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Source : Médiapart - Hussam Hammoud et Ali Haj Suleiman - 07/07/2022

Après le 10 juillet prochain, toute une partie de la Syrie pourrait plonger encore un peu plus dans une catastrophe humanitaire sans fin. L’avenir de près de 4 millions de Syriens est entre les mains du Conseil de sécurité de l’ONU et de la Russie, l’un de ses membres permanents.

Jeudi à New York, le Conseil de sécurité de l’ONU doit renouveler une résolution primordiale pour l’avenir de la province d’Idlib au nord-ouest de la Syrie. Cette petite province est la seule zone qui échappe encore au contrôle du régime d’Assad, et elle fait déjà face à une situation humanitaire désastreuse.

Depuis 2014, un texte onusien autorise toutes les ONG en lien avec les Nations unies à faire entrer des milliers de tonnes d’aide humanitaire sans passer par le régime de Damas. Et, dans le contexte de la guerre en Ukraine, la Russie de Vladimir Poutine pourrait bien utiliser son droit de veto lors de la réunion du Conseil de sécurité pour satisfaire le régime de Damas, son fidèle allié.

Depuis plusieurs semaines, une bataille diplomatique se joue donc à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie pour décrocher un nouveau prolongement de cette résolution pendant une année et maintenir ainsi ouverte à l’aide humanitaire la frontière entre la Turquie et Idlib. 

Un désastre se prépare

Aujourd’hui, ce poste-frontière de Bab Al-Hawa est le seul point de passage officiel encore utilisé par les agences des Nations unies pour apporter de l’aide à plus de 4 millions de Syrien·nes, des familles de déplacé·es pour la plupart, prises en étau entre la frontière turque d’un côté et de l’autre, le régime d’Assad, soutenu par son allié russe qui bombarde encore régulièrement la zone.  

Dans un camp de déplacés à Idlib, en Syrie, en mai 2022. © Photo Ali Haj Suleiman pour Mediapart

Mazen Alloush est le porte-parole officiel de ce poste-frontière de Bab Al-Hawa du côté syrien. Il laisse entrer chaque jour des dizaines de camions remplis de colis alimentaires, de tentes ou de médicaments. Pour lui, aucun doute : « La fermeture de ce passage à l’aide humanitaire en cas de veto russe provoquera une catastrophe humanitaire pour les millions de Syriens qui s’entassent ici. »

Selon ce responsable, depuis l’été 2021, ce corridor humanitaire a permis aux Nations unies de faire entrer plus de 180 000 tonnes d’aide par 7 500 convois. « Cette aide en provenance des agences de l’ONU, dans la situation actuelle, ne suffit même pas à couvrir les besoins, assure Mazen Alloush, donc nous ne pouvons pas imaginer la situation catastrophique qui nous attend si elle était complètement coupée. »

Dans l’un des nombreux camps de déplacé·es de la province d’Idlib, Mohamed reçoit déjà des colis alimentaires au compte-gouttes. « La situation est tragique aujourd’hui, détaille le Syrien âgé de 45 ans. La dernière dotation que nous avons reçue remonte à plus de deux mois. Nous sommes dix personnes à vivre sous une même tente, donc cette aide ne couvre nos besoins que pour quatre jours ! »

Mohamed et les siens cherchent absolument à travailler, y compris ses quatre enfants, qui ont quitté les bancs de l’école. Mais trouver un emploi dans cette enclave est quasiment impossible. Et à Idlib, le salaire moyen d’une journée de travail s’élève seulement à 30 livres turques, soit 1,70 euro. Pour acheter juste du pain pour toute sa famille, Mohamed dit avoir besoin chaque jour de 50 livres turques. 

Efforts de collaboration

À l’extérieur de la Syrie, notamment depuis la ville de Gaziantep toute proche de la Syrie, les organisations humanitaires internationales et locales multiplient leurs efforts pour empêcher à tout prix la fermeture de l’unique corridor humanitaire. Chaque année, la tension est forte au moment du renouvellement de la résolution au Conseil de Sécurité de l’ONU.

