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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Maïa Courtois - 24/01/2022

Parmi le millier de personnes présentes dans les campements informels autour de Calais, survivent de nombreux mineurs non accompagnés (MNA). Plusieurs associations déplorent un manque chronique de places d'hébergement pour ces jeunes, rendus encore plus vulnérables par la stratégie "zéro point de fixation".

Il est 22h30, quand le téléphone d'urgence des maraudeuses d'Utopia 56 résonne dans la camionnette. À l'autre bout du fil, J., 16 ans, voudrait être mis à l'abri. "Est-ce que tu es tout seul ?", demande une bénévole. "Oui", répond le jeune garçon. Le duo de maraudeuses promet de venir au plus vite, avec une couverture et une tente.

Il est 23h30, J. rappelle. Il a froid. Surtout, il demande à ce qu'on l'amène à Saint-Omer. C'est là où se trouve le foyer d'hébergement pour les mineurs non accompagnés (MNA) présents à Calais. Celui-ci est géré par France terre d'asile, opérateur mandaté par le département. Mais cette semaine, en raison d'un cluster Covid, Saint-Omer n'accepte plus de nouveaux arrivants. Il est 23h30, "et ce n'est que le début de la nuit" soupire Pauline Joyau, l'une des deux maraudeuses, coordinatrice chez Utopia 56.

Dans la même soirée, les deux femmes rencontrent un jeune homme tout juste sorti de l'hôpital. Devant la lumière crue du hall d'entrée, l'une d'elle échange en arabe avec lui, qui porte encore un bandage. Les maraudeuses comprennent qu'il est mineur. Sans solution à lui proposer, elles retournent négocier avec le médecin. Et parviennent à lui obtenir le droit de rester dormir à l'hôpital. Une nuit de plus, avant la même incertitude du lendemain.

"En temps normal, on devrait être au commissariat pour ces jeunes", regrette la responsable. C'est la procédure normale : si un jeune est repéré lors de ces maraudes nocturnes et souhaite être mis à l'abri, Utopia 56 l'accompagne au commissariat. La police appelle alors France terre d'asile pour connaître les disponibilités de places à Saint-Omer. "On ne comprend pas que ces problèmes de Covid n’aient pas été anticipés, et qu’il n’y ait pas de solutions alternatives proposées pour les mineurs", fustige Pauline Joyau.

 

Plusieurs centaines de mineurs vivaient dans la jungle de Calais avant son démantèlement (archives). Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants
Plusieurs centaines de mineurs vivaient dans la jungle de Calais avant son démantèlement (archives). Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants
Places saturées : un problème chronique

Aujourd'hui, France terre d'asile nous indique que le foyer pour mineurs a réouvert, après sept jours d'isolement. Mais même en dehors du Covid, la saturation du lieu est, selon plusieurs associations, un problème chronique.

"Cela fait six mois que nous sommes arrivés à Calais, et six mois que l'on a ces problèmes de places" tranche Amélie Gatoux, responsable de projet et plaidoyer pour ECPAT France, ONG spécialisée sur la protection des mineurs face aux risques d'exploitation. "Certains des jeunes qui se retrouvent sans solution ont 14 ou 15 ans. Parfois, on ne trouve même pas de tentes pour eux !"

>> À (re)lire : Près de Calais, un jeune de 18 ans meurt en tentant de monter dans un camion

Au centre d'accueil de jour du Secours catholique, principal lieu de répit en journée pour les exilés calaisiens, les équipes croisent souvent des mineurs et font le même constat. "Régulièrement, on appelle France terre d’asile, et ils nous disent qu’ils n'ont plus de place", témoigne Juliette Delaplace, chargée de mission au sein de l'association.

De quoi créer des situations délicates. "Parfois, on amène quatre jeunes au commissariat, les policiers nous disent : 'Bon, il reste trois places', donc il faut choisir..." raconte Pauline Joyau d'Utopia 56. "On ne veut pas faire ça ! Mais on y est obligés".

Au moins 3 300 mineurs à Calais, le double de l'an passé

Selon les chiffres du département, au moins 3 300 MNA ont été orientés vers le dispositif de mise à l'abri du Calaisis au cours de l’année 2021. "C’est énorme par rapport aux années précédentes", commente Serge Durand, directeur de la protection des mineurs isolés étrangers à France terre d'asile. De fait, cela représente quasiment le double de l'année passée : 1 875 jeunes avaient été recensés en 2020.

