Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Jean-Baptiste Chastand - 29/05/2022

Opposants actifs au Kremlin, simples télétravailleurs, réfugiés en transit : les jeunes Russes découvrent à Belgrade un environnement favorable au président russe et à la guerre en Ukraine.

Le bar est typique de ces lieux branchés de Belgrade cachés dans la cour d’un immeuble connu des seuls habitués de la capitale serbe. Depuis quelques semaines, tous les jeudis soir, il est devenu le discret point de rencontre des Russes qui ont fui leur patrie pour atterrir dans le dernier pays d’Europe à entretenir des liaisons aériennes directes avec Moscou et Saint-Pétersbourg. Autour d’une bière, jeudi 19 mai, une dizaine de Russes discutent, prudemment, de cet étonnant pays d’accueil qui les reçoit à bras ouverts pour une raison inattendue : l’opinion publique y est massivement prorusse.

« C’est très contradictoire, reconnaît Arthur Zalevsky, biologiste de 31 ans qui a quitté Moscou début mars. Les Serbes sont très sympas, tout le monde essaye de nous aider, mais, après, vous voyez des manifestations et pleins de graffitis pro-Poutine dans la rue. » Lui est parti de Russie deux semaines après le déclenchement de la guerre en Ukraine, plus par crainte d’être bloqué dans sa carrière scientifique que par véritable conviction politique. « Je fais certes partie de cette communauté de Moscovites qui ont manifesté en 2012 [contre le président Vladimir Poutine], mais j’avais surtout peur qu’il devienne beaucoup plus dur de quitter le pays si je ne partais pas tout de suite. » A Belgrade, il attend désormais de recevoir un visa américain pour rejoindre la place de postdoctorant qu’il a décrochée dans une université de San Francisco.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés A Riga, le désarroi de l’intelligentsia russe en exil
la Serbie refuge paradoxal

Marina Bulganina, devant chez elle à Belgrade (Serbie) le 19 mai 2022.

Dynamique figure de cette communauté naissante, la trentenaire Marina Bulganina a, elle, « tout vendu » à Moscou pour venir s’installer à Belgrade, en mars, où elle loue une ancienne auberge de jeunesse qu’elle rêve de transformer en lieu de vie collective pour les Russes ayant fui Poutine. « Depuis des années, je voyais les choses empirer », raconte cette ancienne agente de voyages, qui assure avoir préparé son départ dès l’été, à l’occasion d’un voyage de repérage dans les Balkans. Son premier colocataire, Kiril Dobriakov, informaticien de 24 ans qui travaille pour Reddit, un site américain de forums, est, lui, arrivé en Serbie après avoir transité en Turquie et à Budva, au Monténégro, une station balnéaire devenue lieu de refuge des opposants à la guerre en Ukraine. Comme de nombreux informaticiens russes travaillant pour des entreprises américaines, il s’est vu proposer par son employeur de déménager à l’étranger pour contourner les sanctions prises à Washington contre Moscou depuis le début du conflit.

« Mauvaises graines »

Tous les Russes de Belgrade ne sont pas de farouches opposants au régime, mais ils incarnent une classe urbaine moscovite qui a souvent la possibilité de travailler à distance. Leur nombre est inconnu, mais, depuis le début du conflit, le registre du commerce local a enregistré des centaines de créations d’entreprises par des Russes, et les agents immobiliers témoignent d’une forte hausse des prix des locations.

Les Russes n’ont pas besoin de visa pour entrer en Serbie et peuvent y rester trente jours, renouvelables en se rendant quelques heures dans un Etat voisin, en Bosnie ou au Monténégro, avant de franchir à nouveau la frontière. En Serbie, ils se retrouvent dans un pays où, selon les sondages, près de la moitié de la population estime que le conflit en Ukraine a été déclenché par l’OTAN. Outre une proximité linguistique et religieuse avec la Russie, les Serbes entretiennent un traumatisme des bombardements décidés par l’Alliance atlantique en 1999 en représailles aux opérations de l’armée serbe au Kosovo. Depuis, ils voient le président Poutine comme leur principal soutien diplomatique face à leur ancienne province, qui a proclamé son indépendance en 2008.

la Serbie refuge paradoxal2

Predrag Milicevic, Serbe, a acheté un t-shirt représentant l’amitié entre les Russes et les Serbes, le 19 mai 2022 à Belgrade.

