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Source : Le monde - Julia Pascual et Tomas Statius(« Lighthouse Reports ») - 28/04/2022

Une enquête du « Monde » et de ses partenaires de « Lighthouse Reports », démontre qu’entre mars 2020 et septembre 2021, Frontex a répertorié des renvois illégaux de migrants, parvenus dans les eaux grecques, comme de simples opérations de prévention au départ, menées dans les eaux turques.

D’après les résultats d’une enquête menée par Le Monde en collaboration avec le média à but non lucratif Lighthouse Reports, l’hebdomadaire allemand Der Spiegel et les médias suisses SRF et Republik, l’agence européenne de gardes-frontières Frontex a enregistré dans sa base de données plusieurs dizaines de refoulements illégaux comme de simples opérations de « prévention au départ » depuis la Turquie, entre mars 2020 et septembre 2021.

C’est ce qui ressort d’un fichier interne à Frontex que Le Monde et ses partenaires se sont procurés par le biais d’une demande d’accès public à un document administratif. Toutes les opérations de l’agence sont répertoriées dans cette base de données, baptisée « JORA » (Joint Operations Reporting Application). Y sont consignées aussi bien les interceptions de migrants que les saisies de marchandises de contrebande et les interpellations de passeurs. Des informations détaillées (comprenant l’heure et la date des faits, le nombre de personnes concernées et, parfois, un résumé) fournies à l’agence par les Etats membres.

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L’équipe de journalistes derrière cette enquête s’est focalisée sur l’opération « Poseidon », menée le long des frontières maritimes de la Grèce avec la Turquie et sur les événements qui ont fait l’objet d’une surveillance de Frontex. Hélicoptères, avions ou drones de l’agence survolent souvent les frontières extérieures de l’Union européenne (UE). Entre mars 2020 et septembre 2021, cela représente 222 incidents dans JORA, tous présentés comme des « préventions au départ » en mer Egée, c’est-à-dire des cas de bateaux de migrants interceptés ou déroutés avant qu’ils aient atteint les eaux grecques. Or, d’après l’enquête, ces événements recouvrent de nombreux renvois illégaux de migrants.

Pratique contraire au droit international

En croisant les données de JORA avec des rapports d’associations ou encore des comptes rendus des gardes-côtes turcs, il apparaît que, dans 22 cas au moins, qui représentent 957 migrants, ceux-ci ont été retrouvés dérivant en mer dans des canots de survie gonflables, sans moteur. D’après des photos que Le Monde et ses partenaires ont pu authentifier, ces canots, de couleur orange, correspondraient à des modèles achetés par le ministère de la marine grec, via un financement de la Commission européenne. Ce qui tendrait à prouver que les migrants ont accédé aux eaux grecques avant d’être refoulés illégalement.

En outre, à plusieurs reprises, l’enquête a établi que les migrants avaient atteint les côtes grecques avant d’être retrouvés par les gardes-côtes turcs, dérivant en mer. Ils auraient de cette manière été empêchés de demander l’asile en Grèce, une pratique contraire au droit international.

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Ainsi, le 28 mai 2021, une cinquantaine de passagers ont accosté sur l’île de Lesbos vers 6 heures du matin. Les photos et les données GPS que les passagers ont partagées, notamment avec l’association Aegean Boat Report, attestent de leur présence sur l’île. Pour ne pas être repéré, le groupe s’est séparé en deux. Selon les témoignages des migrants, la police grecque aurait repéré et interpellé une partie d’entre eux et les aurait transférés en mer sur une vedette des gardes-côtes. Une fois transportés jusqu’aux eaux turques, les Grecs les auraient laissés à la dérive à bord d’un petit canot de survie.

Migrants ramenés en mer après avoir accosté

« Nous supposons qu’ils ont ensuite appelé la police turque », explique Ali, un Afghan de 44 ans, qui faisait partie du groupe et que nous avons pu contacter. Il voyageait avec sa femme et ses deux enfants. Un communiqué des gardes-côtes turcs confirme que, ce jour-là, vers 13 heures, 32 personnes ont été secourues au large de Tchesmé. Et précise que les migrants avaient été abandonnés en mer par les Grecs. D’après nos recoupements, cet incident a été consigné sous le numéro 441726 dans le fichier JORA comme une simple « prévention au départ ».

