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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Pierre Kron - 27/06/2022

Alors que la barre des 100 000 exilés arrivés en France s’apprête à être franchie, les associations alertent sur l’importance d’être soutenu pour tenir dans la durée. Des familles s’épuisent, et les vacances approchent.

Un large sourire illumine le visage de Tania. Ni une ni deux, la petite Ukrainienne abandonne son château de princesse pour le chat sur la table. Autour d’elle, la vie suit son cours dans le salon de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Les yeux de sa mère, Irina, continuent leur ballet face à l’écran de son smartphone. Assise à table, Anne (les hébergeurs ont souhaité conserver l’anonymat) assiste à la dernière session caresses de son chat, pendant que Félix, son compagnon, préchauffe le four. Le trentenaire s’amuse : « C’est comme une colocation. »

Voilà déjà un mois que le couple de Montreuillois héberge une mère et sa fille, qui ont fui l’invasion russe de l’Ukraine. « On avait la place, avec une chambre et une salle de bains pour elles », explique simplement Félix, ingénieur dans le bâtiment. « Et depuis la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan et l’afflux de réfugiés l’an dernier, on voulait offrir un toit à quelqu’un qui en a besoin », complète Anne, cheffe de projet Web.

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Une inscription au programme « J’accueille », coordonné par l’association Singa (spécialisée dans l’intégration de réfugiés et de migrants), ainsi que quelques réunions plus tard, une rencontre était organisée avec Tania et Irina. Et, depuis, le bureau s’est changé en chambre, sans trop bousculer leur quotidien. « Ça fait plus de dominos, de jouets… et de Google translate, s’amuse Félix. Mais on a l’espace pour que ça s’y prête bien. Puis le rôle de “tiers” de l’association rassure tout le monde. »

Appel à l’aide des hébergeurs

Un exemple parmi tant d’autres de l’élan de solidarité historique. Quatre mois après le début des assauts russes, la barre des 100 000 déplacés ukrainiens en France sera bientôt dépassée. Poussés par la proximité et la médiatisation du conflit, des milliers de Français ont voulu leur ouvrir leurs portes. Souvent pour la première fois. Certains sont passés par les programmes d’associations, comme Singa, qui gèrent la mise en relation et l’accompagnement social des déplacés.

« C’est incomparable avec les crises précédentes, affirme David Robert, son directeur général. Les inscriptions ont été multipliées par 50 depuis le conflit. » Selon la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, près de 10 000 particuliers se seraient inscrits dans le cadre de l’hébergement citoyen. Comprendre : l’hébergement par des particuliers, encadré par des associations labellisées par l’Etat. Contre près de 500 par an habituellement.

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Mais, notamment à cause du temps qu’il a parfois fallu pour identifier des opérateurs locaux souvent surmenés, la majorité des hébergements chez l’habitant sont passés par des canaux plus rapides, et moins officiels. Groupes Facebook, sites comme « Ukraine Take Shelter », communautés familiale ou religieuse… Résultat : « De 70 % à 80 % des accueils spontanés ne seraient pas encadrés, explique David Robert. Si on enlève les quelque 15 000 ou 20 000 Ukrainiens en centre d’hébergement, tout le reste est dans la nature. »

« De 70 à 80 % des accueils spontanés ne seraient pas encadrés », selon David Robert, directeur général de Singa

Conséquence : quatre mois après les premières arrivées, de plus en plus d’hébergeurs appellent à l’aide les associations. « Si on a des accueillants avec les meilleures intentions, mais mal préparés, sans accord sur la durée, dans un logement inadapté… il peut y avoir un risque de remise à la rue », expose Guilhem Mante, coordinateur sur cette question à la Fédération de l’entraide protestante. Surtout avec l’été qui arrive. Même si, comme le rappelle dans un cadre rouge le site gouvernemental « Pour l’Ukraine » : « L’accueil (…) est un engagement fort. »

Rythmes de vie décalés

Forts de leurs 300 mètres carrés dans la banlieue lyonnaise, Pauline et son compagnon avaient cette idée d’accueillir depuis plusieurs années. En 2021, après plusieurs réunions d’information, ils sautent le pas pour trois mois avec un Guinéen. Mais l’âge et les modes de vie ne collent pas. « Souvent absent, il partait sans fermer à clé, se souvient l’ingénieure. Difficile de le laisser seul. » Avec trois enfants à la maison, « on espérait une famille. »

En mai, leur souhait est exaucé. Grâce aux profils remplis par accueillis et accueillants, Singa les met en lien avec deux mamans du Donbass et leurs deux filles. « Ce n’est pas la même façon d’investir les lieux, se réjouit Pauline. Elles sont beaucoup plus dans le jardin, nos enfants jouent ensemble. »

