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Source : Médiapart - Clément Le Foll et Clément Pouré - 02/08/2022

Airbus, Thales, Atos, Idemia : plusieurs industriels français usent de leur influence auprès de l’Union européenne pour vendre leurs systèmes de sécurité aux frontières. Le nouvel eldorado : les technologies biométriques.

« Peut-on envisager une entrevue avec le commissaire Breton dans la journée à partir de 11 h 30 ? Nous pourrions prévoir une discussion de 30-45 minutes. » Le mail date du 11 août 2021. Un lobbyiste d’Airbus demande à Valère Moutarlier, son directeur de cabinet, si Thierry Breton, le très influent commissaire européen au marché intérieur, serait disponible pour un entretien le 4 octobre.

La rencontre entre la société aéronautique et Breton se tient finalement le 10 novembre à Bruxelles. Les discussions portent sur l’aviation et le spatial mais aussi les problématiques de défense. Fabrice Comptour, assistant de Breton et spécialiste de ces sujets, participe aux échanges.

Depuis, les rendez-vous se sont enchaînés.

Entre décembre 2021 et aujourd’hui, le constructeur aéronautique européen s’est entretenu à quatre reprises avec le cabinet de Thierry Breton. L’entreprise a également discuté défense avec Anthony Whelan, du cabinet de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, et avec Barbara Gallo, du cabinet de Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. « La réunion a eu lieu à leur demande. Elle portait sur les dernières évolutions concernant les priorités de l’UE en matière de sécurité et de défense », précise laconiquement Barbara Gallo.

Vérification électronique des passeports équipée d'un système de reconnaissance faciale à la frontière britannique de l'Eurostar à la gare du Nord, à Paris le 17 février 2017. © Photo Philippe Lopez / AFP

Airbus fabrique des avions. Depuis 2014, son slogan, « We make it fly », laisse croire que l’entreprise se concentre sur l’aéronautique. Autant d’efforts pour faire entendre sa voix sur des questions militaires peut surprendre. Mais le groupe ne se contente pas de faire voler d’imposantes machines : la défense et la sécurité européenne sont de longue date un marché juteux pour l’avionneur.

Dès 2009, Airbus se fait un nom sur le marché des « safe borders », terme employé par l’industrie de l’armement pour désigner l’économie de la surveillance aux frontières. L’entreprise, qui s’appelle encore European Aeronautic Defence and Space Company (EADS), remporte l’un des plus importants contrats de l’histoire du secteur : la sécurisation des frontières saoudiennes, 8 000 kilomètres de radars et de postes de commandement, pour un montant estimé de 1,6 à 2,5 milliards d’euros. En 2016, Airbus envisage néanmoins, comme le révèle alors La Tribune, de céder son activité Border Security, avant de se raviser. Depuis, elle équipe notamment la Guardia Civil espagnole avec son hélicoptère H135, largement utilisé pour la surveillance aux frontières.

Airbus est l’une des plus grandes entreprises d’armement européennes.
Mark Akkerman, chercheur

En octobre 2020, associée à deux sociétés d’armement israéliennes, elle décroche un contrat à 100 millions d’euros pour fournir des drones équipés de caméras infrarouges, d’un radar de patrouille maritime et d’un transpondeur d’identification des navires à l’agence Frontex. Leur but : « Soutenir les missions de recherche et de sauvetage et fournir une assistance aux États membres et aux pays tiers dans le cadre d’opérations de surveillance des frontières contre des actes criminels tels que le terrorisme, le trafic de drogue, la traite des êtres humains ou la navigation illégale », confie un porte-parole d’Airbus. Le fruit d’un minutieux travail d’influence ? C’est ce que laissent entrevoir les « Frontex Files ».

En 2021, cette enquête, diligentée par la chaîne publique allemande ZDF en collaboration avec l’ONG Corporate Europe Observatory, levait le voile sur des réunions menées par Frontex avec des industriels entre 2018 et 2019.

Des rencontres tenues en toute opacité, puisque 72 % d’entre elles ont eu lieu en dehors des règles de transparence édictées par l’Union européenne. Parmi les entreprises les plus reçues : Atos, Thales et Airbus. Dans le cadre des Frontex Industry Days des 24 et 25 septembre 2019, Airbus n’hésite pas à évoquer dans une présentation la possibilité de faire voler un ballon dirigeable pour surveiller les frontières et les camps de réfugié·es.

