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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Ben art core - 07/06/2022

« Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a ». (Louis Segond Bible, Matthieu 13.12).

Le Centre d’Hébergement d’Urgence Sociale Junod est ouvert depuis 2016 avec une ouverture des lieux de 17h à 9h. Dans ce laps de temps, les hébergés peuvent se poser après leur journée. Le repas du soir est de 18h15 à 20h30. Le matin, le petit déjeuné de 7h15 à 8h30. Les chambres doivent être fermées à clés à 8h45 et les clés rendues en sortant ; remise à la rue à 9h. Samedi, Dimanche et jours fériés inclus (Dimanche ouverture à 15h30).

Vue depuis la salle de convivialité - 04.06.2022 © ben art core

A Toulouse, la majorité des centres d'hébergement sont fermés en journée contrairement à de grandes villes comme Paris ou la situation a évolué pour rester ouvert en journée. Les centres d’hébergement sont généralement ouverts 24h/24 et les personnes ont la liberté de disposer de leur temps ainsi que de rentrer et de sortir quand elles le souhaitent.

Le fonctionnement du CHUS est basé sur un ancien régime de lois qui entraîne une remise à la rue quotidienne des personnes.

En 2020, à la suite de la pandémie Covid 19, la France est en confinement. Il en sera de même pour les hébergés de Junod. A l’été 2021, un premier déconfinement est opéré avec la remise à la rue en journée. Puis, lors de la période hivernale, le CHUS Junod reçoit les financements nécessaires pour une ouverture des lieux H24 jusqu’au 31 mars. Un financement sera ensuite trouvé pour prolonger cet hébergement en journée deux mois supplémentaires, repoussant ainsi la mise à la rue au 1er juin.

Pour la plupart des hébergés, l’ouverture H24 (et donc, le fait qu’ils ne soient pas remis à la rue quotidiennement) est un réel mieux vivre. Il en sera de même pour les salarié·e·s.

Au niveau des salarié·e·s, deux postes en « renfort » ont été créés. Deux titulaires le matin + 1 poste de renfort, et trois titulaires les soirs + 1 renfort pour 121 personnes.

Si le H24 a permis à certaines personnes hébergées en journée de diminuer leurs consommations d’alcool ce qui engendrera moins de violence sur le lieu, ça a permis également aux équipes de travailler sur le lien avec les hébergés. Ainsi, raccrocher avec l’assistante sociale et aux soins par des démarches médicales ainsi que de réaliser des activités collectives plutôt que l’errance.

« Avant l’ouverture en journée, notre travail était condensé en soirée ; alors qu’avec l’ouverture en H24, on pouvait étendre sur la journée tout ce que l’on ne pouvait pas faire pendant les soirées, qui elles étaient plus des moments de crise où l’on faisait surtout de la gestion de tension. En journée il y avait un meilleur accompagnement, plus d’échanges et un meilleur suivi des hébergés. »

Entrée du Centre d’hébergement d’urgence l’Escale dit Junod Hôpital Purpan, Pavillon Junod, 170, avenue de Casselardit, 31100 Toulouse - 04.06.2022 © ben art core

Les salarié·e·s du CHUS accueillent 121 personnes réparties en trois unités différentes.

Il y a 30 places « temporaire », 75 places de « continuité » ainsi que des places appelées « Grand Précaire ».

Les places temporaires sont accordées pour 30 jours. A de rare exception, certaines personne peuvent bénéficier d’une nouvelle place temporaire selon le besoin et l’urgence de la personne de se maintenir un petit moment supplémentaire mais sans certitude et selon les besoins du 115 à mobiliser des places pour répondre à certaines urgences. Ce que l’on peut résumer à de l’urgence dans l’urgence.

Les places de continuité sont données pour 365 jours dites « stables » tant qu’une solution adaptée n’a pas été trouvée. Ce principe de continuité est un acquis de la loi DALO de 2007.

Le fonctionnement en remise à la rue vient de la représentation erronée, qui voudrait que les personnes hébergées soient un public fainéant, qu’il faudrait pousser pour qu’ils se prennent en charge et évitent de se laisser aller.

Pour les hébergés qui travaillent, ce n’est pas trop un problème en semaine, mais du coup, ils n’ont aucun jour de repos car ils doivent quand même quitter les lieux le week-end.

Les hébergés qui travaillent ne sont pas majoritaires. La plupart sont condamnés à l’errance une fois hors du centre. Dans la rue, à chercher comment trouver à manger, comment boire, comment aller aux toilettes… dans un grand isolement.

