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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : médiapart - Nejma Brahim - 03/09/2022

Le gouvernement espagnol a adopté une réforme visant à intégrer les étrangers au marché du travail, qu’ils soient dans leur pays d’origine ou déjà présents sur le territoire. L’Allemagne compte aussi régulariser des dizaines de milliers de déboutés du droit d’asile, tandis que la France reste à la traîne.

La réforme vise à détricoter – et à reconnaître, d’une certaine manière – l’économie souterraine qui règne en Espagne, et qui contraint les personnes sans papiers à travailler sans être déclarées, sans droits ni protection, dans des secteurs dits « sous tension ».

Fin juillet, le gouvernement espagnol a adopté une réforme de la loi sur les étrangers, visant à faciliter l’accès des immigré·es au marché du travail, y compris celles et ceux déjà présents sur le territoire en situation irrégulière. Cela concernerait des milliers de personnes.

Selon le ministre des migrations, Jose Luis Escrivá, il s’agit « d’encourager une immigration régulière, ordonnée et sûre », alors que le pays connaît une forte pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs comme l’agriculture, le BTP ou le tourisme, malgré un taux de chômage élevé. Les entreprises pourront désormais recruter des personnes étrangères depuis leur pays d’origine, via l’octroi facilité de visas de travail.

Deux migrants subsahariens observant le port d'Arguineguin, où ils ont débarqué en novembre 2020. © NB

Les étudiantes et étudiants étrangers pourront également travailler en parallèle de leur cursus (jusqu’à 30 heures par semaine) et les restrictions à l’accès des jeunes diplômé·es sur le marché du travail seront supprimées. Les personnes s’étant déjà établies en Espagne de manière irrégulière depuis plus de deux ans pourront par ailleurs être régularisées et intégrer le marché du travail ou bénéficier d’une formation à un métier dit « sous tension », à l’instar du modèle allemand.

La réforme de la loi sur les étrangers doit aussi permettre de simplifier les procédures de regroupement familial, notamment les exigences économiques qui y sont liées, et les démarches administratives imposées aux personnes étrangères en Espagne, avec la création d’une unité de traitement des dossiers d’étrangers.

Selon le ministère de l’inclusion, de la Sécurité sociale et des migrations, cette réforme doit « améliorer le modèle migratoire espagnol et ses procédures, dans de nombreux cas lentes et inappropriées », qui génèrent des « périodes prolongées d’irrégularité ». Elle encourage également la migration dite « circulaire » par la délivrance d’autorisations pluriannuelles, permettant de travailler neuf mois par an durant quatre ans, et ce dans n’importe quel secteur d’activité où il y a besoin de main-d’œuvre.

Voir la réalité en face

Chercheuse et spécialiste des mouvements migratoires, Chadia Arab évoque une grande vague de régularisations en Espagne en 2002. « À l’époque, je travaillais sur les harragas [les migrants maghrébins qui partent par la mer], qui partaient en zodiac ou patera [petit bateau de fortune – ndlr] par le détroit de Gibraltar. La vague de régularisations avait permis d’assurer des documents à des milliers de migrants déjà en Espagne », se souvient-elle.

« D’un point de vue réglementaire, il est très important d’avoir régulièrement des régularisations. Cela permet de garantir les droits humains et une vie digne aux migrants, contraints de travailler dans des conditions déplorables faute de papiers. »

Quant à la migration circulaire, qui recouvre le travail saisonnier et le travail temporaire, la chercheuse, auteure de Dames de fraises, doigts de fée – Les invisibles de la migration saisonnière marocaine en Espagne (En toutes lettres), estime que cela ne peut être « la seule opportunité » pour les étrangers et étrangères en quête de mobilité.

« La migration circulaire est montrée en exemple depuis plusieurs années dans la gouvernance mondiale pour faire venir des migrants tout en luttant contre l’immigration clandestine. Le projet entre l’Espagne et le Maroc pour les femmes saisonnières marocaines a été financé par l’Union européenne en ce sens. Mais en les écoutant, j’ai compris qu’elles ne voulaient pas forcément rester en Espagne : elles aimeraient surtout pouvoir venir quand elles le souhaitent », analyse Chadia Arab, qui prône la liberté de circulation avant tout.

« On en a tous entendu parler ici », sourit Mohamed, un jeune harraga venu d’Algérie, rescapé d’un naufrage. Nous l’avions rencontré dans la ville de Murcia, en janvier dernier, alors qu’il tentait de se construire une nouvelle vie après avoir frôlé la mort en mer.

« Depuis, je vis à Alicante en colocation avec d’autres Algériens. J’enchaîne les petits boulots dans la restauration. Les horaires sont difficiles et on n’est pas toujours bien payés, mais ça suffit pour vivre », résume celui qui avait choisi de rester en Espagne en se disant qu’il serait plus facile d’y obtenir des papiers qu’en France.