Dans la rue piétonne du centre de Belgrade, les magasins qui offrent depuis longtemps des tee-shirts à la gloire de Poutine ou de Ratko Mladic, ancien général serbe condamné pour génocide et crimes contre l’humanité pour son rôle dans la guerre de Bosnie, proposent désormais aussi des modèles affichant un grand « Z », la lettre peinte sur les blindés russes en Ukraine. « Je ne les porterais pas, mais ça se vend très bien », explique un des vendeurs. Predrag Milicevic. Un représentant en assurance de 44 ans qui a grandi en Suisse, arrive justement pour s’en procurer un. « Je soutiens la guerre en Ukraine parce qu’il y a beaucoup de fascistes dans ce pays », affirme le quadragénaire serbe, reprenant la propagande de Moscou.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés La Serbie, seul pays d’Europe à soutenir massivement la Russie de Poutine

Que pense-t-il de ces nombreux Russes ayant quitté Moscou et dont on entend de plus en plus la langue dans les rues de Belgrade ? « Il y a toujours des gens pour ou contre », évacue-t-il. D’autres, plus extrémistes, les traitent « de mauvaises graines ». « Ils n’aiment pas leur pays », fustige ainsi Mladen Obradovic, leader d’une association nationaliste serbe qui a organisé plusieurs manifestations à Belgrade en faveur de la guerre en Ukraine en brandissant des grands drapeaux russes. Ce militant d’extrême droite, déjà condamné pour ses propos homophobes, reconnaît cependant qu’il ne leur a encore jamais adressé la parole.

la Serbie refuge paradoxal3

Mladen Obradovic, leader d’une association nationaliste serbe, le 19 mai 2022 à Belgrade.

Peur d’une mobilisation générale

De son côté, le pouvoir serbe garde un silence absolu sur cette vague migratoire, signe de son délicat équilibrisme diplomatique. Ancien ministre du dictateur Slobodan Milosevic, le président, Aleksandar Vucic, refuse de rompre avec Moscou tout en se proclamant pro-européen : il a certes voté la résolution condamnant l’offensive à l’ONU, mais refuse de s’aligner sur les sanctions européennes décidées à Bruxelles, alors même que tous les Etats candidats à l’adhésion à l’Union européenne sont censés le faire. C’est précisément parce que le pays est épargné par les sanctions que la compagnie nationale Air Serbia est la dernière en Europe à desservir la Russie, et que les Russes peuvent toujours transférer leur argent vers les banques locales.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Serbie : à l’approche du scrutin du 3 avril, le président sortant renforcé par la guerre en Ukraine

Mais cela ne suffit pas toujours à séduire ceux qui sont partis par peur de M. Poutine. « J’ai choisi la Serbie car j’étais dans l’urgence », raconte ainsi au téléphone Alexeï Machnev, informaticien de 24 ans. Paniqué face au risque de mobilisation générale, il a réservé un vol le matin du déclenchement de la guerre, le 24 février, et a décollé le soir même, « pour 60 000 roubles » (plus de 900 euros à l’époque), quittant précipitamment sa petite amie et sa famille pour un pays dans lequel il n’avait jamais mis les pieds et dont il ignorait l’histoire. « J’ai été vraiment choqué de tomber sur des Serbes de mon âge qui soutenaient Poutine, je ne pensais pas que c’était possible en dehors de la Russie », raconte-t-il. Alors, après quelques semaines sur place, il a préféré partir au Sri Lanka, où il essaie désormais de travailler à distance, malgré les restrictions d’électricité et de carburant dues à la crise politique locale.

la Serbie refuge paradoxal4

Dans un bar à Belgrade, devenu le discret point de rencontre des Russes qui ont fui leur patrie pour la Serbie, le 19 mai 2022.

« Quand je suis arrivée à Belgrade, j’ai contacté des amis que j’avais rencontrés lors d’une résidence artistique pour essayer de trouver un lieu où dormir, mais ils m’ont dit clairement qu’ils soutenaient la Russie et qu’ils ne voulaient plus me parler. J’ai l’impression que Poutine est encore plus aimé en Serbie qu’en Russie », abonde Lisa, une artiste de 31 ans qui a trouvé refuge en France grâce au soutien de l’ONG Artist at Risk.

Comme elle, nombre de Russes de Belgrade espèrent ne rester qu’un temps en Serbie avant de partir ailleurs en Europe, mais les ambassades européennes se montrent tatillonnes, réclamant qu’ils présentent d’abord des permis de résidence serbes avant de déposer des demandes de visa. De source diplomatique, la France a fait quelques exceptions pour des Russes pouvant faire la preuve que rester dans leur pays d’origine représentait un risque. « On aide les gens qui le méritent », explique ainsi un diplomate, relevant que tous les Russes ayant fui dans les Balkans ne sont pas des opposants actifs.

 

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter