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Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Cécile Bouanchaud - 02/03/2022

Pour Michel Agier, anthropologue et directeur d’études à l’EHESS, « la solidarité avec le peuple ukrainien, sur place ou s’exilant, est sans comparaison avec les épisodes précédents » de vagues migratoires.

Une solidarité « à géométrie variable » ? Alors que plus de 870 000 civils ont fui la guerre en Ukraine vers les pays limitrophes, des voix s’élèvent pour dénoncer une différence de traitement, médiatique et politique, de la question des réfugiés selon leurs origines. Jusqu’à présent, les centaines de milliers d’Ukrainiens qui fuient la guerre à laquelle se livre la Russie dans leur pays ont reçu un immense élan de solidarité et sont accueillis à bras ouverts en Europe. Mais quand Syriens, Irakiens et Afghans fuyaient eux aussi des conflits locaux, les dirigeants européens ont évoqué une « crise des migrants ».

Cerains propos ont également choqué. En France, le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges (MoDem), a fait polémique en déclarant que les Ukrainiens seraient une « immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit ». L’éditorialiste Christophe Barbier a, lui, affirmé qu’il y avait « un geste humanitaire évident » à avoir avec les Ukrainiens, notamment parce qu’ils « sont des Européens de culture ».

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Pour Michel Agier, anthropologue et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), « la solidarité avec le peuple ukrainien, sur place ou s’exilant, est sans comparaison avec les épisodes précédents » de vagues migratoires. Selon le directeur du département politique de l’Institut convergences migrations, coauteur de Babels, Enquêtes sur la condition migrante (Points Essais, 1 024 p., 12,50 euros), cette solidarité inédite s’explique par les « relations diplomatiques et géopolitiques » de proximité entre l’Ukraine et l’Europe.

Plusieurs pays européens, dont la France, se sont montrés volontaires pour accueillir les réfugiés ukrainiens. Comment expliquer cette posture d’ouverture ?

Michel Agier : D’abord, on peut se réjouir d’entendre des mots de solidarité à l’égard des personnes réfugiées et d’observer un moment de solidarité européenne prendre forme en quelques jours avec l’Ukraine.

Pour beaucoup, l’Ukraine est un pays européen et sa position de pays tampon avec la Russie en fait une zone sur laquelle toute l’attention des dirigeants européens et mondiaux se porte. La guerre se déroule aux portes de l’Europe. La solidarité avec le peuple ukrainien, sur place ou s’exilant, est sans comparaison avec les épisodes précédents. Cela doit nous éclairer sur un fait général, à savoir que les relations géopolitiques et diplomatiques sont déterminantes dans la reconnaissance du statut de réfugiés.

Rien de nouveau en cela. Le philosophe Emmanuel Kant défendait déjà au XVIIIe siècle que l’hospitalité n’est pas une question de morale ou de philanthropie, mais de diplomatie, parce qu’il faut bien s’entendre à l’échelle du monde. Je m’inquiète seulement que cette lucidité diplomatique que les dirigeants européens expriment à propos de l’Ukraine, ne s’applique pas au reste du monde, en particulier aux pays du Sud, dont les ressortissants sont traités comme indésirables. Il faut garder en tête le nombre de 54 000 morts et disparus aux frontières de l’Europe depuis 1993.

Comme vous le soulignez, lorsqu’il s’agissait de la Syrie, de l’Irak ou de l’Afghanistan, les réactions n’ont pas été les mêmes, portant davantage sur « la crise migratoire », présentée comme un problème à résoudre. Comment expliquer cette différence de positionnement ?

En effet, le ton est très différent, pour l’instant au moins. L’Europe nous a habitués à aborder la question des migrations et de l’asile de façon bien plus frileuse, voire tout à fait hostile, quand il s’est agi des exilés venant d’Afghanistan, de Syrie ou du Soudan. Le président Emmanuel Macron avait eu des propos choquants sur les exilés afghans au mois d’août 2021, appelant à lutter contre les « flux migratoires irréguliers », alors même que des milliers de personnes à Kaboul étaient encore en train de courir vers l’aéroport pour tenter d’échapper aux talibans.

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Le ton est complètement différent avec les Ukrainiens. Mais pour l’instant, comme c’est le cas en général, nous sommes dans une situation d’urgence où, face à la guerre, les personnes fuient au plus près, dans les pays voisins. Cela a été le cas aussi pour les Syriens accueillis par centaines de milliers au Liban, en Jordanie et en Turquie. Et très peu en Europe, exception faite de l’Allemagne en 2015.

Que nous enseigne l’histoire européenne concernant les précédents conflits proches de nos territoires et les vagues migratoires qui les ont accompagnés ?