La mesure sur la formation est une très bonne chose : même si c’est dans des domaines spécifiques, au moins, on apprend un métier.
Mohamed, Algérien sans papiers en Espagne

Mohamed se réjouit de cette réforme mais il est conscient qu’il ne peut pas en bénéficier dans l’immédiat : il n’a pas encore atteint deux ans de présence irrégulière sur le territoire.

« J’espère qu’ils ne la supprimeront pas au gré des élections d’ici-là. La mesure sur la formation est une très bonne chose : même si c’est dans des domaines spécifiques, au moins on apprend un métier. J’aimerais pouvoir me former en restauration ou en coiffure plus tard. »

En ce sens, ces mesures, dans leur ensemble, représentent une avancée de taille pour les droits des étrangers et migrants en Espagne, souvent invisibilisés et confrontés, comme partout, à la précarité, évoluant dans une économie souterraine qui les exploite comme bon lui semble. Ils rencontrent, aussi, des obstacles administratifs pour leur régularisation dont l’État est conscient (jusqu’ici, il fallait en moyenne sept ans et demi pour être régularisé en Espagne, selon le ministre des migrations).

Mais elles devraient aussi bénéficier à l’État espagnol. Comme le soulignait l’activiste Gonzalo Fanjul dans une tribune publiée dans le quotidien El País, maintenir les étrangers dans l’irrégularité est inhumain et caractérise un manque à gagner pour l’ensemble de la société.

Une étude menée par la Fondation porCausa et l’université Carlos 3 montrait en 2020 que la régularisation des sans-papiers – qui seraient entre 390 000 et 470 000 en Espagne – représenterait un bénéfice net moyen de 3 250 euros par personne et par an pour l’État espagnol. Sur la base de plusieurs arguments venant conclure l’étude, les auteurs rappellent une évidence : régularisation ou non, ces immigré·es ne disparaîtront pas de nos sociétés.

Reste à savoir si nos dirigeants politiques souhaitent perpétuer un système ayant montré ses limites, dont les conséquences sont lourdes pour les migrant·es, ou s’ils souhaitent au contraire protéger les droits des plus vulnérables en les sortant de la clandestinité.

Des avancées dans certains pays européens, pas en France

C’est sans doute aussi le choix qu’a fait l’Allemagne, deux mois plus tôt, avec un projet de loi visant à régulariser les personnes sans papiers, dont les demandeuses et demandeurs d’asile déboutés restés sur le territoire après que leur demande protection a été rejetée. Des dizaines de milliers de personnes seront concernées – 130 000 étrangères et étrangers sont présents sur le territoire allemand depuis au moins cinq ans, sans toutefois disposer de titre de séjour permanent.

« Ces personnes, qui ont trouvé leur cadre de vie en Allemagne grâce à une longue durée de séjour, doivent se voir ouvrir une perspective en matière de droit de séjour et se voir offrir une chance de réunir les conditions nécessaires à un séjour légal », soulignait le ministère de l’intérieur dans le projet de loi. En France, pourtant, ce type d’initiative patine.

Même après la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a permis de constater combien les personnes sans papiers étaient indispensables à certains secteurs d’activité, les revendications des personnes en situation irrégulière n’ont rien donné, là où le Portugal avait choisi de régulariser les sans-papiers présents sur son sol pour les protéger du virus.

Des centaines de personnes accompagnées de leurs soutiens ont manifesté à travers la France, à l’appel de près de 300 organisations, dans l’espoir de rencontrer Emmanuel Macron et de faire entendre leurs revendications. Ce dernier n’a finalement pas souhaité les recevoir.

En région parisienne, trois piquets de grève organisés par des travailleurs sans papiers au service de La Poste et d’agences d’intérim sont tout bonnement ignorés par les autorités depuis près d’un an, alors qu’ils demandent leur régularisation en estimant avoir été « exploités ». Depuis la circulaire « Valls » de 2012, les demandes de régularisation par le travail sont laissées à l’appréciation des préfets. Et même lorsque les sans-papiers remplissent toutes les conditions (24 fiches de paie, une promesse d’embauche et trois ans de présence en France), il leur faut ensuite affronter les délais en préfecture.

Il est clair que le président de la République et le ministre de l’intérieur n’entendent pas suivre la voie de l’Allemagne et de l’Espagne. Alors que l’immigration a déjà pris une place démesurée dans les débats publics durant la présidentielle, thématique exacerbée par les obsessions identitaires de la droite et de l’extrême droite, reprises par La République en marche (LREM), le ministère de l’intérieur a déjà annoncé un projet de loi immigration pour la rentrée, qu’il a dû depuis décaler.

Le projet de loi prévoit une mesure permettant d’expulser les étrangers dits « délinquants » (lire nos articles ici et ). Il entend aussi suspendre l’octroi des titres de séjour au respect des « principes de la République » et faciliter l’expulsion des personnes faisant l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Autant de propositions qui visent davantage à criminaliser les étrangères et les étrangers qu’à tenter de les intégrer.

 


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