Dans les locaux de l’ONG Ataa, les équipes sont très inquiètes, comme le confirme à Mediapart Oussama Zakaria, responsable de projet : « Nous ne pourrons pas continuer si nous n’avons plus le soutien des Nations unies. Ici, on parle de la perte de 90 % des fonds humanitaires destinés au peuple syrien. Mais en même temps, nous ne pouvons pas abandonner les habitants d’Idlib, c’est notre peuple. Nous faisons donc tout ce que nous pouvons auprès de nos interlocuteurs pour empêcher la Russie de pousser vers la famine et la mort des familles hors des zones de contrôle du régime de Damas. » 

Et la situation est encore plus préoccupante pour les enfants qui vivent dans cette enclave au nord-ouest de la Syrie, des fillettes et des garçons qui bénéficient aujourd’hui des projets de l’Unicef, en partenariat avec les organisations syriennes locales. « Avec tous les efforts que nous déployons depuis dix ans pour protéger les enfants de Syrie, nous sommes confrontés à de nombreux problèmes. Par exemple, nous savons que 38 % des enfants ont abandonné l’école, explique Leyla Hassou, de l’ONG Hurras. Nous essayons d’empêcher cette fermeture car nous pensons que ce pourcentage dépassera les 60 % si l’on nous refuse l’accès aux enfants. Et comment pouvons-nous protéger un enfant qui aura soif et faim ? »

Cette crainte est partagée par Oum Mohamed, une veuve qui vit dans le camp de déplacé·es d’Al-Tah, au nord d’Idlib. Cette mère de trois enfants rencontrée par Mediapart prévient : « Le pire à venir sera pour les veuves et les orphelins qui n’ont personne pour les nourrir. Nous ne pouvons même pas travailler. C’est toute notre façon de vivre qui va s’effondrer encore un peu plus. » Elle ajoute : « Il faut empêcher la Russie de détruire nos vies ! » 

Mais qui peut le faire ? « Nous ne savons pas quelle sera la réponse de la Russie. Jusqu’à la dernière minute nous allons parler avec nos partenaires comme les États-Unis... et nous espérons qu’à la fin, la vision humanitaire sera la chose la plus importante », confie en marge d’une visite éclair à Idlib Andreas Papaconstantinou, directeur des opérations pour le Moyen-Orient d’Echo, programme européen de protection civile et d’aide humanitaire.

La Turquie, l’autre médiateur 

Si le corridor humanitaire ferme, les ONG devront compter sur la Turquie pour maintenir l’entrée de l’aide humanitaire. Le voisin turc sera le seul plan alternatif, le seul capable d’ouvrir la frontière aux ONG syriennes sans l’appui de l’ONU. Mais cela nécessitera une coordination de haut niveau avec Ankara.

En coulisses, la diplomatie s’agite donc également du côté de la Turquie. « J’ai rencontré mes collègues du ministère turc des affaires étrangères, ils sont très inquiets, confirme Andreas Papaconstantinou. Ils tentent aussi de communiquer avec tous les “joueurs” du Conseil de sécurité. Avec les autorités turques, nous voyons les choses de la même manière sur ce dossier»

Du côté des ONG également une coordination avec la Turquie se prépare pour éviter une catastrophe. « Les autorités turques ont déjà commencé à augmenter leur capacité à faire face à la situation, en facilitant par exemple les mouvements de convois d’aide des ONG syriennes depuis la Turquie vers la Syrie », confirme Oussama Zakaria, de l’ONG Ataa.

Même son de cloche du côté des ONG turques : « Quelle que soit la décision du Conseil de sécurité, la Turquie poursuivra son soutien au dossier humanitaire syrien. En tant qu’organisations turques, nous avons le droit d’utiliser le point de passage pour aider les Syriens, car nous sommes chargés de cette frontière », assure Celal Demir, directeur du bureau d’IHH, la fondation turque d’aide humanitaire.

