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Source : Info Migrants - Julia Dumont - 14/02/2022

Sur le littoral français, le naufrage du 24 novembre dernier dans la Manche et ses 27 morts, hante encore les esprits des sauveteurs en mer et des associations d'aide aux migrants. À Dunkerque, comme à Grande-Synthe, tous redoutent un nouveau naufrage meurtrier. Car malgré les températures hivernales, les tentatives de traversées ne faiblissent pas.

Julia Dumont, envoyée spéciale dans le nord de la France.

Il faisait froid, le vent était fort et les vagues hautes. Pourtant, Barkoud, Abidi et Nadia sont montés dans le bateau qui a quitté, jeudi 10 février, à l'aube, les côtes françaises, au niveau de Leffrinckoucke, à quelques kilomètres au nord de Dunkerque.

Dix minutes après le départ, le bateau s'est effondré sur lui-même, racontent, le lendemain, les trois jeunes Érythréens, autour d'un petit feu, allumé près de leurs tentes. Les occupants du canot ont appelé le 112, le numéro d'urgence international, et une équipe de douaniers français est venue leur porter secours. Ramenés au port de Dunkerque, les jeunes Érythréens sont rentrés au campement de Grande-Synthe en bus, trempés jusqu'aux os. Vendredi après-midi, leurs vêtements sont encore étalés sur des palettes de bois devant leurs tentes. Ils les avaient mis là à sécher.

>> À (re)lire : "Bien sûr que j’ai peur" : à Grande Synthe et Calais, les migrants déterminés à partir malgré le naufrage meurtrier

Sur le littoral français, de la frontière belge à Boulogne-sur-Mer, les départs d'embarcations de migrants ne faiblissent pas malgré l'hiver. Face à un phénomène qui, généralement, se réduit lors des mois les plus froids puis repart au printemps, sauveteurs et associations tirent la sonnette d'alarme. Tous craignent qu'un nouveau drame, semblable au naufrage du 24 novembre dernier, ne se reproduise. Vingt-sept migrants avaient perdu la vie dans la Manche en espérant atteindre les côtes anglaises.

"Notre activité a été multipliée par six ces quatre derniers mois"

Ces trois dernières semaines, les départs ont été moins nombreux à cause du mauvais temps. Mais avant que cette météo défavorable ne s'installe dans la zone, la Société nationale des sauveteurs en mer (SNSM) de Dunkerque a connu une période particulièrement intense. "Notre activité a été multipliée par six ces quatre derniers mois, assure Alain Ledaguenel, président de l'organisation à Dunkerque. En temps normal, on fait une centaine de sorties [en mer] par an. Là, en octobre, novembre, décembre, on en a déjà fait 50, juste pour les réfugiés."

 

Alain Ledaguenel, dans le port de Dunkerque, le 10 février 2022. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants
Alain Ledaguenel, dans le port de Dunkerque, le 10 février 2022. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants

 

Parmi les personnes à qui lui et son équipe - tous bénévoles - ont porté secours début novembre, il y avait une famille de Kurdes. Une mère et ses trois enfants : deux adolescents et une petite fille de sept ans. Alain Ledaguenel l'a tout de suite reconnue quelque jours plus tard, quand l'identité des victimes du naufrage du 24 novembre a été révélée. Ils en faisaient partie. Le marin a encore la photo de la fillette, enroulée dans une couverture de survie, dans son téléphone.

>> À (re)lire : Nord de la France : installation de caméras sur le littoral pour freiner les traversées de la Manche

Un passage au camp de Grande-Synthe confirme l'intensité des départs. Ali et Seyran, eux aussi kurdes, sont arrivés dans le camp le 25 novembre dernier avec leur quatre enfants âgés de un à neuf ans. Depuis, la famille a déjà tenté sept fois de traverser la Manche en bateau.

Leur dernière tentative remonte au mercredi 9 février. "Des policiers nous ont arrêtés avant qu'on monte à bord et ils ont crevé le bateau avec un couteau", explique le père devant la tente qu'occupe la famille. À ses côtés, un jeune homme affirme vivre à Grande-Synthe depuis un mois et avoir déjà tenté 15 fois de traverser la Manche. Soit une tentative tous les deux jours, malgré des températures qui atteignent parfois 0 degré.

