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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Gilles Rof - 27/07/2022

Le projet, soutenu par le préfet à l’égalité des chances et la municipalité, apporte une solution aux difficultés d’hébergement des migrants que connaît la ville.

Ils l’appellent « le Saint-Bazile », du nom de la rue qui abrite ce bâtiment Art déco, à quelques pas de la Canebière, dans le centre de Marseille (1er arrondissement). L’immeuble de cinq étages, qui fut pendant un temps l’une des vitrines locales du Parti communiste français, abrite une expérience inédite dans une ville où un demandeur d’asile sur deux ne trouve pas d’hébergement officiel. Squatté depuis l’été 2021 et autogéré par une association de migrants, le Saint-Bazile fait l’objet, depuis le 1er juillet, d’une convention d’occupation temporaire avec son propriétaire, l’établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d’Azur. La présence d’une quarantaine d’habitants y est légalisée pour neuf mois.

« Ici, on se sent en sécurité. Il n’y a pas de bagarres, pas de trafic de drogue… », sourit Moses Bright, 28 ans. Dans la cuisine commune du quatrième étage, sommairement équipée, ce Nigérian prépare à manger pour son fils de 20 mois et sa compagne. A son arrivée à Marseille, deux ans plus tôt, le couple a trouvé refuge dans le squat géant de la cité des Flamants, tenu par des marchands de sommeil et des réseaux de stupéfiants. Un incendie d’origine criminelle, qui a provoqué la mort de trois personnes, a entraîné l’évacuation du bâtiment et renvoyé la famille à la rue. Jusqu’à ce qu’il rencontre le Saint-Bazile. Moses, comme les autres habitants, a aidé à repeindre les murs, à carreler une salle de bains. Tous les quinze jours, raconte-t-il, il se rend à la réunion des occupants, et, chaque dimanche, participe au ménage des espaces partagés. « Et quand il y a un problème, on peut parler avec les gens », conclut-il.

Vingt-deux chambres

A l’étage au-dessus, sur la terrasse où il leur arrive de dormir par temps de canicule, Amidu Kamara et Salieu Bamba se disent, eux aussi, « soulagés ». Ces deux Sierra-Léonais, respectivement âgés de 34 et 25 ans, en France depuis plus de trois ans, occupent chacun une des vingt-deux chambres du Saint-Bazile. « Nous dormions dans la rue quand Alieu est venu nous parler de l’immeuble. Il a juste dit qu’il y avait un règlement intérieur : pas de drogue, pas de prostitution, pas de business, pas de bruit qui puisse gêner les voisins… », détaille le plus jeune.

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Sur le toit du squat Saint-Bazile, autogéré par une association de migrants et occupé depuis l’été 2021, à Marseille, le 20 juillet 2022.

Alieu, c’est Alieu Jalloh, 35 ans. Lui aussi est sierra-léonais. En France depuis 2017, celui qui était commerçant au pays a vécu le parcours précaire du migrant avant d’obtenir son statut de réfugié pour dix ans, en novembre 2021. Il ne vit pas au Saint-Bazile, mais il veille à son bon fonctionnement. Expulsé du premier squat où il avait trouvé refuge, Alieu a lancé, en 2019, avec une poignée d’autres migrants, l’Association des usagers de la plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile (AUP). « Au début, c’était pour dénoncer les dysfonctionnements de la plate-forme [passage obligé pour déposer une demande d’asile] : les courriers qui se perdaient, les rendez-vous annulés sans justification… », raconte-t-il.

Aujourd’hui, l’AUP fédère plus de 500 demandeurs d’asile de vingt-huit nationalités différentes et est devenue, par sa connaissance des dizaines de squats qui maillent Marseille, un interlocuteur essentiel des collectivités et des structures sociales. « Avec Saint-Bazile, nous voulons montrer que nous pouvons, nous, demandeurs d’asile, apporter une partie de la solution », explique Alieu, qui préside l’AUP depuis février.

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La question de l’hébergement des demandeurs d’asile est critique dans les Bouches-du-Rhône. Si les centres d’accueil logent 3 000 personnes environ, près du double restent en recherche d’un toit. « Au 31 décembre 2021, 5 899 étaient domiciliés à la plate-forme d’aide aux demandeurs d’asile de Marseille. Sur ce chiffre, 1 500 environ trouvent des solutions d’hébergement temporaire, via le numéro d’urgence 115. Pour les autres, c’est la rue ou les squats. Avec les 200 euros par mois d’aide au logement que donne l’Etat, le marché de la location leur est inaccessible », résume Pierre Albouy, juriste bénévole à l’AUP. Une situation qui profite aux marchands de sommeil. Au squat Saint-Bazile, aucun habitant ne paie de loyer. « C’est ça, aussi, la différence avec les squats », insiste Alieu Jalloh.

« Modéliser l’expérience »

Pour convaincre un propriétaire qui a d’abord brandi la menace de l’expulsion, l’AUP a fédéré d’autres associations, plus installées. « On a vu un groupe d’autosupport qui cherchait à résoudre ses problèmes seul, avec de la compétence et du talent. Cela nous a donné confiance », se rappelle Jean-Régis Rooijackers, coordinateur au sein de l’association Justice et union pour la transformation sociale. De septembre à décembre 2021, l’association a notamment aidé à sécuriser le lieu au niveau électrique et à élaborer son règlement intérieur. « La première question sur laquelle nous avons travaillé ensemble était : comment mettre quelqu’un qui pose problème dehors », se souvient encore M. Rooijackers.

Ce « régisseur social », comme il se définit, a fait le relais avec la Fondation Abbé Pierre, soutien financier du projet, et l’association Habitat alternatif social (HAS), quarante ans d’existence, qui a accepté d’endosser la responsabilité pénale de la convention de neuf mois avec le propriétaire. « Ce projet synthétise les trois axes que nous défendons : privilégier le logement dans des lieux sans emprise des marchands de sommeil, soutenir les solutions innovantes et la participation des personnes concernées. On ne pouvait le refuser », résume Cécile Suffren, directrice générale de HAS.

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Moses, un demandeur d’asile, dans l'espace commun servant de cuisine et de laverie du squat Saint-Bazile, à Marseille, le 20 juillet 2022.

Après avoir sécurisé et repeint le Saint-Bazile, l’AUP a pris soin d’inviter quelques décideurs. Le préfet à l’égalité des chances Laurent Carrié ou l’adjointe aux affaires sociales de la municipalité, Audrey Garino, ont été conquis. « Nous savons que nous n’avons pas suffisamment de places pour héberger les demandeurs d’asile. Quand on nous propose des solutions légales pour résoudre une partie de ce problème, il est normal de les étudier », souligne le représentant de l’Etat. « Saint-Bazile apporte une solution rapide et innovante à deux spécificités marseillaises : un nombre important de bâtiments vacants et un phénomène de squats que d’autres villes ne connaissent pas…, explique, de son côté, Mme Garino. Cela ne résoudra pas globalement la situation, mais, si nous arrivons à multiplier cette expérience, cela peut aider à loger quelques centaines de personnes de plus. »

« Modéliser l’expérience », chacun y pense. Mais tous les acteurs de Saint-Bazile savent qu’il faut d’abord arriver sans encombre au bout de la convention. L’AUP entend bien tenir sa promesse au propriétaire de lui rendre l’immeuble au 31 mars 2023. « Il y a un enjeu important pour les demandeurs d’asile comme pour les associations engagées, reconnaît Alieu Jalloh. Le risque pour nous, c’est de perdre notre crédibilité face aux propriétaires. »

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