Installé dans la ville de Nizip, où de nombreux Syriens et Syriennes vivent, il confie également à Mediapart que la fermeture de ce point de passage risque d’entraîner une nouvelle vague de départs de réfugié·es vers la Turquie. Dans un contexte de crise économique sans précédent, et à un an de l’élection présidentielle, la question de l’accueil des réfugié·es syrien·nes est déjà au centre de nombreuses crispations au sein de la société turque

L’effondrement d’un fragile château de cartes 

L’intégralité des acteurs de la zone craint une explosion de tous les besoins de première nécessité à l’intérieur de la Syrie. Chaque ONG va devoir faire face à une réduction de ses capacités tout en continuant de répondre aux demandes accrues de familles de déplacé·es, bloqué·es dans des camps.

Du côté des hôpitaux, Médecins sans frontières (MSF) s’attend clairement au pire. « S’ils ferment la frontière aux aides de l’ONU, ce sera plus qu’un désastre, cela aura un impact très vite sur la santé des personnes qui vivent dans ces camps, explique Claire San Filippo, chef de mission MSF pour la Syrie. Ces déplacés auront moins de nourriture, ils vont devoir travailler encore plus pour avoir un maigre salaire, y compris les enfants. Leur état de santé va encore un peu plus se dégrader, alors qu’on aura moins de médicaments, de matériel médical pour les soigner parce que notre aide ne pourra plus être envoyée comme aujourd’hui. » 

À Idlib, le système hospitalier fonctionne déjà au ralenti. « L’aide à destination d’Idlib aujourd’hui ne suffit déjà pas à couvrir les besoins dans les maternités, par exemple. Il y a quelques jours, une femme a accouché devant la porte de l’un des hôpitaux où nous sommes présents. Elle avait dû faire plusieurs heures de transport avant d’arriver jusqu’à nous », ajoute Claire San Filippo, de MSF. 

Se pose aussi la question de la sécurité des convois d’aide humanitaire envoyés vers cette zone enclavée. Aujourd’hui, ils sont sous la protection des Nations unies mais que se passera-t-il lorsque les ONG locales vont se retrouver seules ? « Travailler sous la protection de l’ONU nous épargne de nombreux efforts, détaille Oussama Zachari, de l’ONG Ataa. C’est elle qui coordonne avec toutes les autorités compétentes, à commencer par le gouvernement turc, mais aussi avec les groupes armés à l’intérieur de la Syrie. En plus, ce drapeau de l’ONU nous offre également une garantie de protection supplémentaire contre la plupart des attaques aériennes menées par l’aviation russe, alliée du régime de Damas. » Aujourd’hui, la province d’Idlib est sous le contrôle de Hayat Tahrir al-Cham, un groupe armé classé comme terroriste par l’ONU. 

Fin juin, lors d’une réunion préparatoire du Conseil de sécurité, la Russie a assuré que les opérations humanitaires en Syrie menées grâce à la résolution votée chaque année avaient été des échecs. Moscou propose donc un autre scénario : réduire le passage de l’aide depuis la Turquie pour la faire transiter via les bureaux de l’ONU encore présents à Damas.

Selon MSF, depuis juillet 2021, cinq convois humanitaires seulement, soit 71 camions, ont livré de l’aide humanitaire depuis les zones sous contrôle du régime syrien. « Comment pouvons-nous donc faire confiance à ce régime pour fournir de l’aide aux personnes que lui et ses hommes ont forcées à fuir pour les piéger à Idlib ?, dit le docteur Mohamed, originaire d’Idlib. Nous ne pouvons pas laisser entre les mains d’un dictateur la vie de plus de quatre millions de Syriens, notre peuple. » 

 


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