Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Emma Wallis - 14/01/2022

Deux migrantes nigérianes ont porté leur cas devant l’ONU. Elles accusent l'Italie et la Libye de ne pas avoir protégé leurs droits humains en les exposant aux risques de trafic et d’exploitation.

Originaires du Nigeria, Princess* et Doris* sont respectivement arrivées en Libye en 2017 et 2018. Les deux femmes affirment avoir été victimes d’un réseau criminel qui opère entre le Nigéria et la Libye pour les forcer à la prostitution. Pendant leur voyage vers la Libye, elles disent avoir été réduites en esclavage et vendues à de multiples reprises, avant même d'atteindre les frontières libyennes.

L’association italienne ASGI, spécialisée dans les questions juridiques liées à l'immigration, travaille sur le dossier de Doris et Princess. Lors d’une conférence de presse organisée en décembre dernier, les avocats de l’ASGI ont expliqué les parcours des deux Nigérianes et les raisons qui les ont poussées à poursuivre la Libye et l'Italie.

L'affaire a en effet été portée devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes des Nations unies (CEDAW).

 

La plupart des femmes enrôlées par les "mamas" au Nigeria ne savent pas qu’elles seront exploitées sexuellement. Crédit : AP
La plupart des femmes enrôlées par les "mamas" au Nigeria ne savent pas qu’elles seront exploitées sexuellement. Crédit : AP

 

Rituel du "juju"

Avant d'entamer leur route vers l'Europe, Princess et Doris ont été soumises au "juju", un rituel pratiqué par un sorcier pendant lequel une femme s’engage à rembourser un dette pour payer sa migration. Elle doivent également promettre de ne jamais dénoncer le réseau. Si ces engagements ne sont pas tenus, elle et sa famille risquent jusqu’à la mort.

Doris a été recrutée par une "mama", ces femmes qui sont au cœur des réseaux de proxénétisme au Nigeria. Elle quitte le pays en 2018 avec un groupe d'autres filles à l'aide d'un passeur. La jeune femme est vendue une première fois à Agadez, au Niger, puis à Sabha, dans le centre de la Libye. Elle se retrouve alors dans une prison informelle connue sous le nom de "Ghetto d’Adam".

Doris y est torturée, puis rachetée par une autre "mama". Pour rembourser sa nouvelle dette, elle est forcée de se prostituer dans une maison close de Sabha pendant plus d’un mois. 

>> À (re)lire : En Libye, un jeune Soudanais brûlé à l'essence par un passeur

Doris arrive à s'échapper et se dirige vers le nord du pays, avant de se faire arrêter par un homme affirmant être un policier. Une nouvelle fois, la jeune femme se retrouve dans un centre de détention, cette fois à Beni Walid, au nord-ouest de la Libye.

Là-bas, Doris est revendue cinq fois en quelques mois. Elle finit par faire le ménage chez un homme sans être payée avant de s’enfuir. Elle parvient à atteindre le littoral où les garde-côtes libyens l’interpellent et la placent en prison, où elle est "soumise à des conditions de détention inhumaines et dégradantes", selon le communiqué de l’association ASGI.

 

Cette femme venue du Nigeria a été forcée à la prostitution en Italie. Crédit : Ansa
Cette femme venue du Nigeria a été forcée à la prostitution en Italie. Crédit : Ansa

 

L'histoire de Princess est similaire. Juste après avoir franchi la frontière libyenne, elle raconte que son groupe est "arrêté par des hommes armés, qui les torturent et les cambriolent."

Ces hommes l’emmènent à Agadez. Comme Doris, Princess se retrouve ensuite entre les mains de plusieurs trafiquants, qui vont l’emmener à Sabha et extorquer sa famille pour obtenir des rançons. Après Sabha, elle atterrit dans la capitale libyenne, où Princess dit avoir été kidnappée par un homme "qui l'a forcée à travailler sans être payée".