Le dispositif de mise à l'abri des MNA dans la région compte 80 places. France terre d'asile en propose 50 au foyer de Saint-Omer. Le reste se répartit au sein de différents établissements de protection de l‘enfance, comme des maisons d'enfants à caractère social.

Mais pour France terre d'asile, il n'y a pas de saturation chronique du dispositif. "Il y a énormément de turn-over. Les jeunes prennent une douche, dorment une nuit et repartent le lendemain. Fondamentalement, on n'a pas un manque de places", assure Serge Durand.

Ce chassé-croisé s'explique par le contexte calaisien : les mineurs ont, eux aussi, l'Angleterre comme horizon. "Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a jamais aucun jeune qui se retrouve sans abri, bien sûr", reconnaît le responsable de France terre d'asile.

Des "efforts" du département, mais "insuffisants"

Les services de la protection de l'enfance du département finance une équipe de maraudeurs de France terre d'asile. Une seconde équipe est financée par les services de l'État. Ainsi "un groupe de trois personnes, et un de quatre, se relaient tous les jours" sur le terrain, assure Serge Durand. Les associations non mandatées complètent ce travail d'aller-vers.

Chaque semaine, un point hebdomadaire avec les associations, le département et les services de l'Etat permet d'échanger autour des chiffres concernant les MNA. "On n'a pas reçu de point d'alerte" dernièrement, insiste Serge Durand. Avant de rappeler : "La capacité du département de développer des places quand il y a eu des besoins est bien là. En 2012, on a commencé à 25 places ; aujourd'hui on en est à 80".

Si les associations soulignent la qualité d'écoute des responsables départementaux, elles restent plus sévères. "Il y a des efforts faits par le département, mais ils ne sont pas suffisants. Il y a un problème de nombre de places structurel", martèle Amélie Gatoux. "Alors que la mise à l’abri est la première étape de la protection de l’enfant".

Sollicité, le service protection de l'enfance du département (ASE) n'a pas souhaité donner suite à notre demande d'interview.

Pas de plan grand froid cette année

Par ailleurs, cet hiver, aucun plan grand froid n'a été déclenché, contrairement à l'an dernier. Lorsqu'un tel plan est déclenché, une soixantaine de places sont débloquées pour les MNA. Ils sont mis à l'abri dans des conteneurs, "ceux qui étaient utilisés dans la grande 'jungle' en 2015", précise Juliette Delaplace du Secours catholique.

D'autres bouts de ficelles existent, dans les alentours. L'association La Vie active, par exemple, dispose de deux lits d'accueil d'urgence du côté de Béthune, à une cinquantaine de km de Calais. Ces derniers sont réservés aux filles mineures. "Depuis début janvier, j'en ai accueilli trois. Elles veulent toutes rester en France", détaille Stéphane Duval, responsable humanitaire de La Vie active à Calais.

La stratégie "zéro point de fixation" complique le suivi des jeunes

Repérer ces enfants est d'autant plus difficile que les lieux de vie où ils survivent sont évacués toutes les 48 heures. "Il y a la volonté de ne pas créer de point de fixation, et qu’ils ne restent pas sur les campements", résume Serge Durand.

>> À (re)lire : À Calais, nouvel épisode de violences lors d'une évacuation de campement

Pour les mineurs comme pour les majeurs, aucun lieu d'hébergement n'est proposé à Calais même. Cette stratégie pourrait se défendre sur un aspect : il s'agit de "soustraire les mineurs aux passeurs, aux camps et à ce qu’il y règne, en les mettant hors de portée, comme à Saint-Omer", justifie Serge Durand.

Mais cet impératif d'éloignement, accolé à une stratégie quotidienne d'expulsions, invisibilise les jeunes. Ces derniers sortent facilement des radars des associations. "Plus ils sont invisibles, moins ils ont confiance en l’État et les associations. Et plus on laisse place aux risques d’exploitation", s'inquiète Amélie Gatoux. Ces risques sont multiples : exploitation sexuelle, servitude domestique, incitation à commettre des délits comme la surveillance de lieux stratégiques pour les passeurs...

"Tous nos efforts quotidiens sont mis à mal" regrette la responsable d'ECPAT. Cette stratégie de "zéro point de fixation" mise en œuvre par les forces de l'ordre peut-elle être débattue lors des réunions avec le département et la préfecture ? "Non, on ne discute pas de cela avec les services de l’État", admet Serge Durand.

 


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