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Source : Médiapart - Rémi Yang - 31/05/2022

L’Office de l’immigration a fait appel ces dernières années à un cabinet de conseil pour collecter des données sur les systèmes de santé dans le monde. Objectif : aider ses médecins à évaluer la situation des demandeurs de titres de séjour « pour soins ». Un processus coûteux, d’après nos informations.

C’est une « bibliothèque d’informations » sur les hôpitaux en Afghanistan ou l’épidémie de sida au Nigéria qui a coûté des dizaines de milliers d’euros à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), développée par un cabinet privé alors que l’essentiel des données étaient publiques.

L’Ofii a dû développer cette base de données (Bispo) après avoir reçu compétence, en 2016, pour rendre un avis – en lieu et place des Agences régionales de santé (ARS) – sur la situation des étrangers demandeurs de titres de séjour « pour soins ». Depuis, les médecins de cet établissement sous tutelle de l’Intérieur sont censés y piocher, en quelques clics, des renseignements sur les systèmes de santé des pays d’origine. Exemple réel : alors que Monsieur X., Kosovar, dit souffrir d’une cardiopathie ischémique (conséquence d’un AVC et d’un cancer bronchique), il s’agit de déterminer s’il est bien atteint de ces pathologies et de vérifier qu’il ne peut pas bénéficier, sur place, d’une prise en charge adéquate.

Une médecin de santé publique également auriculothérapeute

L’affaire est lancée cinq mois après ce transfert de compétences. Via un avis d’appel public à la concurrence, l’office se met en quête d’un prestataire pour la « collecte des informations », et c’est le cabinet de conseil en santé publique Chaix-Couturier qui remporte le marché fin 2016.

Des membres de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à Grande-Synthe en 2017. © Photo Philippe Huguen / AFP

Trois personnes, Carine Chaix-Couturier, Yves Charpak et Marc Danzon, sont chargées de réunir, vérifier et restituer des données sur plusieurs pays, et de les mettre à jour tous les trois mois : la première est une médecin de santé publique, également auriculothérapeute - une médecine non conventionnelle basée sur la stimulation de points sur les oreilles –, Marc Danzon a été directeur régional européen de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2000 à 2010, et Yves Charpak est chercheur en santé publique. Ces « fiches pays » exposent les dépenses de santé, la densité en lits d’hôpital, le taux de fertilité, le système de protection sociale…

« Dans une première phase, expérimentale, la demande de l’Ofii s’est limitée aux 22 pays les plus représentés (...) parmi les demandeurs (...) et 6 groupes de pathologies, les plus fréquentes », détaillent les trois collaborateurs dans un article paru en 2017 dans les Tribunes de la santé. Mais « le nombre de pays et de pathologies concernées à documenter est amené à augmenter ». 

6 000 euros par pays

Aujourd’hui, l’Ofii indique à Mediapart avoir dépensé 230 000 € en tout dans ce projet. D’après des factures, la collecte de données pour un pays a pu être rétribuée entre 5 600 euros et 6 050 euros, et un forfait de 8 250 euros a été fixé pour leur actualisation trimestrielle.

Mais sur ce montant global, le cabinet de conseil a également assuré des formations à destination des médecins de l’Ofii, facturées 4 000 euros toutes les deux séances. « À ma connaissance, [tous] ont reçu une information avec la présentation de la base [de données] et comment elle fonctionnait, les questions auxquelles elle pouvait répondre et celles auxquelles elle ne pouvait pas répondre… », nous répond Carine Chaix-Couturier. Si les commandes de l’Ofii ont pris fin en 2019, « nous avons continué à livrer les documents commandés jusqu’en 2021 », détaille la médecin en santé publique.

Depuis la fin du marché, « l’Ofii n’a plus de prestataire (…) et n’a aucunement l’intention d’en reprendre », indique à Mediapart le directeur général de l’Office. Mais pourquoi donc avoir fait appel à un cabinet extérieur ? « L’administration n’a pas la compétence interne médicale et pointue », affirme Didier Leschi. Même au ministère de la santé ou dans le réseau d’ambassades du quai d’Orsay ? « [En 2016], nous avons anticipé le retard, regrettable, du ministère de la santé, plaide le directeur général. Il n’était pas question pour les médecins de l’Ofii de rester impréparés et d’improviser en urgence ». (Voir l'intégralité de ses réponses dans les Annexes)

Une transparence défaillante

Cela fait plusieurs années, par ailleurs, qu’associations et avocats réclament la transparence sur cette base Bispo et les « fiches » fournies par le cabinet Chaix-Couturier. « Depuis le transfert de compétence entre le ministère de la Santé et l’Ofii, les avis positifs ont considérablement chuté, on est davantage dans une logique de contrôle de flux migratoires que de soins », remarque en effet Nohra Boukara, avocate de monsieur X, dont le titre de séjour a été refusé une première fois en 2017. Elle a saisi dans la foulée la justice administrative pour demander à consulter les fameux « documents de synthèse » de l’Ofii.

« Le secret autour de la Bispo permet une absence totale de débat public et de contrôle démocratique, garantissant à l’Office et à ses médecins une impunité d’agir », dénonce aussi Act-Up, estimant que ces contenus jouent un rôle important dans l’attribution ou non des titres de séjour.

Entre 2019 et 2021, pas moins de quinze saisies de consultation de la Bispo ont été enregistrées à la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada). À chaque fois, l’Ofii a contesté l’existence de la base de données telle que décrite par les associations et renvoyé vers une « vulgaire » page web sur son site, simple liste de liens, loin de correspondre au travail décrit par Carine-Chaix Couturier et ressemblant fort à un document déjà rendu public par le ministère de la santé en 2016. Une page web pourtant considérée comme valant Bispo par le tribunal administratif dans plusieurs décisions consultées par Mediapart. « Tous ces sites [en lien] ne sont qu’une aide à la décision », veut relativiser au passage Didier Leschi.

Reste qu’en juillet 2021, le Conseil d’État a considéré le projet de « fiches pays », réclamées par les associations, comme « finalement (...) abandonné ». « Je ne sais pas ce qu’ils en ont fait », nous déclare Carine-Chaix Couturier, qui ignorait l’abandon du projet. Elle-même assure n’avoir jamais consulté la bibliothèque dans son intégralité. « La Bispo, ce n’était pas que nos fiches. Elle était alimentée par d’autres documents qui ne provenaient pas de notre travail. »

Didier Leschi confirme avoir « arrêté le système de fiches ». Un fiasco ? Malgré leur coût, elles n’auraient « servi que de support de formations (...) et permis aux médecins de développer leur autonomie dans l’utilisation de l’ensemble des sources, références et bases de données internationales » type OMS ou Banque mondiale, plaide encore le directeur général. Sollicité, le ministère de la santé, lui, n’a pas souhaité commenter nos informations sur le dispositif et son coût.

 


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