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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Médiapart - Maïa Courtois - 21/05/2022

L’association Aeré pour les réfugiés, dirigée par une responsable du Conseil pour l’Afrique d’Emmanuel Macron, se vante de « résultats extraordinaires » en termes d’intégration. Mais les alertes sur sa gestion se multiplient, alors qu’elle a déjà encaissé 1,7 million d’euros de fonds publics.

D’un côté, il y a la vitrine. Diane Binder se targue d’avoir fondé, avec Action emploi réfugiés (Aeré), l’association « leader en matière d’intégration professionnelle des réfugiés en France ». En quelques années, cette ancienne directrice adjointe du développement international du groupe Suez a décroché de grosses subventions publiques, plusieurs soutiens dont celui de la fondation Total. Mais il y a l’envers du décor : une mauvaise gestion financière et des résultats discutables, d’après notre enquête et des documents confidentiels.

À l’origine, en 2016, Aeré était un simple groupe Facebook mettant en lien réfugiés et employeurs. Aujourd’hui, l’association propose un parcours (baptisé « Socle ») de 12 à 18 mois d’accompagnement socioprofessionnel individuel ; et un parcours de six mois de formation collective (intitulé « Avec »), dédié à un secteur en manque de main-d’œuvre. Entre-temps, elle a bénéficié de 1,7 million d’euros de fonds publics via le Plan d’investissement dans les compétences (PIC), lancé en 2018 par la ministre du travail Muriel Pénicaud.

« Aeré a eu énormément d’argent par rapport à sa taille, pointe une source au ministère du travail. Si encore c’était une organisation reconnue permettant d’obtenir un diplôme ou un emploi stable… Mais on ne sait pas vraiment ce qu’ils font. »

« Ce qui me chagrine, c’est qu’Aeré, comme eachOne [un autre projet en direction des réfugiés financé par le PIC – ndlr], c’est de l’argent public mal utilisé, tranche Dany*, qui a collaboré avec Aeré. Mais c’est difficile de dénoncer des associations qui, de base, sont souvent visées... », soupire-t-il, en référence aux discours anti-immigrés dans les médias.

Diane Binder lors de l’université d'été du Medef en 2016 à Jouy-en-Josas. © Photo Romuald Meigneux / Sipa

Comme lui, toutes nos sources ayant travaillé avec Aeré ont souhaité garder l’anonymat, par crainte pour leur carrière. Selon elles, les deux cofondatrices et présidentes, Diane Binder et Kavita Brahmbhatt, disposeraient de « réseaux puissants ». La première, qui avait tenté d’obtenir une investiture La République en marche (LREM) aux législatives en 2017 et a occupé de hauts postes chez Suez jusqu’en 2020, a été nommée par Emmanuel Macron au Conseil présidentiel pour l’Afrique. Kavita Brahmbhatt, elle, travaille pour les Nations unies depuis plus de 15 ans.

Si plusieurs sources ont tenu à exprimer leurs inquiétudes auprès de Mediapart, c’est que l’enveloppe de 1,7 million d’euros du PIC était répartie en trois tranches (de 2019 à 2021) et qu’Aeré vient de déposer une demande de prolongation de financement sur quelques mois.

En effet, une enquête mandatée en 2021 par le ministère du travail dans le cadre du pilotage du PIC, et que Mediapart a pu obtenir, conclut à une situation financière « inquiétante ». Elle indique que le solde mensuel d’Aeré a été par six fois négatif depuis le début du conventionnement avec le PIC. L’association est en déficit en 2019 et 2020, alors que les recettes d’exploitation sont en hausse, en grande partie grâce au PIC. Lorsque cette enquête a été menée, la trésorerie ne permettait plus de couvrir qu’un mois et demi de dépenses d’exploitation.

Comment expliquer ces difficultés ? « Le PIC est versé sous forme de remboursement de dépenses déjà engagées. Pour une petite structure comme nous, avancer des dépenses avant de pouvoir se les faire rembourser, ce n’est pas évident », justifie Diane Binder.

Parmi ses mécènes, les fondations Total et Rothschild

À l’heure actuelle, l’État intervient à hauteur de 44,5 % dans le projet. Pour le reste, Aeré a reçu de l’argent de collectivités en 2019 : 40 000 euros de la ville de Paris, 40 000 du département de la Gironde, 60 000 euros de la région Nouvelle-Aquitaine. Côté mécènes privés, la fondation Total lui a versé 100 000 euros par an entre 2020 et 2022, aux côtés de BNP Paribas (15 000 euros) et de la fondation Rothschild (21 000 euros).

Certaines demandes de financement interrogent. Le développement d’un outil de recherche d’emploi en ligne a par exemple été « financé à la fois par le ministère de l’intérieur en 2018, puis par la fondation Total en 2018… Puis par le PIC », dénonce Dany - ce que la source ministérielle confirme.

Or un tel outil n’a jamais vu le jour. « Ils ont reformulé et revendu à trois reprises l’idée pour obtenir des financements… Aujourd’hui, le site n’a pas de plateforme de recherche d’emploi. Il ne reste que le groupe Facebook, comme en 2016. Je me demande à quoi ont servi ces dizaines de milliers d’euros », déclare Dany.

Interrogées à ce sujet, les coprésidentes n’évoquent pas de plateforme de recherche d’emploi. Elles indiquent plutôt qu’il y a eu dans un premier temps une « remise à niveau » de leurs outils numériques par un financement du ministère de l’intérieur en 2018. Puis le financement par Total et le PIC d’un outil « pour gérer le back-office de [leurs] contacts [...] aujourd’hui utilisé par les équipes de l’association ».

Les objectifs annoncés n’étaient pas possibles à tenir.
Un ancien de l’association

« On avait des difficultés financières », reconnaît volontiers Diane Binder, qui insiste sur l’impact de la crise sanitaire sur le développement des partenariats et des activités. « Mais on a toujours eu des résultats opérationnels extraordinaires. On accompagne environ 500 personnes réfugiées par an, avec 70 et 80 % de taux de succès, c’est-à-dire de sorties vers un emploi stable ou une formation qualifiante. »

Sur son site, l’association affiche en effet près de 75 % de sorties positives pour chacun des deux programmes, Avec et Socle. Entre un tiers et la moitié sont des sorties en « formation qualifiante » ou « pré-qualifiante ». Qu’est-ce que cela recouvre exactement ? « On parle de “sortie positive” y compris pour ceux qui sortent en formation, pour aller prendre des cours de français dans une association de bénévoles par exemple », relativise Dany.

« Le financement du PIC, c’était ingérable. Les objectifs annoncés en matière de personnes accompagnées n’étaient pas possibles à tenir, raconte Benoît*, qui a travaillé au sein de l’association. Cela nous mettait en difficulté pour justifier les virements du PIC. »

En outre, dans le dossier des lauréats du PIC, on lit que l’argent doit permettre à Aeré « de se déployer sur trois nouveaux territoires : Nantes, Strasbourg et Lille ». Aujourd’hui, Aeré n’est implanté qu’à Paris et Bordeaux, comme en 2019. « Le PIC nous a fait complètement changer d’échelle, quasiment du jour au lendemain. En l’espace d’un an, on est passé d’environ deux à dix personnes », défend tout de même Diane Binder.

Sur son parcours principal, Socle, Aeré visait un ratio de 50 bénéficiaires accompagnés par un conseiller en insertion professionnelle. Or, en 2019, selon l’enquête mandatée par le ministère du travail, ce ratio était de 235 personnes accompagnées par un conseiller. En 2020, il était de 68. « Il n’y avait pas assez de personnes pour faire convenablement de l’accompagnement », estime Claire*, ancienne collaboratrice.

Sérieuses réserves sur le fonctionnement démocratique de l’association.
Courrier de l’administration fiscale

Toutes ces problématiques ont créé « une situation de souffrance au travail » chez les salarié·es, constate l’inspection du travail en septembre 2021, qui mentionne aussi un « turn-over important ».

En outre, des problèmes de gouvernance se posent. Plusieurs collaborateurs assurent que les assemblées générales n’avaient pas toujours lieu ; et que des procès-verbaux ont été écrits a posteriori. « Aucune irrégularité n’a jamais été constatée [...] et l’ensemble des documents requis concernant la bonne gestion de l’association ont toujours été soumis », répondent les coprésidentes d’Aeré. Dans un courrier émanant de l’administration fiscale, en 2018, celle-ci émet pourtant de « sérieuses réserves sur le fonctionnement démocratique de l’association » et lui demande de réécrire ses statuts. L’enquête mandatée par le ministère du travail en 2021 pointe à nouveau des lacunes, dont l’absence de procédure de renouvellement des membres du conseil d’administration.

Les membres de ce conseil d’administration étaient, jusqu’en début d’année, de proches relations de Diane Binder ou Kavita Brahmbhatt. On y trouvait Saskia de Rothschild, fille du baron Éric de Rothschild ; ou encore Benoît Bonello, directeur de l’innovation sociale chez Suez. Loin d’être un détail, ces figures influentes témoignent de la dimension politique de l’association.

Au vu de ces difficultés, Aeré « était censé ne pas obtenir la dernière tranche du PIC, de 440 000 euros, raconte la source ministérielle. Les dirigeantes ont profité du contexte de la crise afghane pour dire : “Mais vous ne pouvez pas ne pas financer un projet qui s’occupe des réfugiés.” » L’argent a été débloqué fin 2021. « Le Haut Commissariat aux compétences, rattaché au ministère du travail, a dit : “On leur laisse une dernière chance”… Comme Diane est considérée comme proche de Macron, ils voulaient s’assurer de faire le maximum. »

Ce Haut Commissariat aux compétences pilote les comités interministériels de sélection et de suivi du PIC, au sein desquels « des projets sont poussés politiquement alors qu’ils ne le valent pas », estime notre source.

En janvier dernier, Aeré s’est affilié au groupe SOS, ogre de l’économie sociale et solidaire (seniors, handicap, sans-abrisme…) dirigé par un proche d’Emmanuel Macron, Jean-Marc Borello, délégué général adjoint d’En Marche, et qui affiche une croissance exponentielle (18 000 salariés et 950 millions de chiffre d’affaires) ces dernières années. Lancée sur fonds publics, l’association pourrait-elle se transformer en entreprise lucrative ? « Depuis le début, mon rêve est de mettre en place un modèle hybride par lequel on peut générer des revenus issus de l’activité, assume Diane Binder. J’espère que ce sujet sera regardé par le groupe SOS. »

Une telle transition vers le secteur marchand ne serait pas un cas isolé chez les associations nées à Paris dans la foulée de la médiatisation de ladite « crise migratoire » de 2015. Aeré, Singa, eachOne, Kodiko : toutes « sont liées au monde marchand de plusieurs manières, et portent le nom, revendiqué par la plupart de leurs dirigeant·es, de “start-up de l’asile”, décrypte Fred Salin, doctorant en sociologie à l’Iris et l’EHESS. Elles ont ainsi pour la plupart été fondées ou dirigées par des personnes qui ont travaillé dans le secteur marchand ». Toutes sont spécialisées dans l’insertion par le travail, prisme privilégié par La République en marche. Toutes, enfin, ont été financées par le PIC. Certaines d’entre elles, comme eachOne, ont basculé vers un modèle lucratif. D’autres, comme Aeré, n’ont pas encore franchi le pas.

 


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