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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Maïa Courtois - 02/08/2022

Une manifestation rassemblant plus de 200 exilés s'est tenue, lundi, à Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte. Le rassemblement visait à dénoncer les agressions racistes subies par les personnes assimilées à des "étrangers" sur le territoire, une semaine après l'assassinat du ressortissant burundais Mohamed Feruzi. Un problème historique nourri, selon La Cimade, par les discours des autorités.

Entre 200 et 300 personnes exilées - 220 selon la préfecture de Mayotte, contactée par Infomigrants -, se sont rassemblées, lundi 25 juillet, à Mamoudzou pour dénoncer la xénophobie sur le territoire. Cette marche fait suite à l'agression et au décès de Mohamed Feruzi, un ressortissant burundais, le 17 juillet.

"Vers 18h, il rentrait du boulot dans son véhicule, quand il a été agressé par des délinquants qui l’appelaient "l’Africain, l’Africain". Il a demandé à passer, il est sorti de son véhicule, et les autres n’ont même pas attendu, ils l’ont directement frappé et coupé avec leurs machettes. Il a été amené à l'hôpital. En deux ou trois jours, il était mort", raconte Abdul Malik, l'un des manifestants, à Infomigrants, avec un mélange de fermeté et d'émotion dans la voix.

"On s'est dit : ce n’est pas possible. On vit dans un pays de droits… Nous fuyons notre pays pour venir chercher la paix, et ici, on nous discrimine, on nous tue… On a dit : 'Non, on va faire une manifestation pour montrer qu’on ne peut pas traiter les Africains comme ça'", poursuit Abdul Malik, par ailleurs membre du Comité des demandeurs d'asile et de réfugiés à Mayotte, un collectif créé en 2020 par les premiers concernés

Comme le rappellent des médias locaux, Mohamed Feruzi vivait sur l'île depuis plusieurs années. Il était l'ex-gouverneur de la province Muyinga dans son pays d'origine, au Burundi, et il travaillait pour l'Institut National pour la Conservation de la Nature. Le procureur de la République a ouvert une enquête sur les circonstances de son décès.

Une délégation reçue en préfecture

En attendant les conclusions de l'enquête, la mobilisation du 25 juillet visait à faire bouger les autorités sur les agressions xénophobes de ces dernières années. Une délégation de quatre manifestants a été reçue en préfecture, alors que la marche a fait étape devant ses bâtiments. "À l'issue des échanges, des éléments ont été transmis à M. le Préfet de Mayotte qui prend très au sérieux ces agressions et portera une vigilance particulière sur ce dossier", assurent les services de la préfecture. Ceux-ci indiquent qu'"un renfort de forces de l'ordre sur le terrain et une présence plus soutenue ont été mis en place immédiatement".

Une liste des agressions à caractère xénophobe ayant eu lieu ces derniers mois a été remise aux autorités par les manifestants. La préfecture confirme : "Il n'y a pas de liste nominative exacte des agressions, mais au moins 13 agressions ont été remontées à la préfecture et sont actuellement dans les services du Procureur de la République pour instruction."

>> À (re)lire : À Mayotte, des collectifs "citoyens" entravent le travail de la justice et des soignants envers les étrangers

Abdul Malik lui-même assure avoir déjà été victime d'agressions xénophobes, deux fois, là où il réside. "À chaque fois, [les agresseurs] m’ont pris de l’argent, mon téléphone… Ils avaient des couteaux et le visage caché par des masques", explique-t-il. Ces actes ne sont pas qu'une question d'insécurité : ils vont de pair avec du racisme, estime-t-il. "Quand ils arrivent devant toi, ils te parlent en langue mahoraise. Si tu ne réponds pas, ils te disent : 'Ah, tu n’es pas français. Tu es africain'". C'est précisément ce qui lui est arrivé, lors de sa dernière agression. "Quand j'ai dit que je ne parlais pas mahorais, l'un d'eux est venu tout de suite derrière moi, il m’a cogné au cou. Les autres m’ont pris ce que j'avais dans les poches. J’ai eu la chance de courir pour m'enfuir."

