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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Julia Pascual - 10/11/2022

La France a un taux d’exécution des obligations de quitter le territoire plus faible que ses voisins, parce qu’elle les délivre plus systématiquement. Le gouvernement continue pourtant à les présenter comme un baromètre d’efficacité.

Analyse. En octobre 2019, Emmanuel Macron, dans un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles, est interrogé sur son objectif d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Le président affirme qu’il veut « sortir tous les gens qui n’ont rien à faire là ». « Combien ? », insiste le journaliste. Réponse : « 100 %. »

Trois ans se sont écoulés et, selon les derniers chiffres du ministère de l’intérieur, seules 8,25 % des OQTF prononcées en 2021 ont été exécutées. Une année marquée par des difficultés de transport liées à la pandémie.

Alors que le meurtre de Lola, 12 ans, dont la principale suspecte est une femme algérienne visée par une OQTF non exécutée, a relancé le débat, le gouvernement est pris au piège de sa promesse et d’une rhétorique qu’ont forgée avant lui d’autres gouvernements.

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Comme l’écrivait, en 2015, le sénateur Les Républicains (LR) François-Noël Buffet, dans un rapport sur le droit des étrangers en France, « avant les années 1980, l’éloignement des étrangers (…) était principalement justifié par des motifs d’ordre public ». Puis, « les conditions progressivement instaurées pour accéder au territoire français ont nécessité de développer un instrument plus adapté pour procéder à l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière, sans considération d’atteinte à l’ordre public ». Les éloignements ont donc progressivement concerné tous les sans-papiers et sont devenus une sorte de gage de fermeté des politiques migratoires. De nombreux textes réglementaires et législatifs ont tenté d’améliorer leur efficacité.

Accusations d’impuissance

La loi sur l’immigration de 2006, défendue par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, a ainsi créé l’OQTF pour permettre l’éloignement contraint d’un étranger à la suite d’une simple décision de refus ou de retrait d’un titre de séjour, de rejet d’une demande d’asile ou de contrôle sur la voie publique.

La délivrance des OQTF de façon quasi systématique dans ces cas alimente les accusations d’impuissance. « La France édicte beaucoup plus de mesures qu’elle ne peut exécuter », souligne, pour sa part, Mélanie Louis, de la Cimade. Sur les dix dernières années, leur taux d’exécution n’a franchi qu’une fois 20 %. Cela n’a pas dissuadé les gouvernements de prononcer toujours plus d’OQTF. D’après un autre rapport sénatorial de M. Buffet, leur nombre est passé de 60 000, en 2011, à près de 122 000, en 2021.

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La France est l’un des pays d’Europe les plus prolifiques en mesures d’éloignement. Mais elle en exécute proportionnellement peu : 14,3 % en 2019, selon cette même étude sénatoriale, basée sur des données Eurostat. La même année, la Grèce en a délivré 58 000 et exécuté 21,4 %, l’Espagne 38 000 (32,6 %), l’Italie 27 000 (24,1 %), le Danemark 4 000 (51,8 %) et l’Allemagne 47 530 (53 %).

L’administration allemande cible les personnes qu’elle a l’espoir de pouvoir éloigner et accorde aux autres des titres de résidence tolérée dits « Duldung » (plus de 200 000, en 2019). « Nous nous évertuons à rechercher, le plus souvent en vain, la reconduite là où d’autres solutions sont plus systématiquement recherchées dans d’autres pays », soulignait un rapport de 2020, rédigé par onze experts venus d’horizons divers.

Politique de retour coûteuse

Alors qu’une nouvelle loi sur l’immigration est en préparation pour 2023, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, ne semble pas vouloir se départir de la logique de ses prédécesseurs. Il souhaite « largement améliorer l’exécution des OQTF », a-t-il dit au Monde, le 2 novembre. Pour y parvenir, il entend exiger des préfectures un meilleur suivi des personnes sous OQTF, réduire les catégories de recours et supprimer la protection de certaines catégories d’étrangers (comme ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans ou les conjoints et parents de Français). De même, il compte sur l’accélération des procédures d’examen des demandes de titre et d’asile pour empêcher les étrangers de développer des droits au séjour liés à leur situation familiale ou professionnelle, qui leur permettraient de faire tomber une OQTF.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Darmanin et Dussopt sur le projet de loi « immigration » : « Nous proposons de créer un titre de séjour métiers en tension »

Aujourd’hui, près de 50 % des OQTF font l’objet de recours. En 2021, 12,3 % des interruptions d’éloignement provenaient d’une décision judiciaire défavorable, souligne le rapport Buffet. « Il y a un défaut d’examen personnalisé de la situation des gens par les préfectures », estime Mélanie Louis.

La politique de retour forcé est coûteuse et peu efficace. Le nombre de personnes éloignées de force a été de 10 000, en 2021. Les raisons à cela sont multiples. Outre la question du contentieux, le sujet est celui des moyens et des opportunités. Combien de policiers et de gendarmes faudrait-il mobiliser pour aller chercher manu militari 120 000 personnes, une fois expiré le délai de départ volontaire dont sont généralement assorties les OQTF ? Et combien de places en centre de rétention administrative faudrait-il créer, en plus des 1 800 existantes ? Combien d’avions et d’escortes faudrait-il préempter ? Sans parler des refus des pays d’origine de permettre l’expulsion de leurs ressortissants en délivrant des laissez-passer consulaires. Selon le rapport Buffet, à peine plus d’un laissez-passer sur deux a, en 2021, été délivré dans des délais permettant l’éloignement.

Un rapport de 2019 de la commission des finances de l’Assemblée nationale souligne que, dans une majorité d’Etats membres, les retours aidés, moins onéreux et plus efficaces, sont devenus « plus nombreux que les retours contraints ». En 2021, la France a procédé à 5 000 retours volontaires, selon l’Office français d’immigration et d’intégration. Le 26 octobre, sur France 2, M. Macron a concédé qu’« il n’y a aucun pays qui peut faire 100 % [d’OQTF exécutées] » et dit vouloir privilégier « d’aller à ces 100 % pour [les étrangers] qui sont les plus dangereux ». Le début d’une stratégie ?

 


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