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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - Nejma Brahim - 30/03/2022

Jeudi 24 mars, la cour d’appel de Douai a condamné le préfet du Pas-de-Calais pour « voie de fait », après l’évacuation d’un camp de migrants survenue à Calais le 29 septembre 2020. Les exilés et associations demandaient à ce que celle-ci soit reconnue comme « illégale ».

Onze exilés et huit associations d’aide aux migrants, dont le Secours catholique et l’Auberge des migrants, avaient assigné le préfet du Pas-de-Calais en justice après l’évacuation d’un camp de migrants à Calais, le 29 septembre 2020. La cour d’appel de Douai a jugé l’évacuation illégale, jeudi 24 mars, estimant que le préfet s’était affranchi de l’autorité judiciaire pour mener l’opération, sortant ainsi de son champ de compétences.

En outre, la cour a estimé que les personnes exilées avaient été contraintes de monter dans des bus pour être éloignées de leur lieu de vie informel. En première instance, en janvier 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer s’était d’abord déclaré incompétent, la préfecture ayant requis la saisine du tribunal administratif, selon l’AFP.

Pour les associations d’aide aux migrants actives sur le littoral, qui dénoncent régulièrement les évacuations de campements – organisées toutes les 48 heures, sans tenir compte de la trêve hivernale –, ce cas est une petite « victoire »« C’est une bonne surprise », se réjouit François Guennoc, président de l’Auberge des migrants, l’une des associations requérantes. « Habituellement, on a du mal à obtenir des condamnations de l’État pour des pratiques illégales ou à la limite de la légalité. Les évacuations de campements de migrants en sont d’ailleurs un très bon exemple. À chaque fois qu’il y a une expulsion à Calais, l’équipe de Human Rights Observers interroge les autorités sur le cadre légal de leur intervention, sans obtenir de réponse. »

Des exilés à proximité d'un camp de migrants de la zone du Virval, à Calais, en 2020. © Nejma Brahim / Mediapart

« Non seulement le juge a estimé que le préfet était hors la loi, mais aussi qu’il avait porté une atteinte grave à la liberté individuelle de personnes en grande fragilité, en les contraignant à monter dans des bus, sous la surveillance des forces de l’ordre. Cette décision vient sanctionner un comportement très grave de la part d’une autorité de l’État », souligne MEve Thieffry, avocate spécialisée en droit des étrangers et conseil des requérants.

Et d’ajouter : « Depuis plusieurs années, la préfecture procède à des évacuations de campements en leur donnant pour cadre légal la flagrance. Et depuis des années les associations dénoncent ces méthodes. Cette décision vient rappeler les règles et contrarier le processus utilisé par la préfecture pour mener ces évacuations. »

Une remise en cause des méthodes de la préfecture

Car pour justifier leur politique « zéro point de fixation » (visant à empêcher toute installation de camps éphémères sur le littoral) et les démantèlements de camps qui en découlent, les services de l’État, ainsi que le procureur de la République, s’appuient de plus en plus sur la procédure pénale dite de la « flagrance », consistant à mettre fin à un flagrant délit d’occupation illicite du terrain d’autrui dans un délai de 48 heures.

Dans cette affaire, le préfet s’est d’ailleurs défendu en affirmant avoir agi sur décision du procureur de la République, après l’ouverture d’une enquête « en flagrance » concernant la présence de 450 tentes sur la zone du Virval, évacuée le 29 septembre 2020.

« Il a été démenti par le tribunal, qui considère qu’il s’est affranchi de l’autorité judiciaire pour procéder à l’expulsion des lieux. Le préfet a fait semblant de croire que le camp existait depuis moins de 48 heures, alors qu’il existait depuis l’été 2020, après l’évacuation de la zone industrielle des Dunes. Il a aussi déclaré avoir agi sur réquisition du procureur alors que ce n’était visiblement pas le cas, puisque même Gérald Darmanin l’a félicité pour cette opération. Pour lui, faire appel au principe de la flagrance était une solution de facilité, comme à chaque fois », résume François Guennoc.

Aux yeux du magistrat Patrick Henriot, à l’origine d’une note sur le recours à la procédure de la flagrance pour justifier les évacuations de camps de migrants, ces méthodes s’apparentent surtout à un « artifice », visant à donner une « apparence de légalité à un usage de la force publique qui n’entre en réalité dans aucun cadre procédural prédéfini ».

D’une part, développe-t-il, le flagrant délit pour l’installation d’un groupe sur le terrain d’autrui, à l’instant T, reste difficile à documenter.

D’autre part, les agents de police sont censés « constater l’infraction », en identifier les auteurs et rassembler des preuves, sans pour autant les expulser. « Le recours à la procédure pénale de flagrance pour expulser les habitant·es constitue un détournement de procédure », assure le magistrat, avant de rappeler une décision du Défenseur des droits de décembre 2018, soulignant « que si le constat d’infractions peut entraîner des interpellations, la procédure pénale ne peut constituer un mode d’expulsion ». « La préfecture a dévoyé cette procédure, qui n’est en aucun cas un outil pour procéder à l’évacuation de personnes et encore moins à leur éloignement », abonde Me Eve Thieffry.

« C’est une très belle décision, une première et, je l’espère, une dernière, si ce cas fait jurisprudence. Elle s’explique aussi parce que c’est la première fois qu’un préfet use autant d’une procédure pénale pour évacuer des camps », poursuit l’avocate des requérants. Reste à savoir si la préfecture du Pas-de-Calais, qui peut encore contester la décision et demander au tribunal des conflits de trancher, continuera ou non de faire usage de cette procédure pour évacuer des camps de migrants.

« C’est bien que la justice recadre de temps en temps les autorités. Est-ce que les pratiques des autorités vont changer pour autant ? Je ne pense pas, admet François Guennoc, de l’Auberge des migrants. Le préfet des Alpes-Maritimes a été condamné plusieurs fois pour le refoulement de mineurs, et il est resté en place. Il est donc très probable que la préfecture du Pas-de-Calais s’assoie sur cette décision. »

En septembre 2021, un CRS avait été condamné à 18 mois de prison avec sursis et deux ans d'interdiction d'exercer pour avoir agressé un bénévole du milieu associatif à Calais, en marge d'une évacuation de migrants, et pour avoir falsifié son procès-verbal. Deux de ses subordonnés avaient de leur côté été relaxés. Malgré tout, le climat reste « sombre », selon François Guennoc, à Calais et sur le littoral, pour les bénévoles des associations d’aide aux migrants.

« Les entraves à notre travail se multiplient, notamment avec des PV pour stationnement dangereux qui restent difficiles à contester. » Les associations ont aussi saisi la justice pour faire lever les arrêtés préfectoraux d’interdiction de distribution d’eau et de nourriture, qui ne cessent d’être prolongés. Les recours déposés auprès du tribunal administratif puis du Conseil d’État n’ont rien donné.

 


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