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Source : le monde - Jean-Baptiste Chastand - 04/08/2022

Derrière ses discours nationalistes, depuis quelques mois, le premier ministre, Viktor Orban, a ouvert les portes de son pays à des milliers de « travailleurs invités » venus d’Asie.

De mémoire d’ouvriers, à Kistelek, jamais on n’avait encore vu arriver de nouveaux collègues d’aussi loin. Fin mai, pour la première fois de l’histoire de cette petite commune de 7 000 habitants du sud de la Hongrie, une vingtaine d’Indonésiens ont débarqué pour aider les 200 ouvriers de l’usine de câbles électriques, actuellement débordée par les commandes. « Nous avons expliqué à nos travailleurs hongrois que nous étions tellement à court de bras que la production risquait d’être bloquée ou qu’ils ne pourraient pas partir en vacances », expose Marton Balog, directeur de la production de cette usine appartenant à la multinationale italienne Prysmian.

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Ce lundi 18 juillet, les ouvriers indonésiens sont encore en phase d’apprentissage, mais l’entreprise italienne espère qu’ils pourront être totalement autonomes dans les prochaines semaines. « Je connaissais la Hongrie uniquement par la coupe du monde de football », avoue sans difficulté Muhamad Firdaus, jovial ouvrier de 22 ans, venu de Padang, sur l’île de Sumatra, pour assembler des câbles douze heures par jour dans ce coin reculé de l’Europe centrale. « J’aime la Hongrie, les gens sont très gentils avec moi », poursuit ce diplômé en mécanique, qui s’est même mis à l’apprentissage de la si difficile langue magyare.

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Ponton Sijari, 26 ans, dans l’usine de câbles de Kistelek, le 11 juillet 2022.

A ses côtés, Ponton Sijari, 26 ans, est aussi « très content » d’avoir quitté son Indonésie natale pour la première fois de sa vie « pour gagner environ deux fois plus ». Soit un peu plus de 600 euros net par mois, un salaire important pour l’Indonésie, mais qui ne suffit plus à attirer la main-d’œuvre hongroise. « On est d’abord allés chercher en Ukraine ou en Roumanie, mais nous n’avons pas eu trop de succès, le turn-over était trop important, alors on s’est dit qu’on allait chercher encore plus loin dans le Sud-Est asiatique », raconte Tiago Campelo, directeur des ressources humaines de la filiale hongroise de Prysmian.

Salle de prière

Ce Portugais est à l’origine de ce qu’il qualifie prudemment « d’expérience intéressante » dans ce pays dirigé depuis 2010 par le premier ministre nationaliste Viktor Orban, connu dans toute l’Europe pour son combat acharné contre l’immigration. Il ne cache pas avoir pris les plus grandes précautions possibles afin d’éviter de mauvaises réactions : les Indonésiens sont hébergés à une heure de route, à Szeged, une ville étudiante qui accueille déjà des étrangers, et un interprète est présent tous les jours sur le site.

 

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Tiago Campelo, directeur des ressources humaines (à gauche), et Marton Balog, directeur de la production, dans l’usine de câbles de Kistelek, en Hongrie, le 11 juillet 2022.

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Salle de prière musulmane pour les travailleurs indonésiens, dans l’usine de câbles de Kistelek, en Hongrie, le 11 juillet 2022.

La direction a aussi organisé des réunions avec les ouvriers hongrois pour leur expliquer toutes les différences culturelles, notamment pourquoi elle a décidé d’ouvrir une petite salle de prière musulmane. A en croire les ouvriers de Prysmian, ces précautions payent. « L’usine a tout fait pour qu’ils se sentent bien, il n’y a aucun problème, à part celui de la langue », salue par exemple Tibor Szögi, 48 ans, qui travaille depuis neuf ans sur les chaînes de production. Après deux mois d’expérience, M. Campelo ne cache pas son soulagement. « Je m’attendais à plus de résistance », affirme celui qui prévoit désormais de faire venir des dizaines d’Indonésiens supplémentaires dans les prochaines semaines.
« La Hongrie est dans une situation de plein-emploi. C’est parfaitement contrôlé et limité » Zoltan Kovacs, porte-parole du gouvernement

Le cas de Kistelek n’a rien d’isolé en Hongrie. Aucun chiffre officiel n’est encore disponible, mais des milliers de travailleurs, avant tout asiatiques, ont débarqué ces derniers mois pour occuper des postes dans l’industrie, l’agriculture ou le tourisme. En septembre dernier, sous la pression du patronat local confronté à un taux de chômage ne dépassant pas 4,2 %, le pouvoir hongrois a discrètement adopté un décret spécial sur les « travailleurs invités ». Les ressortissants de neuf pays – Vietnam, Mongolie, Philippines, Indonésie, Biélorussie, Kazakhstan, Macédoine du Nord, Bosnie et Monténégro – peuvent désormais obtenir en quelques semaines des visas de travail de deux ans, renouvelables.

Une véritable révolution pour la Hongrie, qui compte jusqu’ici à peine 2 % d’étrangers et dont le premier ministre assurait, en 2016, qu’elle « n’a pas besoin d’un seul migrant pour son économie ». Zoltan Kovacs, le porte-parole du gouvernement, justifie sans ciller ce retournement. « La Hongrie est dans une situation de plein-emploi. C’est parfaitement contrôlé et limité », explique-t-il, au sujet de ces « travailleurs invités » qu’il prend bien soin de différencier de « l’immigration illégale de ceux qui viennent pour rester ». « Quand le travail sera fini, ils repartiront », promet-il ainsi.