Les hébergés font grève et refusent de quitter les lieux comme demandé par la direction. - 04.06.2022 © ben art core

« Le fait d’instaurer une ouverture 24h/24 permet de rompre avec la temporalité de l’urgence. Nous sommes un centre d’hébergement d’urgence, nous gérons des situations d’urgence dans l’urgence. En fait, nous ne faisons que répondre aux besoins primaires. Ils mangent, ils boivent, ils dorment. Ils peuvent bénéficier d’un petit accompagnement, mais ce ne peut pas être en journée vu que le centre est fermé. Ce que différentes recherches montrent, c’est que les personnes qui vivent une remise à la rue et cette errance quotidienne, sont amenés à intérioriser une temporalité sur le court terme et au jour le jour. Le fait de pouvoir se poser dans un établissement où l’on dispose librement de son temps c’est aussi pouvoir se réapproprier le temps et pouvoir se projeter dans l’avenir. Or se projeter dans l’avenir c’est s’insérer dans des démarches administratives, être à l’heure à ses rendez-vous, pouvoir suivre ses traitements médicaux, etc. »

Autre chose stupéfiante, c’est qu’aucun ticket de transport ne soit donné aux hébergés alors qu’ils étaient accordés jusque-là, sauf dans la période H24 justement. Pour quelle raison depuis le 1er juin 2022, les hébergés n’ont plus le droit à cette possibilité de se déplacer en transports en commun alors que le H24 a cessé ? Les tickets sont distribués au compte-gouttes (aller/retour) sur justificatif : rendez-vous médical, rendez-vous administratif, bénévolat, cours de français. Pouvoir se déplacer, c’est avoir la possibilité d’entreprendre plutôt que de satelliter autour du CHUS.

Il est important de préciser, que depuis le 1er juin, les hébergés du CHUS Junod sont mobilisés. Ils refusent de quitter les lieux malgré les menaces de la direction qui pèse sur eux. La plupart quitteront le bâtiment mais un grand nombre d’entre eux resteront à proximité. Ils ont su apprécier la plus-value d’une ouverture H24 et se rendent parfaitement compte de cet apport pour leurs conditions d’hébergement et refusent de voir leurs conditions de vie encore une fois diminuées.

Dans cette lutte face à Goliath, une poignée d'irréductibles salariè.e.s lutte aux côtés des hébergés afin de faire reconnaître ce droit au « mieux-être ». Ils en ont marre d’appliquer un règlement qui met tout le monde à mal. Que ce soit au niveau des hébergés comme des salarié.e.s qui n’arrivent pas à avoir un dialogue social avec sa direction qui d’après les salarié.e.s ne seraient pas non plus opposées à une ouverture du H24.

La Direction

La nouvelle Directrice a pris ses fonctions officiellement le 1er mai 2022 après avoir passé un mois en codirection avec l’ancien directeur.

La Direction se dit pour une ouverture H24 mais sans le formuler officiellement ailleurs que devant la machine à café. Une parole écrite, afin de défendre cette idée auprès de la préfecture, a été demandé à la direction. Mais la Directrice du CHUS a coupé court la discussion avec les salarié.e.s récalcitrants en les mettant à la porte de la structure les jours où ils/elles ne travaillent pas. D’autant plus problématique qu’il s’agit pour certain.e.s de CDD reconductibles.

D’après des hébergés, le premier matin de la mobilisation (1er juin), la Directrice accompagnée des « accueillants de nuit » aurait dit que s’ils restaient dans leurs chambres, elle ferait appliquer les consignes, à savoir appeler la police ! ».

Les collègues

« Les collègues sont partagés. Certains sont favorables à une ouverture H24 mais demandent avant une réorganisation du fonctionnement (à voir en interne). En attendant, l’équipe de nuit suit les instructions de la direction, à savoir réveiller les hébergés à la même heure.

La Préfecture

Une délégation de cinq personnes (2 salariés, 2 hébergés et un représentant associatif du DAL) a été reçue à la Préfecture. Celle-ci serait favorable à une ouverture H24 mais sans préciser dans quel délai car il n’aurait pas le budget nécessaire. Les salarié.e.s  font l’hypothèse d’une ouverture H24 pour la fin août, début septembre mais sans grand espoir. En attendant, ce sont les hébergés qui subissent. La Préfecture demande de faire une sélection parmi les plus fragilisés. Mais tous le sont, sinon, ils ne seraient pas là.

Un salarié ferme l’entrée de derrière donnant sur la « salle de convivialité » et les couloirs. - 04.06.2022 © ben art core

115 - SIAO

L’ensemble du SIAO semble soutenir la mobilisation en faveur des hébergés dans un courrier adressé à la Préfecture ainsi qu'à la direction du CHUS.

SIAO et Veille Sociale
Objet : Lettre de soutien à la mobilisation du CHU Junod en vue d’un maintien de l’ouverture en journée du public hébergé ici

Profil des hébergés

Homme seul, majeur, précaire et grand précaire - De 18 à 85 ans.