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La trentenaire le reconnaît, la charge administrative de l’hébergement aurait pu être plus lourde sans l’appui de l’association. « En cas d’accueil d’urgence, on aurait eu des gens sans carte de transport, sans couverture médicale, sans aides financières… », imagine Pauline. Une petite difficulté demeure : la langue. Avec cette barrière, même une microclarification sur le ménage peut enfler sur le long terme. « Mais on sait qu’on peut se référer à la charte de cohabitation, ou demander une médiation. »

Dans l’histoire de Simone (le prénom a été modifié), ni charte ni médiation. Tout commence par un post sur Facebook du site Ukraine Take Shelter. Quelques échanges en ligne, et Katya (le prénom a aussi été changé), une Ukrainienne d’une vingtaine d’années, trouve refuge dans une chambre de la famille pour un mois et demi. « On n’avait jamais fait ça. Et je suis incapable de vous dire si cela s’est bien passé, résume-t-elle. Il est possible que nous en ayons “trop” fait. Mais comment peut-on faire “trop” ? »

Sur cette période, Simone ne compte pas ses heures. Contact avec l’association locale, allers-retours à la préfecture, aide pour le CV… Mais les rythmes de vie n’arrivent pas à se synchroniser sans règles préétablies : repas et couchers en décalé, rapport culturel différent à la politesse, question du ménage… Puis tout semble craquer quand la question d’un travail est abordée, sans que Katya ne soit certaine de vouloir refaire sa vie en France.

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« De notre point de vue de famille hyperactive, après quelques semaines, on pensait que ce serait mieux pour elle de trouver un job d’été, se disait Simone. Que la pauvre ne reste pas toute seule si on part en vacances par exemple. » Peu de temps après, Katya déniche une autre solution d’hébergement par hasard. Un studio indépendant. « Elle était arrivée au bout de notre mode de vie, interprète Simone a posteriori. On l’aurait trop bousculée, elle avait besoin de plus de temps pour se remettre d’un tel traumatisme. » « Très égoïstement » , les nouvelles de la guerre devenaient de plus en plus pesantes pour la famille, avoue aussi Simone. Pour recommencer, il y aurait deux conditions : un rythme plus proche de celui de la famille, et un cadre en amont.

« On ne mesurait pas la charge »

Pour d’autres, le hasard a bien fait les choses, même hors des voies « officielles ». Marqué par un « conflit si proche », Jean-Mickaël Jouannet s’inscrit en mars sur la plate-forme nationale pour accueillir dans la chambre d’amis de la maison familiale. Sans nouvelles de ce côté-là, c’est finalement par le réseau local que deux femmes et une enfant d’Ukraine viennent habiter dans sa famille dans son village de l’Eure. « Deux trentenaires avec un bon anglais, un train de vie à l’occidentale… raconte le sapeur-pompier. Dès les premiers jours, tout s’est bien passé, sans poser de règles. »

Au fil des semaines, une vraie amitié se noue. Mais, dans le même temps, une fatigue s’accumule. L’accord tacite de départ était d’un mois, le temps de finir des formalités pour des emplois à Paris. Trois mois plus tard, les trois Ukrainiennes n’ont toujours pas quitté l’Eure. « Tout se passe bien, mais on ne mesurait pas la charge, développe Jean-Mickaël Jouannet. Notre grande qui voit la petite Ukrainienne jouer pendant qu’elle fait ses devoirs par exemple… Ça pèse sur notre équilibre et notre rythme familial. Et de leur côté, on ressent une envie d’indépendance. » S’il devait le refaire, il l’avoue : il mettrait sûrement une date butoir.

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Pourtant, pas question de les laisser partir sans solution pérenne. « On s’engage au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire, affirme Jean-Mickaël Jouannet. Et même si leur trouver un logement s’avère difficile sans caution, ni travail, ce serait un échec de ne pas les emmener vers l’indépendance. » Seulement en dernier recours, il contacterait une association locale pour « trouver une solution ».

Cette persévérance, tous les hébergeurs ne parviennent pas à la préserver. Avec l’été et les vacances à l’horizon, Jean-Mickaël Jouannet le remarque lui-même sur les réseaux sociaux : les annonces de familles à reloger se multiplient. Dans l’optique de relouer dans les zones touristiques pour certains. Par usure pour d’autres.

Alors que le conflit continue à déchirer l’Ukraine, cette question du logement préoccupe de plus en plus les associations. « L’hébergement citoyen doit rester un supplément d’âme, plaide Guilhem Mante. On a besoin d’une réponse forte des pouvoirs publics sur l’accueil à long terme. » Toutes s’accordent sur une chose : après l’élan de solidarité, une prochaine étape délicate doit suivre, pour permettre une vraie intégration des déplacés. L’accès à un logement autonome.

 


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