Le 29 avril 2020, Frontex fait état d’une opération similaire, sous le numéro 406384. Le document de l’agence décrit l’événement en ces termes : « Un bateau avec environ vingt migrants à bord a été détecté par le VPO HCG [un patrouilleur des gardes-côtes grecs] (…) à l’intérieur de la TTW [les eaux territoriales turques]. (…) Un bateau de la TCG [les gardes-côtes turcs] est arrivé dans la zone et a pris la responsabilité de l’incident. »

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D’après nos investigations, les migrants avaient, en réalité, accosté sur l’île de Samos, avant d’être interpellés par la police grecque, puis ramenés en mer et laissés à la dérive à bord d’un canot de survie. Le cas a été documenté par le média Bellingcat grâce à des vidéos, des photos, des données GPS, mais aussi les témoignages d’habitants de Samos, ainsi que des migrants. Ces derniers ont notamment déclaré que, chaque fois que la marée les ramenait vers les eaux grecques, un navire grec utilisait son sillage pour les repousser dans les eaux turques.

Base de données erronée, voire mensongère

Ces cas, et une vingtaine d’autres sur lesquels le collectif de médias a enquêté, montrent que la base de données de Frontex est à tout le moins erronée, si ce n’est mensongère. Un agent de Frontex, qui souhaite conserver l’anonymat, reconnaît que le fichier JORA comporte des « descriptions douteuses » et, parfois, « fantaisistes ». Un deuxième fonctionnaire, lui aussi anonyme, corrobore : « On a toujours des doutes sur ce qui remonte, bien évidemment. Tout ce que nous pouvons faire, c’est rappeler l’Etat membre si les éléments dont nous disposons sont en contradiction claire avec les informations que l’on nous a apportées. »

Pour un policier grec, cependant, l’agence « ne fera rien pour mettre l’Etat membre dans l’embarras ou lui créer des problèmes ». « La remontée d’informations à Frontex a toujours été une ruse. L’agence accepte toujours plus ou moins notre version », appuie, à son tour, un fonctionnaire des gardes-côtes grecs qui ne souhaite pas dévoiler son identité, avant de s’interroger plus franchement : « Pourquoi on n’appelle pas tous ces incidents des “pushbacks”, et qu’on en finisse ? »

Sollicitées, les autorités grecques démentent toute action illégale. Frontex se refuse, pour sa part, à tout commentaire : « Nous n’avons aucun pouvoir pour enquêter sur les agissements des autorités nationales, déclare l’agence. Elles sont les seules responsables du contrôle aux frontières. »

La « complicité » de Frontex

Cela fait deux ans que le directeur exécutif de Frontex, le Français Fabrice Leggeri, fait l’objet de vives critiques. En mars 2020, un consortium de journalistes d’investigation, mené par Lighthouse Reports, avait révélé la complicité d’un bateau de l’agence, témoin d’un « pushback » en mer Egée, ce qui avait provoqué une crise de gouvernance sans précédent. « Les refoulements ont été évoqués devant le conseil d’administration », se souvient un cadre du ministère de l’intérieur français, selon qui « la vraie question qui se posait, c’est : de quel droit un bateau grec sous l’égide de Frontex se retrouve à dire à un canot de faire demi-tour et d’aller dans les eaux turques, alors qu’ils veulent demander l’asile » ?

Ce haut fonctionnaire évoque le manque de données disponibles à propos des opérations en mer : « Je n’ai pas le sentiment que les procédures de contrôle et de surveillance étaient bien en place. Si vous n’avez pas la certitude que l’Etat vous dit tout, ne faudrait-il pas placer un officier aux droits fondamentaux [chargé du respect du droit international] dans chaque navire ? » La députée européenne néerlandaise Tineke Strik (Verts), membre du groupe de travail parlementaire Frontex Scrutiny Working Group, est plus sévère encore : « Frontex sait qu’elle ne peut pas se contenter de reprendre à son compte les informations données par les Grecs, car des refoulements sont rapportés comme des opérations de prévention au départ, assure l’élue. L’agence doit être plus indépendante, sous peine de se rendre complice des violations de droits fondamentaux. »

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Le manque de diligence de Frontex à enquêter sur les violations des droits de l’homme a récemment été pointé du doigt par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), qui a bouclé un rapport non public en février 2022, fruit d’un an d’enquête. D’après deux sources internes à l’agence, l’OLAF aurait notamment enquêté sur six cas présumés de refoulement. Jeudi 28 avril, M. Leggeri devait répondre aux questions de son conseil d’administration, réuni à titre exceptionnel. L’ordre du jour ? Les conclusions de l’OLAF sur les refoulements de migrants en mer Egée.

Une enquête réalisée avec la contribution de Htet Aung, Bashar Deeb, Emmanuel Freudenthal, Gabriele Gatti et Francesca Pierigh (Lighthouse Reports)

 


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