« Airbus est l’une des plus grandes entreprises d’armement européennes, clarifie Mark Akkerman, chercheur et coauteur du rapport « Le business de l’édification de murs » de l’ONG Transnational Institute. Ses principaux produits sont des drones, des systèmes de sécurité frontalière ou des hélicoptères. Dans plusieurs cas, la fourniture d’hélicoptères à la Finlande, la Roumanie ou la Tunisie est partiellement financée par des instruments de l’UE, tels que le Fonds pour la gestion intégrée des frontières, ou par des États membres comme l’Allemagne. L’ancienne division de sécurité des frontières d’Airbus a été vendue et transformée en une société distincte, Hensoldt, qui est désormais un acteur majeur sur ce marché. Elle commercialise, par exemple, des capteurs et des systèmes optroniques de surveillance. »

Un tout petit monde

Si Airbus avance à découvert, d’autres entreprises sont plus pudiques. C’est le cas de Thales, l’une des plus importantes entreprises d’armement en France, parmi les plus actives sur le marché de la surveillance et de la biométrie. Au sein du registre de transparence de l’Union européenne, le groupe Thales renseigne un lobbyiste accrédité au Parlement et déclare entre 300 000 et 400 000 euros de dépenses en 2020.

Côté réunions, l’entreprise cible elle aussi le cabinet de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur et ancien PDG d’Atos. De 2014 à 2018, Atos, autre acteur de l’industrie des safe borders, a participé au projet européen ABC4EU. Doté d’un budget de 16,8 millions d'euros, il avait pour but d’imaginer un système automatisé de contrôle aux frontières.

La relative discrétion de ces industriels n’étonne pas Mark Akkerman. « Toutes les actions de lobbying sur les frontières passent par l’European Organisation for Security et l’AeroSpace and Defence Industries Association of Europe (ASD). » Comme Airbus, Thales est en effet membre de ces deux lobbys du secteur industriel, parmi les plus influents sur les questions de sécurité.

European Organisation for Security (EOS) a été fondée au milieu des années 2000 par l’Italien Luigi Rebuffi, alors directeur des affaires européennes de Thales. Aujourd’hui dirigée par Giorgio Mosca, salarié du géant industriel italien Leonardo, EOS tient plusieurs groupes de travaux, dont un sur la sécurité des frontières. Parmi les co-dirigeants de cette commission restreinte, un salarié d’Airbus et d’Idemia. Un tout petit monde.

« Remplacer les douaniers humains »

Née en 2017 de la fusion d’Oberthur Technologies (OT) et Safran Identity & Security (Morpho), Idemia est spécialisée dans la biométrie, l’ensemble des technologies permettant de reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques ou comportementales. « Ils sont omniprésents à l’échelle européenne », admet Caterina Rodelli, qui analyse ce sujet pour l’ONG Access Now.

Pour certains dirigeants européens, la reconnaissance faciale apparaît en effet comme la solution miracle pour résoudre le casse-tête migratoire. Les sas Parafe, qui utilisent la reconnaissance faciale pour réaliser automatiquement des contrôles d’identité, sont installés dans de nombreux aéroports européens. Certaines caméras des enclaves espagnoles au Maroc, Ceuta et Melilla, chemin de nombreuses personnes réfugiées, sont équipées de logiciels de reconnaissance faciale.

L’agence Frontex s’y intéresse également de près. « Certains travaillaient sur un rapport sur l’intérêt d’utiliser des technologies biométriques d’empreintes digitales et de reconnaissance faciale pour remplacer les douaniers humains, accélérer le passage aux frontières et mieux contrôler les entrées dans l’UE », se souvient un ancien salarié de Frontex.

400 millions de visages

Dans cette surenchère technologique, Idemia, entreprise française spécialisée dans la biométrie, l’identification et l’authentification, a été chargée par l’UE, en collaboration avec une autre société française, Sopra Steria, de mettre au point pour cette année l’une des plus grosses bases de données biométriques du monde, comprenant les empreintes digitales et les portraits de plus de 400 millions de ressortissants de pays tiers. Un projet que rejette la députée allemande Özlem Demirel. « Il facilite le suivi et la surveillance complets des citoyens. La question est de quoi les frontières européennes doivent-elles être protégées ? Mais la solution ne peut pas être de laisser mourir les refugiés aux frontières de l’UE ou de les repousser. Nous devons arrêter de détruire leurs pays d’origine économiquement, écologiquement et militairement. »

La question de la biométrie agite bien au-delà de la sphère européenne. En France, l’expérimentation de ces technologies est fortement envisagée pour assurer la sécurité des Jeux olympiques 2024. « Les organisateurs savent que le sujet est explosif en termes de libertés publiques, mais l’ancien délégué interministériel aux Jeux olympiques, Michel Cadot, nous avait dit que c’était une question de souveraineté : si on ne teste pas, les technologies américaines et chinoises vont nous dépasser », se souvient la conseillère régionale Annie Lahmer. Les JO, parfaite occasion de perfectionner des technologies testées aux frontières européennes ?

 


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