Source : InfoMigrants - Leslie Carretero - 08/07/2022
En à peine 12 heures jeudi, le navire humanitaire de Médecins sans frontières (MSF) a porté assistance à 315 migrants lors de six opérations de sauvetage au large de la Libye. Parmi eux, se trouvent 73 mineurs dont le plus jeune est un bébé de trois mois.
"Journée chargée en mer pour l’équipe de Médecins sans frontières" (MSF), qui venait tout juste d'arriver au large de la Libye. Dans une série de tweets, l’ONG médicale a indiqué avoir secouru en seulement 12 heures 315 migrants en Méditerranée centrale, jeudi 7 juillet. Parmi les rescapés, on compte 73 mineurs dont le plus jeune est un nourrisson de trois mois. La plupart sont originaires de Syrie, d’Égypte, du Pakistan, du Bangladesh, et d’autres encore d’Afrique subsaharienne.
Six opérations ont permis de mettre en sécurité les naufragés sur le Geo Barents : la dernière a eu lieu en fin d’après-midi tandis que la première s’est déroulée dans la matinée. Quatre embarcations ont été repérées depuis le pont du navire et deux autres ont été indiquées à l’équipage par la plateforme d’aide aux migrants en mer, Alarm Phone, qui avait donné l’alerte.
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Tous les exilés ont été retrouvés dans les eaux maltaises. "Les garde-côtes maltais ont été informés mais sont restés silencieux et inactifs, négligeant leur obligation de fournir ou de coordonner l’assistance", a déploré MSF sur Twitter, faisant part de sa "consternation". Depuis 2020, la Valette (capitale de Malte) reste sourde aux appels de détresse émis dans sa zone, laissant les canots de migrants à l’abandon, et ce en dépit de ses obligations internationales.
Plus de 3 000 personnes secourues en un an
Les navires humanitaires tentent donc de pallier l’absence des autorités compétentes. Le Geo Barents a fêté sa première année d’activité début juillet. En 12 mois, le navire de MSF a secouru en Méditerranée centrale 3 138 personnes et effectué 6 536 consultations médicales à bord, selon un communiqué de l’organisation.
La dernière mission remonte à fin juin au cours de laquelle les équipes sont arrivées sur le lieu d'un naufrage. Une trentaine de personnes sont mortes et un nourrisson de quatre mois a été secouru in extremis. Le bébé suspendu à l'épaule d'un rescapé, qui s'accrochait tant bien que mal à un morceau de bois, avait été retrouvé inanimé par les humanitaires.
"Quand on l'a sorti de l'eau, il ne respirait plus", a raconté à InfoMigrants le photographe Michael Bunel, en reportage avec MSF. "Un des sauveteurs l’a saisi immédiatement pour lui faire un massage cardiaque, il lui tapait dans le haut du dos pour le réanimer. Au bout d’un temps qui m’a paru infini, le bébé s’est mis à crier dans les bras de l'humanitaire. Peut-être 5 ou 6 secondes s’étaient écoulées, je ne sais plus", a-t-il précisé.
"Les États européens soutiennent indéniablement les retours forcés vers la Libye"
Dans son rapport annuel, MSF signale par ailleurs que d'après les témoignages recueillis par l’équipage, "84% des 620 évènements violents recensés se sont produits en Libye". "Beaucoup de ces violences se produisent après l’interception des garde-côtes libyens et pendant l’enfermement consécutif dans des centres de détention", note le document.
Pour Juan Matias Gil, représentant de l'ONG pour la zone de recherche et de sauvetage (SAR zone), "les États européens qui […] appuient les capacités des garde-côtes libyens soutiennent indéniablement les retours forcés vers la Libye, où la détention et les abus sont la norme".
Depuis 2017, la zone est confiée aux Libyens qui bénéficient d’un soutien matériel et financier de l’Union européenne (UE) pour intercepter un maximum de canots en route vers l’Europe, et les ramener en Libye où les conditions de vie des exilés sont catastrophiques.
Ce partenariat est controversé, tant les violations des droits et les violences perpétrées par les autorités libyennes ont été maintes fois documentées par les ONG. Dans un rapport confidentiel que s'est procuré l'agence AP, l’UE a reconnu en janvier que les forces libyennes avaient eu recours à un "usage excessif de la force" envers les migrants et que certaines opérations en Méditerranée avaient été menées à l’encontre de la règlementation internationale. Sans pour autant interrompre leur aide financière et matérielle.
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