Il faut rappeler que l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a d’abord été européenne. Il y avait à la fin de la seconde guerre mondiale plus de 20 millions de personnes déplacées. Le HCR a été créé en 1950 pour aider ces déplacés au sein de l’Europe.

csharrock roumanie

Bureau des services de l’immigration installé dans le stade du 9-Mai, à Siret, en Roumanie, au sein d’un camp d'urgence

pour accueillir les milliers de réfugiés ayant fui l'Ukraine, le 28 février 2022.

Sa création s’inscrit également dans le contexte de la guerre froide, notamment avec la révolution populaire hongroise en 1956, où 200 000 réfugiés avaient bénéficié d’une aide à l’installation. La convention de Genève sur le droit d’asile date de 1951 ; elle ne concernait que les Européens, avant d’être étendue à l’international en 1967.

Dans les années 1960 à 1990, la question des réfugiés s’est alors étendue en Amérique latine, en Asie et en Afrique. Avec la crise en ex-Yougoslavie et la guerre en Bosnie-Herzégovine au début des années 1990, jusqu’à la guerre du Kosovo à la fin de cette même décennie, la question des réfugiés est « revenue » en Europe, dans un contexte qui n’était plus celui de la guerre froide.

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On a alors assisté à une première crise de l’accueil. Les pays européens, principalement la France et la Grande-Bretagne, se montrent très réticents à reconnaître la condition de réfugiés avec les droits attenants. A la fin des années 1990, des petits campements de migrants ont commencé à se former à Calais [Pas-de-Calais], avec des familles kosovares, non reconnues comme réfugiées en France.

Cette période est aussi celle où des associations ont commencé à se mobiliser pour l’accueil, ainsi que des intellectuels, comme le philosophe Jacques Derrida, qui évoque dans ce contexte « l’hostipitalité » : ce conflit qui existe entre les forces de l’accueil et celles du rejet des autres. On le constate avec acuité depuis 2015, avec la crise de l’accueil qu’a traversée l’Union européenne pour des migrants et demandeurs d’asile qui venaient du Proche-Orient, d’Afrique ou d’Asie centrale.

Le terme de réfugié est utilisé pour parler des Ukrainiens en exil quand celui de migrants semble être récemment plus souvent utilisé pour évoquer le statut des Syriens, Irakiens, Afghans, Ethiopiens. Comment expliquer cette différence sémantique ?

Il y a la proximité et la visibilité de la guerre en train d’avoir lieu. Personne n’oserait dire aujourd’hui, à propos de la situation ukrainienne, que telle ou telle personne ne « mérite » pas l’accueil, qui reste, pour l’instant, administrativement un accueil « temporaire ».

Les catégories de réfugiés ou migrants n’interviennent le plus souvent que pour légitimer des orientations prises en fonction de choix stratégiques. L’élan de sympathie accompagne actuellement ces choix politiques, et l’on peut penser aussi qu’une certaine identification, par la couleur de peau ou le mode de vie, favorise cette proximité, comme si les réfugiés ukrainiens n’étaient pas tout à fait « étrangers ».

On peut toutefois souligner qu’en Ukraine, un « tri » entre Blancs et Noirs a été fait en divers points de passage, malgré la mobilisation des associations en faveur de l’accueil de tous. Cette différence de traitement s’incarne dans les difficultés qu’ont les étudiants d’Afrique subsaharienne et du Maghreb à franchir les frontières de la Pologne ou de la Hongrie pour quitter l’Ukraine. Il est intéressant de constater que la réponse a également été diplomatique, avec l’intervention de l’Unité africaine contre ce traitement différencié, que plusieurs témoins décrivent comme raciste.

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L’Association américaine de journalistes arabes et du Moyen-Orient (Ameja) dénonce justement une « couverture médiatique raciste, donnant plus d’importance à certaines victimes de guerre qu’à d’autres ». Qu’en pensez-vous ?

Je pense que les responsables politiques nationaux et internationaux donnent le ton. Celui qui est donné concernant les personnes qui fuient la guerre, comme en Syrie, en Irak, en Afghanistan, en Erythrée ou au Soudan, est très largement le ton de l’indifférence.

Le contraste est frappant entre la proximité amplifiée d’un côté, et la distance radicale de l’autre, à l’encontre des personnes venant des pays anciennement colonisés pour la plupart, qui restent indésirables, quels que soient les drames qu’ils vivent. La violence de la police polonaise contre les migrants syriens et irakiens à la frontière biélorusse à l’automne 2021, reste en mémoire. L’Union européenne s’était d’ailleurs manifestée pour donner son soutien aux pratiques de refoulement à la frontière – illégales selon le droit international – de la Pologne.

Aujourd’hui, à la frontière polonaise, aux frontières européennes, ces refoulements sont inimaginables, et c’est heureux. L’heure est à la solidarité de tous avec les réfugiés. Est-ce que cela pourra faire changer le regard des politiques et du public sur la solidarité avec les personnes déplacées d’où qu’elles viennent ? C’est ce qu’on est en droit d’espérer. Penser l’Europe serait alors une méthode pour penser notre commune humanité.

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