Grâce à l'argent de sa famille, elle parvient à s'évader et à monter sur un bateau à destination de l’Italie. Mais son embarcation est interceptée par les garde-côtes libyens. Princess est placée pendant plusieurs mois dans une prison près de Tripoli, puis vendue à une personne qui la force à se prostituer dans une maison close pendant trois mois. Selon l’ASGI, près de 200 filles y vivaient comme des "esclaves". La police a mené un raid dans cette maison close, mais encore une fois, Princess est envoyée en prison, où elle est "frappée, contraintes à des travaux forcés et abusée".

Formation et équipement des garde-côtes libyens 

Selon les avocats de l’ASGI, Princess et Doris ont été victimes d’un système d’esclavage en Libye, en partie financé par des fonds provenant d’Italie et de l’Union européenne (UE).

L'ASGI en veut pour preuve que l’Italie, soutenue par l'UE, et la Libye ont passé une série d’accord bilatéraux qui prévoient que Rome participe au financement des garde-côtes et des autorités en Libye en matière de formation et d’équipement, dans le but d’empêcher l’arrivée de migrants sur les côtes européennes.

D'après Oxfam, 32,6 millions d'euros ont été alloués aux garde-côtes libyens depuis 2017, date de la signature du premier accord entre les deux pays.

 

Les réseaux de prostitution du Nigeria opèrent notamment en Italie et en Espagne. Crédit : Ansa
Les réseaux de prostitution du Nigeria opèrent notamment en Italie et en Espagne. Crédit : Ansa

 

Dans le même temps, comme le précise un document de la Commission européenne, l’UE verse des aides à la Libye à travers le Fonds fiduciaire d'urgence de l’Union européenne pour l'Afrique.

Ces aides ont largement été utilisées pour équiper et former les garde-côtes libyens, là aussi pour notamment intercepter les bateaux de migrants et prévenir les départs en mer Méditerranée. Aussi, le site de ce Fonds fiduciaire explique qu’entre mai 2017 et octobre 2020, ces aides ont permis le retour à "plus de 90 000 migrants vulnérables en Libye et au Niger. Plus de 100 000 migrants vulnérables ont été soutenu après leur retour dans leur pays."

Pour l'ASGI et de nombreuses organisations de défense des droits de l'Homme, l'exploitation en Libye est non seulement systématique mais aussi soutenue par les autorités libyennes. Or, ces autorités sont soutenues par des milliards d'euros d’aides provenant d'Italie et de l'UE, qui serait par conséquent complices, explique l'ASGI.

Rapatriées au Nigeria

Doris et Princess n’ont jamais réussi à atteindre l’Italie. Ce n’est qu’au bout de plusieurs mois passés dans différents centres de détention qu’elles ont été rapatriées vers le Nigeria à travers le programme de retour volontaire de l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Mais pour les avocats de l'ASGI, ces rapatriements n'ont aucun caractère volontaire, dans la mesure où aucune autre option n'a été offerte aux deux femmes et que le retour s'est présenté comme étant la seule solution pour échapper aux horreurs des centres de détention. Pour l’ASGI, il s’agit d’une "forme d’expulsion déguisée" vers un pays dans lequel ces deux femmes continuent d'être exposées au risque de trafic, d’exploitation et d’esclavage.

>> À (re)lire : Libye : les migrants ont, plus que jamais, besoin d'aide humanitaire en 2022

Lors de sa conférence de presse, l’équipe d’avocats de l’ASGI a rappelé que les États européens ont l’obligation de protéger les femmes victimes de trafic au Nigeria afin qu’elle ne soient pas renvoyées dans leur pays.

Ces femmes seraient considérées à tort comme étant des "migrantes économiques et les risques auxquelles elles sont exposées à leur retour au pays ne sont pas pris en compte." De plus, au Nigeria, la pauvreté, les croyances traditionnelles concernant le rôle de la femme et la "honte" qui s’abat sur celles qui ont dû se prostituer dans des maisons closes rendent la construction d'un avenir professionnel et privé quasi impossible.

L’ASGI espère que si l’ONU leur donne raison, les cas de Doris et Princess pourront pousser les pays impliqués à prendre de nouvelles mesures pour protéger les droits des femmes victimes de trafic et pour que celles-ci ne soient plus renvoyées dans leur pays. 

*Les prénoms ont été modifiés.

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter