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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : le monde - Marina Rafenberg - 26/08/2022

La petite fille est morte après avoir été piquée par un scorpion sur un îlot au milieu du fleuve Evros, entre la Grèce et la Turquie, où, pendant des jours, un groupe de réfugiés a été abandonné.

LETTRE D’ATHÈNES

« Nous voulons que justice soit faite pour notre fille ». Les parents de Maria, une petite réfugiée syrienne de 5 ans, morte des suites d’une piqûre de scorpion alors qu’elle était bloquée sur un îlot au milieu du fleuve Evros, entre la Grèce et la Turquie, étaient entendus cette semaine par le procureur d’Orestiada. « Ils sont traumatisés, fatigués, enfermés dans le camp de Fylakio et ils doivent penser à enterrer leur fille dignement alors qu’elle a juste été recouverte de terre sur l’îlot où ils sont restés pendant plusieurs jours sans que les autorités grecques ne leur portent assistance, malgré de nombreux appels à l’aide », explique Klotildi Prountzou, l’avocate du Conseil grec pour les réfugiés (CGR) qui les représente.

Le drame de la jeune Syrienne commence le 14 juillet. Maria, ses quatre frères et sœurs, et ses parents font alors partie d’un groupe composé de 50 migrants qui tentent la traversée périlleuse du fleuve Evros. D’après les témoignages des exilés, majoritairement syriens et palestiniens, ils sont arrêtés immédiatement après avoir rejoint la rive grecque, par des policiers et des hommes masqués. Ils sont ensuite renvoyés de force sur un îlot situé au milieu du fleuve, sans eau ni nourriture. « Durant ce violent refoulement, le groupe que nous avons interrogé a raconté que deux hommes sont décédés par noyade, tandis qu’un autre migrant aurait été roué de coups jusqu’à la mort. Le procureur d’Orestiada doit également éclaircir ces points-là », demande Klotildi Prountzou.

Le CGR et l’ONG HumanRights360, contactés par le groupe de migrants, saisissent dès le 20 juillet la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour que les autorités grecques mettent à l’abri les demandeurs d’asile. Mais la police grecque affirme ne pas réussir à les localiser. Le 26 juillet, les ressortissants syriens et palestiniens sont de retour sur la rive turque où un accueil tout aussi brutal leur est réservé. Les soldats turcs refusent de les laisser passer de nouveau sur leur territoire, les tabassent et, après les avoir gardés plusieurs jours, les reconduisent le 6 août sur un autre îlot au milieu du fleuve Evros.

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Le 9 août, alors que plusieurs ONG, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et des journalistes en contact avec le groupe ont tenté de persuader les autorités d’intervenir, Maria meurt à la suite de la piqûre d’un scorpion. Aya, sa sœur de 9 ans, est aussi piquée et sa santé se détériore. Dans cette zone militarisée, même l’accès des humanitaires, du HCR et des services de secours n’a pas été autorisé. La chaîne britannique Channel 4, qui réussit à communiquer avec les réfugiés par téléphone, publie alors un reportage glaçant largement repris en Grèce : « Ici, c’est l’enfer sur terre. Nous sommes au milieu de la rivière, sans eau potable, entourés de serpents et de scorpions et personne ne vient nous aider ! » s’inquiète dans un appel vidéo Baida Al Saleh, une Syrienne de 27 ans.

Partie de ping-pong macabre

Le président de la Fédération grecque des médecins hospitaliers, Panos Papanikolaou, demande que des collègues puissent aller sur place afin d’éviter « davantage de morts » mais les autorités locales refusent. Sur Twitter, le mot-dièse « Evros » est désormais en tête des recherches des utilisateurs en Grèce. Les médias et l’opposition se saisissent de la question. Le ministre des migrations, Notis Mitarachi, prétend alors que l’îlot où se trouvent les réfugiés n’est pas situé en Grèce mais en Turquie et accuse Ankara de ne pas venir à leur secours. Le principal parti d’opposition, Syriza (gauche), demande des preuves et rétorque que dans le cadastre, l’îlot est bien mentionné comme appartenant à la Grèce.

Coincés au milieu d’une partie de ping-pong macabre, où les deux pays se renvoient la balle, les réfugiés craignent à nouveau le pire lorsqu’une femme enceinte de huit mois commence à saigner abondamment. Le 15 août, alors que le pays fête l’Assomption de la Vierge Marie, le groupe de réfugiés est enfin retrouvé par la police grecque à 4 km de l’îlot après avoir, en désespoir de cause, commencé à traverser le fleuve sur un canot abandonné par d’autres migrants. Maria, pour sa part, a été enterrée à la va-vite sur le bout de terre.

La Grèce est accusée par des ONG et des enquêtes journalistiques de mener de manière systématique, depuis mars 2020, des refoulements illégaux de migrants vers la Turquie, une pratique contraire au droit international et à la convention de Genève sur les réfugiés, qui s’accompagne souvent de racket, de coups et d’humiliations. Athènes a toujours nié avoir recours à ces méthodes et accuse au contraire Ankara d’instrumentaliser la question migratoire pour faire pression sur elle. Selon le ministre grec de la protection civile, Takis Theodorikakos, 25 000 migrants ont tenté d’entrer en Grèce dans la région de l’Evros rien qu’au mois d’août. « Ils viennent majoritairement de Syrie et les autorités turques les arrêtent en leur donnant deux options : soit tenter de traverser en Grèce, soit être renvoyés en Syrie », soutient Takis Theodorikakos. Ils ne sont plus les bienvenus en Turquie où, en mai dernier, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé « préparer le retour d’un million » de réfugiés syriens dans leur pays.

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L’histoire tragique de la petite Maria a attiré l’attention de l’opinion publique grecque et de l’opposition, souvent restée silencieuse face aux refoulements de migrants car elle redoute d’être accusée de céder à la pression turque et de ne pas servir les intérêts nationaux.

A quelques mois des prochaines élections, le gouvernement conservateur, qui compte sur un électorat nationaliste, campe sur sa position et pense que, face à « l’instrumentalisation de la question migratoire » par Ankara, la solution est d’ériger une forteresse infranchissable. Mardi 23 août, un conseil de défense a été convoqué en urgence : il a été décidé de prolonger de 80 km le mur existant de 40 km à la frontière entre la Grèce et la Turquie dans la région de l’Evros…

Retrouvez ici toutesles lettres de nos correspondants.

 


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