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Samedi 23 juillet, dans un de ses discours fleuves teintés de théorie du grand remplacement, M. Orban a d’ailleurs de nouveau assuré que la Hongrie ne voulait pas « devenir un pays de races mêlées comme les pays de l’Ouest qui ne sont plus des nations ».

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Le centre-ville de Kistelek, en Hongrie, le 11 juillet 2022.

Sans surprise, ce type de discours alimente les réactions de rejet sur le terrain. De nombreux « travailleurs invités » asiatiques arrivés en Hongrie ces derniers mois racontent avoir par exemple vu débarquer la police après avoir été dénoncés par des voisins méfiants ou avoir été accusés sur les réseaux sociaux de voler le travail des Hongrois. « Il y a eu des insultes et des agressions », affirme Zoltan Laszlo, vice-président du syndicat Vasas (« Métallo » en hongrois). « Ce n’est pas surprenant : Orban a conditionné pendant des années les gens pour croire que les étrangers font du mal au pays », dénonce ce syndicaliste, qui ne voit pas d’un mauvais œil cette arrivée subite de main-d’œuvre depuis l’autre bout du monde. « Tant qu’ils ne sont pas utilisés pour casser les salaires des Hongrois, notre économie en a besoin, les employés hongrois sont débordés. »

Double mouvement

Pour s’assurer d’un certain contrôle, le gouvernement n’autorise que treize agences d’intérim agréées à faire venir ces travailleurs. Directeur exécutif de Prohuman, l’une des plus importantes agences du secteur, Csongor Juhasz raconte être déjà allé prospecter au Vietnam, aux Philippines et en Indonésie. « J’y ai trouvé une sympathie réciproque et une vraie envie de travailler, ils peuvent s’intégrer facilement », vante-t-il, particulièrement laudateur envers les Philippins « qui sont chrétiens et parlent anglais ». Sur place, il a pu compter sur le soutien de l’ambassadrice hongroise, qui appelle même désormais ouvertement les Philippins à émigrer vers son pays.

Prohuman assure avoir déjà fait venir environ 1 500 Asiatiques en quelques mois, dans ce cabinet qui s’occupe en parallèle aussi d’envoyer des Hongrois travailler en Europe de l’Ouest, où les salaires sont encore meilleurs. L’opposition d’extrême droite hongroise dénonce d’ailleurs ce double mouvement en demandant que les emplois non pourvus en Hongrie soient plutôt occupés par certains des dizaines de milliers de Hongrois partis à l’Ouest depuis l’adhésion de leur pays à l’Union européenne, en 2004.
« Le problème est que pour beaucoup de ces travailleurs, la Hongrie est juste une porte pour l’Europe » Adam Turbucz, directeur de la chaîne d’hôtels Mellows
« Les salaires augmentent déjà considérablement en Hongrie, mais si on va trop vite on va perdre notre capacité concurrentielle », leur répond M. Juhasz, qui a développé une formule toute faite pour se justifier auprès des ouvriers hongrois : « Un travailleur étranger sauve trois emplois hongrois car, sans eux, il faudrait arrêter la production faute de travailleurs. » Les agences d’intérim vantent aussi une immigration « sûre », car fortement placée sous leur contrôle : elles peuvent faire suspendre leur visa en cas de problème.

A l’expérience, ce contrôle s’avère toutefois tout relatif. Directeur de la chaîne d’hôtels Mellows, qui exploite dix établissements à Budapest, Adam Turbucz a fait venir dix femmes de ménages thaïlandaises en mars. « Je ne dirais pas que c’est de l’immigration, c’est une opportunité de travail pour deux ans », prend-il la peine de préciser. Mais, entre-temps, quatre ont disparu dans la nature, et deux autres ont dû être licenciées avant de disparaître aussi. Avec celles qui restent, il ne communique, difficilement, qu’avec l’aide de logiciels de traduction automatique hongrois/thaï, faute de maîtrise de l’anglais.

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Logement pour les travailleurs étrangers, à Mosonmagyarovar, en Hongrie, le 11 juillet 2022.

« Le problème est que pour beaucoup de ces travailleurs, la Hongrie est juste une porte pour l’Europe », estime-t-il en jugeant l’expérience « mitigée » après avoir dépensé une somme conséquente en logements et en billets d’avion pour les faire venir. Une fois en Hongrie, les Asiatiques peuvent en effet se déplacer librement dans tout l’espace Schengen. Et même s’ils n’ont, légalement, pas le droit d’y travailler, un emploi au noir à Berlin ou Paris reste toujours bien plus rémunérateur qu’un emploi déclaré, payé 600 euros net à Budapest. M. Tuburcz a toutefois décidé de poursuivre l’expérience avec trente Philippines qui doivent arriver dans les prochaines semaines.

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Tamas Horvath (à gauche), patron de l’agence d’intérim Menton Jobs, et Viktor Stasztny, son associé, devant leurs bureaux, à Mosonmagyarovar, en Hongrie, le 11 juillet 2022.

A la frontière autrichienne, dans la ville de Mosonmagyarovar, même une petite agence d’intérim comme Menton Jobs, s’y est mise. Tamas Horvath, le propriétaire, attend avec impatience l’arrivée de ses dix-huit premiers Mongols pour les faire travailler dans l’agriculture locale qui manque cruellement de bras. « Le salaire minimum a déjà augmenté de 20 %, mais cela n’a visiblement pas fait rentrer les Hongrois en masse », constate celui qui loue déjà des maisons un peu partout en ville pour héberger ces nouveaux arrivants. « On essaye de les répartir par nationalité pour ne pas les mettre tous ensemble », raconte ce manageur qui veut surtout éviter toute mauvaise expérience. « Les Hongrois ne sont pas fondamentalement racistes, ils ne sont juste pas encore habitués », promet-il.

 


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