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Source : Le monde - Annick Woehl - 19/08/2022

Trois jours après le drame dont a été victime Abdul Quayyem Ahmadzai, 27 ans, les récits divergent et la police cherche toujours le tireur. Le maire de la ville évoque « un drame isolé ».

Abdul Quayyem Ahmadzai avait 27 ans et habitait Mulhouse (Haut-Rhin). Il travaillait depuis quatre mois chez PSA Peugeot. Ce jeune Afghan était arrivé en France en 2016 et avait obtenu le statut de réfugié politique. Selon son cousin Yusuf, il avait entamé les démarches pour faire venir sa femme et ses quatre enfants, restés en Afghanistan. C’est finalement lui qui va y retourner, dans un linceul, pour y être enterré. Abdul Quayyem Ahmadzai a été tué par arme à feu, dimanche 14 août, aux environs de midi, à Colmar.

Trois jours plus tard, mercredi 17 août, une dizaine de jeunes réfugiés afghans sont assis devant l’immeuble 1, rue de Berlin, à l’endroit même où certains d’entre eux se trouvaient dimanche quand Abdul Quayyem Ahmadzai a été mortellement touché par une balle, alors que le groupe s’apprêtait à passer un bon moment. Las. Yusuf a dû appeler la mère et la femme d’Abdul, qui habitent dans la province de Logar, près de Kaboul, pour leur annoncer la terrible nouvelle. Abdul est décédé dans la nuit du dimanche 14 au lundi 15 août, à l’hôpital Pasteur de Colmar. Depuis, sa photo, entourée de fleurs et de bougies, est posée sur le sol devant l’immeuble où il a été tué.

Comment en est-on arrivé à ce drame survenu dans ce quartier Europe, un quartier réputé sensible, quoique plutôt apaisé ? On a d’abord parlé de rodéo. Un scénario écarté vingt-quatre heures plus tard, même si un jeune à scooter, selon des témoins, aurait fait vrombir à vide sa machine devant l’immeuble.

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Avec ses quelques tables installées à l’extérieur, la boulangerie-épicerie sise au pied de cet immeuble est un point de rencontre. Abdul, descendu chercher une boisson, était là avec deux amis, en train de téléphoner. Il aurait demandé au jeune d’arrêter de faire du bruit. Après, les récits divergent. Il y a eu des insultes – des insultes sexistes, « nique ta mère ». La violence a suivi, une chaise et une bouteille balancées, des coups portés. Le cousin Yusuf affirme qu’un ami du scootériste avait sorti une arme, mais que l’autre lui aurait dit : « Pas là, il y a une caméra. »

Abdul aurait appelé la police. « Il ne parle pas bien français alors il m’a donné le téléphone, rapporte Yusuf. Je leur ai dit qu’un gars avait un pistolet, que c’était très, très dangereux, qu’il fallait venir vite. Ils m’ont dit : “On vient.” Ils sont arrivés trente minutes après… »

« Mélange d’orgueil et de colère »

Les jeunes sont partis, laissant le deux-roues sur place. « Après, les Afghans ont détruit le scooter à coups de pied », raconte un habitant de l’immeuble, qui dit avoir suivi la scène de sa fenêtre. « Un coup de pied, dans le rétroviseur…  », minimise Yusuf. Un groupe revient – à sa tête, le pilote du scooter et son ami –, puis s’arrête à un croisement à quelques dizaines de mètres. Des mots sont encore échangés. Un garçon sort un pistolet, qu’il pointe en direction des réfugiés. « Les Afghans ont dit : “Vas-y, tire, tire !” Parce qu’on n’aurait jamais imaginé que c’était un vrai revolver, avec de vraies balles, ici en France ! », précise Yusuf. Il n’en revient toujours pas d’avoir vu ensuite le tireur partir tranquillement, en marchant, alors qu’il savait que la police avait été prévenue.

Un habitant du quartier, habitué de ce point de rencontre, a son avis sur ce tragique dérapage. « C’est triste, cela n’aurait jamais dû arriver, commente-t-il. Au quartier, il y a une façon de parler aux gens… Il y a des codes à respecter. Cette histoire est un mélange d’orgueil et de colère, qui ne font pas bon ménage surtout quand on a 17 ans. »

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Un autre renchérit : « Le tireur, qu’ici tout le monde connaît (…), n’a pas apprécié de se faire crier dessus par quelqu’un d’extérieur. » Extérieur au quartier, s’entend. « C’est un manque de discussion, les familles auraient pu s’entendre. Entre musulmans », ajoute-t-il. Aujourd’hui, l’adolescent redoute des tensions à venir entre les deux communautés, afghane et africaine : « Dans leur peine, les gens ne réfléchissent pas, ils ont soif de violence… »

Le lendemain du drame, environ 150 personnes de la communauté afghane de toute l’Alsace ont organisé une marche blanche jusqu’au centre-ville. Rendant visible cette communauté plutôt discrète, qui « ne pose pas de problèmes », au dire du maire (Les Républicains) de Colmar, Eric Straumann. C’est une communauté relativement réduite, installée là par le centre d’accueil de demandeurs d’asile. Elle est constituée d’une majorité de jeunes hommes.

« On se sentait protégés. Et là… »

Comme Abdul, ses amis Ahmed, Sardah, son cousin Yusuf ont quitté leur pays à pied, raconte ce dernier. Six mois de marche pour arriver en France : « Franchement, j’étais content de la France. On se sentait protégés. Et là… Qu’est-ce que je fais maintenant ? Comment on va faire avec les quatre enfants ? Je rentre en Afghanistan me faire tuer par les talibans ? »

Le maire parle d’un « drame isolé » et invite à laisser travailler les enquêteurs. « C’est un banal conflit de bruit, comme celui de la rue du Ladhof, veut-il croire. Le cœur du problème, c’est l’arme. Comment s’est-elle retrouvée là ? » Début juin à Colmar, un riverain de 62 ans avait tiré sur une femme de 22 ans, excédé par le bruit d’une fête à laquelle la victime, morte des suites de ses blessures, participait.

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Mardi 16 août, la procureure de la République du Haut-Rhin, Catherine Sorita-Minard, a ouvert une information judiciaire et saisi un juge d’instruction sous le chef d’assassinat. La police judiciaire de Mulhouse cherche toujours le tireur. Il s’agirait d’un mineur de 17 ans, défavorablement connu des services de police, un copain du conducteur du scooter. L’autopsie, déjà pratiquée, a confirmé qu’une seule balle avait été tirée.

Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, que la députée (Renaissance) de la circonscription, Brigitte Klinkert (ancienne ministre déléguée), a eu au téléphone lundi soir, a envoyé sur place soixante policiers de l’unité spécialisée dans les violences urbaines. Arrivés dans la nuit de lundi à mardi, ils ont pour mission d’aider leurs collègues locaux, lesquels se concentrent sur l’enquête et les recherches.

« Ça fait peur pour mes enfants »

Dans ce quartier de « reconquête républicaine », dans l’ouest de Colmar – qui reste relativement « paisible », selon le maire –, les taux de chômage et de pauvreté sont beaucoup plus élevés que dans le reste de la ville. Selon l’élu, on est loin des situations qu’on connaît dans les quartiers sensibles de Mulhouse ou de Strasbourg, quand bien même on y deale, on y brave la police à scooter ou sur de grosses cylindrées, et on y fait du rodéo.

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Le drame de dimanche a été un choc pour les habitants de la rue de Berlin. « Ça fait peur pour mes enfants, j’ai demandé à déménager, mais rien ne se passe », lance Aurélie, surtout mécontente de l’habitat et du manque d’aménagements pour les petits. A l’en croire, l’entente est bonne entre voisins. François approuve : « Il y a toujours une bonne ambiance dans le quartier. Même si les jeunes sont moins respectueux qu’avant. » Vincent affirme la même chose : « D’habitude, c’est calme ici. Des fois, il y en a qui s’amusent, c’est le quartier. »

Un couple passe devant les photos d’Abdul posées au sol, consterné : « On le connaissait ! Il était très gentil, il disait toujours bonjour. »

 


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