 

Ali, sa femme Seyran et trois de leurs quatre enfants. La famille a déjà tenté sept fois de traverser la Manche. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants
Ali, sa femme Seyran et trois de leurs quatre enfants. La famille a déjà tenté sept fois de traverser la Manche. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants

 

Zahra, elle, est arrivée jeudi dans le camp, avec ses cinq enfants. Mère de quatre filles et d'un fils, cette Afghane a quitté Kaboul après la chute de la ville aux mains des Taliban, de peur de voir ses filles être données en épouses à des islamistes. Les valises neuves et les vêtements propres de la famille dénotent dans le camp boueux et couvert de déchets. Zahra n'a pas l'intention de s’éterniser ici et espère passer en Angleterre au plus vite.

Conditions de vie indignes et emprise des passeurs

Alors que c'est Calais qui concentre encore la majeur partie des exilés présents sur le littoral français, les départs s'organisent de plus en plus en périphérie de la ville, où la présence policière est moins importante. Plus à l'ouest, vers Wimereux et Boulogne-sur-Mer. Et plus à l'est, vers Loon-Plage et Dunkerque. "Ça n'évolue pas dans le bon sens", souffle Alain Ledaguenel qui peste contre l'indifférence générale face au désespoir des exilés qui les pousse à prendre la mer.

>> À (re)lire : Mettre à l'abri les mineurs isolés de Calais : un défi quotidien

Anna Richel, coordinatrice de l'association Utopia 56 à Grande-Synthe, confirme que "ça passe beaucoup à Dunkerque" car la zone est un peu moins militarisée que Calais. Mais la jeune femme assure, pour autant, que les populations exilées de Calais et Grande-Synthe sont différentes et qu'il n'existe que peu de transfert d'une ville à l'autre.

 

Le camp de Grande-Synthe n'a ni eau courante, ni sanitaires. Les jours de pluie, la vie y devient encore plus dure qu'à l'accoutumé. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants
Le camp de Grande-Synthe n'a ni eau courante, ni sanitaires. Les jours de pluie, la vie y devient encore plus dure qu'à l'accoutumé. Crédit : Mehdi Chebil pour InfoMigrants

 

Dans le campement de Grande-Synthe, installé le long d'une voie ferrée désaffectée et habité en majorité par des Kurdes, les conditions de vie misérables sont aggravées par l'emprise que les passeurs font peser sur certaines personnes, dénonce-t-elle. "Cela pousse les personnes à partir au plus vite." Selon la militante, certaines nationalités ne sont même pas acceptées. "L'autre jour, on a retrouvé un jeune Soudanais perdu en banlieue de Dunkerque. Il était allé au camp de Grande-Synthe mais on lui avait interdit de rester là-bas."

"Il va y avoir de la casse"

En mer, Alain Ledaguenel voit ces exilés, pressés de quitter la France, accepter de monter à bord d'embarcations de qualité déplorable. "Généralement c'est un gros pneumatique mal foutu, vendu sur internet par des boîtes chinoises. Je n'en voudrais pas pour traverser ne serait-ce que le bassin du port. C'est criminel."

Il n'est pas rare que ces bateaux, à la "matière toute fine" et "sans point d'ancrage", s'effondrent après quelques minutes en mer. C'est qui est arrivé, le 18 décembre dernier, à 2000 mètres seulement de la plage de Malo-les-bains, juste à côté de Dunkerque. Une embarcation, partie de Leffrinckoucke, avec 24 hommes à bord, s'est désintégrée dans une eau à 7 degrés. "Il faisait 3 degrés à l'extérieur", se souvient Alain Ledaguenel, qui n'a pas participé au sauvetage mais a eu plusieurs fois ses coéquipiers de la SNSM au téléphone au cours de la soirée.

>> À (re)lire : Calais : le nombre de migrants naufragés pris en charge par l'État a triplé en 2021

Malgré trois plongeurs à l'eau pour aider les membres de l'équipage à hisser les naufragés à bord, les secouristes se sont trouvés en difficultés. "Les gars m'ont appelé deux fois pour me dire : 'On n'y arrive pas. Il va y avoir de la casse'", se remémore le marin. Finalement, tous les exilés ont été secourus. Il s'en est fallu de peu. Sans l'assistance des sauveteurs, "un quart d'heure plus tard, on avait 24 morts."

 

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