"Un travail de longue haleine"

L'emploi du terme 'africain' ne serait ni isolé, ni anodin. "C'est une manière de nous généraliser tous, sans tenir compte de nos noms ou de nos origines. C'est aussi pour désigner les gens pauvres, ceux qui ne sont pas aimés ici, qui viennent là pour embêter les autres.", déplore Bakary*, enseignant à Mayotte, également membre du Comité des demandeurs d'asile et réfugiés.

Un manifestant tient une affiche en hommage à Mohamed Feruzi lors de la marche du 25 juillet 2022 contre la xénophobie, à Mamoudzou. Crédit : Abdul Malik / Comité des demandeurs d'asile et réfugiés de Mayotte
Un manifestant tient une affiche en hommage à Mohamed Feruzi lors de la marche du 25 juillet 2022 contre la xénophobie, à Mamoudzou. Crédit : Abdul Malik / Comité des demandeurs d'asile et réfugiés de Mayotte

 

Pour ses deux agressions, Abdul Malik n'a jamais porté plainte. Comme d'autres, il est découragé d'avance. "La police reçoit beaucoup de plaintes à propos d'actes de délinquance contre des Africains. Ils nous disent : 'On va faire l’enquête', mais ils ne trouvent rien derrière".

La réception en préfecture, ainsi que l'enquête du procureur de la République, sont-elles un premier pas vers davantage de considération ? Pour le moment, "nous n'avons pas d’espoir, on attend juste de voir si ça va s’améliorer", considère prudemment Abdul Malik.

Le déploiement de forces de l'ordre promis par la préfecture n'est pas, en tout cas, une solution suffisante aux yeux de Bakary. Dans ses cours d'histoire-géographie, l'enseignant tente de déconstruire les préjugés des jeunes Mahorais, en leur expliquant l'histoire du peuplement de Mayotte. Mais les préjugés demeurent "très ancrés dans l'histoire de Mayotte". Lutter contre la xénophobie reste "un travail de longue haleine", juge-t-il.

La responsabilité des autorités pointée par les associations

La manifestation du 25 juillet était la première organisée par des personnes exilées pour dénoncer spécifiquement la xénophobie sur l'île. Cet événement s'inscrit "dans un large mouvement de mobilisation des demandeurs d'asile sur le sort qui leur est réservé à Mayotte", rappelle Mathilde Detrez, chargée de projet régional pour La Cimade à Mayotte, contactée par Infomigrants. Ce mouvement vise avant tout "à revendiquer un traitement égalitaire" dans l'accès aux droits.

Dans les récentes années, en particulier fin 2020, des mobilisations ont émergé autour du "décasage" (expulsions des logements de fortune), de la scolarisation des demandeurs d'asile, ou encore contre l'interdiction de la vente à la sauvette par la mairie de Mamoudzou, alors que cette activité "nous permet de manger", rappelle Abdul Malik.

>> À (re)lire : À Mayotte, le blocage du local de La Cimade dégrade l'accès aux droits pour les migrants

La Cimade fait un lien "évident" entre "d'un côté, des discours politiques qui encouragent la stigmatisation et, de l'autre, une politique de non-accès aux droits", selon Pauline Le Liard, juriste et chargée de projet de l'organisation.

Les personnes assimilées à des "étrangers" sont présentées comme étant "à l'origine de tous les maux de l'île" par les autorités, dénonce-t-elle. À titre d'exemple, la juriste évoque l'instruction du ministère de l'Intérieur de janvier 2022, adressée au préfet de Mayotte. Celle-ci visait à "renforcer la lutte contre la délinquance et l'immigration clandestine, deux termes que l'on ne prend même plus la peine de distinguer."

Le collectif d'associations Migrants outre-mer dénonçaient déjà, en 2020, les amalgames du préfet de Mayotte dans un communiqué. Une persistance dans ces amalgames qui "encourage une partie de la population à passer à l'acte", regrette Pauline Le Liard.

*Le prénom de l'interlocuteur a été modifié afin de préserver son anonymat

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