Hébergés du CHUS Junod - 04.06.2022 © ben art core

  • « Moi, j’ai 66 ans, ça fait 8 ans que je suis ici. Maintenant l’été approche. Nous avons parlé avec la direction, on leur a dit qu’il fait 40°, que l’été c’est dangereux pour nous. 121 personnes vont rester dehors, sans moyens ? qu’est-ce qu’on fait ? on dort sous un arbre de 9h à 17h ? il y a des gens qui n’ont pas d’argent pour manger. Pour aller au Centre Social du Grand-Ramier, c’est à 5km et c’est fermé le week-end. Les gens ici sont malades. Comment on fait sans moyen de transport ? sans tickets ? »
  • Hébergé en béquille se déplacent difficilement est mis à la rue chaque jour. - 04.06.2022 © ben art core
  • « Nous n’avons pas de titre de transport. On ne nous donne que deux tickets sur justification de rendez-vous. Ça veut dire qu’on nous met dehors et que pour aller en ville, on doit y aller à pied, aller et retour. Le centre d’hébergement se trouve à 1 heure du centre-ville. Certains sont en fauteuil roulant ou en béquilles. Il y a des retraités, Il y a des malades. Moi, je suis hémophile, je ne peux pas rester toute la journée au soleil. Ça fait plus de 4 ans que je suis ici. Dehors, je ne sais pas où aller ».
  • « Pour voir l’Assistante Sociale il faut envoyer un texto. On a alors un rendez-vous 1 semaine après lors duquel on nous réoriente sur d’autres services ».
  • Hébergé dans la "salle de Convivialité" - 04.06.2022 © ben art core
  • « Moi, ça fait 11 ans que je suis ici. Quand je suis rentré, j’avais 40 ans, maintenant j’en ai 52. Avant, j’étais à L’escale pendant 5 ans, maintenant ça fait 6 ans que je suis ici. Nous avons parlé à la Directrice, nous lui avons demandé de pouvoir, au moins le week-end, rester dans la « salle de convivialité ». Il y a des gens à qui il manque une jambe, qui sont en fauteuil, d’autres ont de l’asthme et craignent la chaleur. Mais ils ne veulent pas, ils ont dit qu’il faut que tout le monde soit sorti. Mais pour aller où ? La plupart des hommes ici sont malades. On nous dit qu’il n’y a pas de salariés. Mais il n’y a pas de problème, on se gère nous-même. Ici c’est la galère. Les gens deviennent fous ».
  • « Moi, j’ai 25 ans et ça fait 3 ans que je suis ici. Rester ici la journée, c’est mieux. Si tu sors, parfois il y a la pluie et tu ne sais pas où aller ».
  • « Il y en a qui passe leur journée à attendre à l’hôpital ».

Un hébergé rentrant dans le CHUS pour avoir accès à la "salle de convivialité" - 04.06.2022 © ben art core

Comment se fait-il que certaines personnes soient là depuis plus de 10 ans ? Qu’il y ait, parmi les hébergés, des personnes retraitées, des personnes atteintes d’un handicap physique et/ou mental ainsi que sous traitement lourd et qui ne retrouveront jamais une bonne santé ? Certaines personnes décéderont dans leur chambre. Que ce soit par suicide, sous l’emprise de médicaments et d’alcool ou à cause de la remise à la rue elle-même. Sans remettre en cause le travail de l’Assistante Sociale certainement sous l’eau pour s’occuper de 121 personnes là où il en faudrait surement 3 à plein-temps afin de régler elles/eux-mêmes l'administratif des hébergés plutôt que de surcharger les dispositifs de droits communs pour une prise en charge en interne. Nous pouvons souligner également le manque de moyens et de places des hôpitaux spécialisés pour accueillir ces personnes soufrant de certaines pathologies et/ou le manque de logements d’urgences, de logements sociaux, et logements adaptés à ce public.

HEBERGES DEHORS = MORTS – pour rappeler le décès d’un hébergé remis à la rue, n’ayant pas retrouvé le CHUS et s’étant noyé en 2020. - 04.06.2022 © ben art core

Par ailleurs, que s'est-il passé pour que l’hôpital Purpan tout à coup demande un loyer de 400 000 euros ? Après d'âpres négociations entre la Croix Rouge et l’hôpital Purpan, ils se sont mis d’accord pour un loyer à 100 000 euros par an. « On pourrait en faire des choses avec 100 000 euros, notamment ouvrir H24 toute l’année ».

POUR LE MAINTIEN DU H24 - 04.06.2022 © ben art core

Pour rappel, ce n’est pas la première fois que les hébergés ainsi que les salarié.e.s du CHUS se mobilisent. C’était déjà le cas en 2017 avec le soutien du DAL 31. Les plus anciens étaient déjà là et s’en souviennent très bien. https://www.droitaulogement.org/2017/08/laramee/

 


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