois de l’élection présidentielle, la droite a imposé l’immigration comme un sujet majeur de campagne. Du parti Les Républicains au Rassemblement national en passant par Eric Zemmour, les candidats rivalisent de propositions pour afficher leur fermeté en la matière, convaincus d’y trouver un des points de faiblesse d’Emmanuel Macron.

Les chiffres annuels de l’immigration, publiés jeudi 20 janvier par le ministère de l’intérieur et censés traduire la teneur de la politique en vigueur, révèlent surtout l’incidence de la crise sanitaire en 2021 sur l’administration et les mouvements de population. Les flux, qui avaient chuté en 2020, rattrapent presque leur niveau de 2019. Quelque 272 000 premiers titres de séjour ont été délivrés et tandis que la demande d’asile repart à la hausse, les éloignements sont toujours à la peine.

Pendant ce temps-là, le chef de l’Etat évolue sur une ligne de crête, durcit le ton tout en cherchant à se démarquer de ses concurrents.

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Lors de son interview, le 15 décembre 2021 sur LCI et TF1, il a, par exemple, balayé les « absurdités » consistant à défendre l’« immigration zéro » et dit ne pas croire au « grand remplacement », mais a fait le constat de l’échec de l’intégration. De la même manière, le 16 août 2021, au lendemain de la chute de Kaboul, il avait défendu « le devoir » de protection de la France vis-à-vis des Afghans qui fuyaient les Talibans mais appelé à se « protéger contre des flux migratoires irréguliers importants ».

Le chef de l’Etat fait du « en même temps ». Mais en prônant l’équilibre du diptyque « fermeté » et « humanité », selon ses propres mots, il s’aligne en fait sur ses prédécesseurs. Son mandat n’a, de ce point de vue, pas fondamentalement marqué de rupture. « On ne peut pas dire que les choses aient été différentes du précédent quinquennat », confirme un préfet sous le couvert de l’anonymat. « C’est la même politique, appuie un autre cadre du ministère de l’intérieur. Le reste, c’est de l’affichage. »

Une énième loi

Le président de la République a tenu une ligne « libérale et populiste à la fois » et a « manqu[é] d’ambition », juge, à son tour, Pierre Henry, ancien directeur de France Terre d’Asile (FTDA), qui avait soutenu le candidat Macron en 2017. « On a continué à bricoler au doigt mouillé, sans qu’il y ait de grande réforme sur le plan opérationnel, regrette-t-il. C’est comme ça depuis Valéry Giscard d’Estaing. »

Le quinquennat de M. Macron aura été marqué par l’adoption d’une énième loi sur l’immigration (la septième en quinze ans), dite « loi Collomb », qui a tôt fait de semer des dissensions au sein de la majorité parlementaire. Promulguée le 10 septembre 2018, elle a suscité de fortes contestations des élus de l’aile « humaniste » de La République en marche (LRM). « Il devait y avoir un volet ambitieux sur l’intégration mais c’est incomparable avec le zèle qui a été mis en faveur d’une politique plus restrictive, plus dure », estime l’ex-LRM et député du Val-d’Oise Aurélien Taché, auteur d’un rapport sur l’intégration remis en février 2018 au gouvernement et dont seulement une partie des propositions ont été retenues, notamment le doublement des heures de français pour les titulaires de titre de séjour.

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La loi Collomb a surtout marqué les esprits pour avoir porté la durée maximale de rétention administrative à quatre-vingt-dix jours (alors que plus de 90 % des éloignements ont lieu avant quarante-cinq jours), réduit les délais pour déposer une demande d’asile, renforcé les possibilités d’éloignement des déboutés provenant de pays dit « sûrs » ou encore créé un fichier biométrique des jeunes se déclarant mineurs étrangers isolés et confié aux préfectures un rôle d’appui à l’évaluation de leur âge auprès de l’aide sociale à l’enfance.

Pour autant, à peine entrée en vigueur, la loi Collomb est aussitôt jugée insuffisante. Le gouvernement est confronté à des mauvais chiffres : les expulsions ne s’améliorent pas significativement, la demande d’asile poursuit sa hausse et les délais d’instruction des dossiers ne descendent pas à six mois, comme promis par le chef de l’Etat et en dépit des moyens supplémentaires consacrés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Cour nationale du droit d’asile.

En outre, le parc d’hébergement des demandeurs d’asile reste engorgé (bien qu’il compte aujourd’hui plus de 110 000 places), alimentant la problématique des campements de rue dans lesquels se retrouvent Afghans, Soudanais et Erythréens, aux portes de Paris ou dans les grandes agglomérations. Ce qui contribue à véhiculer une image d’impuissance des pouvoirs publics et d’afflux incontrôlé.

Un thème de la consultation citoyenne

Début 2019, le chef de l’Etat décide alors de faire de l’immigration un thème de la grande consultation citoyenne organisée pour conjurer la colère des « gilets jaunes ». Le sujet ne remonte pas du mouvement social des ronds-points mais l’hypothèse d’un duel face à Marine Le Pen en 2022 se renforce. A l’automne, un débat est, cette fois, organisé au Parlement par M. Macron qui déclare aux élus de la majorité vouloir « regarder en face » la question migratoire. Là encore, le président joue la partition du « en même temps » et défend l’idée que « pour continuer à accueillir tout le monde dignement, on ne doit pas être un pays trop attractif ».

A l’issue de cette séquence, un volet de mesures libérales est annoncé qui comprend la simplification des procédures de recours à l’immigration professionnelle ou la réduction des taxes sur les titres de séjour. Le gouvernement assume aussi l’effort de solidarité dans la répartition des migrants secourus en Méditerranée et rappelle l’engagement tenu d’accueillir 10 000 réfugiés en 2018 et 2019 depuis des pays de transit.

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De même, il insiste sur les efforts restant à accomplir en matière d’accès au logement et au travail des réfugiés – sujet sur lequel « un véritable effort a été fait » mais « beaucoup de progrès restent à faire », estimaient les députés Jean-Noël Barrot (Yvelines, MoDem) et Stella Dupont (Maine-et-Loire, LRM), auteurs d’un rapport sur l’intégration en septembre 2020.

Reste que ce que le gouvernement met en scène avant tout, c’est son souhait de « reprendre le contrôle de [la] politique migratoire » à travers le durcissement de l’accès aux soins pour les demandeurs d’asile et les sans-papiers mais aussi par la construction de trois nouveaux centres de rétention administrative. Les prises de parole d’Edouard Philippe ou de ses ministres à l’Assemblée nationale ou au Sénat ont surtout été l’occasion de cibler les « abus et les fraudes » des migrants venus faire du tourisme médical ou qui détournent la demande d’asile. « Le pôle sécuritaire a pris le pas », résume un cadre du ministère de l’intérieur.

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La nomination de Gérald Darmanin place Beauvau, en juillet 2020, qui succède à l’ex-socialiste Christophe Castaner, en témoigne. A ses côtés, Marlène Schiappa doit mettre en scène la politique d’asile et d’« intégration républicaine » ; elle accélère, par exemple, la naturalisation des travailleurs étrangers en situation régulière mobilisés pendant la crise sanitaire du Covid-19. Là encore, on retient surtout le style martial de l’ancien maire de Tourcoing qui, par exemple, se félicite d’avoir, dès le lendemain de sa prise de fonctions, « demandé au préfet du Pas-de-Calais d’ordonner une expulsion [d’un campement de migrants] » à Calais où, ce faisant, le phénomène des traversées de la Manche à bord de petites embarcations explose. Cela débouchera, notamment, sur un naufrage sans précédent au cours duquel au moins 27 personnes périssent le 24 novembre 2021.

« Une plus grande brutalité »

« Le quinquennat de Macron, c’est une sorte de continuité dans le durcissement, considère Laurent Giovannoni, responsable du département accueil et droits des étrangers au Secours catholique. On observe d’abord une plus grande brutalité dans les campements et notamment à Calais où les migrants sont harcelés au quotidien. Ensuite, il n’y a pas eu de dialogue avec les associations comme on a pu en avoir avec Manuel Valls ou Bernard Cazeneuve. Et puis il y a eu un certain manque de courage. Je pense notamment aux démarches qu’on a pu entreprendre après le confinement et restées sans réponse pour régulariser les travailleurs sans papiers qui se sont illustrés pendant le Covid. »

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Lise Faron, de la Cimade, une association d’aide aux migrants, fait remarquer que « ce qui est vraiment marquant dans ce quinquennat, c’est la place prépondérante qu’ont prise les problématiques d’accès aux préfectures ». Les gens attendent aujourd’hui entre deux mois et trois ans pour réussir à déposer une demande de titre. « Cela traduit a minima un désintérêt, au pire une politique de dissuasion. »

Pour imprimer sa marque, le gouvernement choisit d’afficher une sévérité vis-à-vis des immigrés mis en cause pour des troubles à l’ordre public. L’été 2020 est marqué par l’emballement autour de faits divers impliquant des ressortissants tchétchènes à Dijon ou une famille de Bosnie-Herzégovine à Besançon. En septembre, un Pakistanais commet une attaque terroriste devant les anciens locaux de Charlie-Hebdo et blesse deux personnes. Quelques jours plus tard, le 29 septembre, M. Darmanin diffuse une instruction aux préfets pour leur rappeler tout l’arsenal disponible afin de retirer leur titre de séjour et d’éloigner les étrangers « ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public ».

L’ambition du ministre de l’intérieur de relancer les expulsions ayant été grevée par la mise à l’arrêt des transports et les restrictions aux frontières dus à la pandémie mondiale, le gouvernement assume, à la rentrée 2021, la brouille diplomatique en annonçant un gel des visas accordés aux pays du Maghreb en raison de leur « refus » de délivrer des laissez-passer consulaires nécessaires à l’éloignement de leurs nationaux en situation irrégulière.

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Pour quel résultat ? Les éloignements restent largement entravés par les conséquences de la crise sanitaire tandis que la demande d’asile repart à la hausse. Le mandat se termine alors que débute la présidence française de l’Union européenne, engluée dans l’impasse depuis des années sur la question de l’asile.

 

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