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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Julia Pascual - 13/11/2022

Ils sont manœuvre, plongeur, nounou ou femme de ménage. Ils travaillent sans fiche de paie, parfois depuis des années et témoignent de leurs difficultés et de leurs aspirations, alors qu’ils espèrent bénéficier de l’assouplissement des règles pour les métiers dits « en tension ».

Ousmane Bangoura voudrait que les Français sachent. Qu’il se « fracasse » sur les chantiers, qu’il rentre parfois chez lui le soir « les bras enflés par la douleur », qu’il « contribue à construire » la France. « J’entends dire qu’on ne connaît pas les valeurs ou qu’on est au chômage, rapporte ce Guinéen de 27 ans, sans-papiers. Mais moi, je suis venu pour bosser. »

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Ousmane Bangoura, 27 ans, est originaire de Guinée Conakry. Il vit en France depuis cinq ans, et travaille sans papiers dans le BTP depuis son arrivée. Chez lui, à Cergy (Val-d’Oise), le 9 novembre 2022. Depuis qu’il est arrivé, en 2017, Ousmane a toujours travaillé, même pendant le confinement. Pourtant, il n’a qu’une feuille de paye, qui correspond à quelques jours dans une usine de tri dans le Maine-et-Loire, en 2019. Autrement, plusieurs patrons lui ont promis de le déclarer mais, aucun n’a tenu parole. « C’est dans leur intérêt, je touche maximum 50 euros par jour », dit-il.

Le jeune homme, rencontré grâce au Centre d’entraide pour les demandeurs d’asile et les réfugiés du Secours catholique, où il est bénévole, se sent à la fois « découragé » et « révolté » de se faire « exploiter sur des chantiers » dans un pays auquel il porte « un amour sincère ». Il ne voit pas comment « sortir du trou » dans lequel sa situation administrative irrégulière le maintient. Faute de fiches de paie, il ne peut pas prétendre à une régularisation. La circulaire Valls de 2012 prévoit la possibilité d’une « admission exceptionnelle au séjour » pour les salariés à condition qu’ils présentent entre huit et vingt-quatre bulletins de paie et une promesse d’embauche, après trois à cinq ans de présence en France.

« Ils profitent de moi »

Le gouvernement a annoncé vouloir assouplir ces règles dans les « métiers en tension », comme le bâtiment, l’agriculture ou la restauration. S’il avait des papiers, Ousmane Bangoura aurait « une vie normale, comme tout le monde ». Il pourrait se loger autrement que dans la chambre qu’il sous-loue 350 euros par mois dans le Val-d’Oise et où les taches d’humidité maculent un coin de plafond. Il pourrait changer de métier. « Quand je vois les annonces de la RATP, ça me fend le cœur », confie cet ancien chauffeur de bus.

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Sidibe Sambanou regarde, lui aussi, avec envie les offres d’emploi de manœuvre sur le site de recherche Indeed. Régulièrement, il est sollicité par SMS ou par mail. Le CV de ce Malien de 35 ans, qui habite en Seine-et-Marne, intéresse. Il sait monter des parpaings, poser des joints, du parquet, du carrelage, faire du mortier, de l’enduit, de la peinture… « J’aime le bâtiment, je peux être chef d’équipe », assure-t-il.

Sidibe a des tas de photos dans son téléphone qui racontent tous les chantiers qu’il a écumés depuis qu’il est arrivé, en octobre 2018. En les faisant défiler, il tombe sur un cliché de la médaille du travail décernée, en 2005, par la France à son père. Il était ouvrier dans la logistique et a partagé sa vie entre la région de Kayes et le 19arrondissement de Paris.

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Sidibe Sambanou, 35 ans, est originaire du Mali. Il travaille dans le BTP depuis qu’il vit en France. Ici dans un café, à Paris, le 9 novembre 2022.

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Sidibe Sambanou montre une photographie de la médaille du travail décernée par la France à son père en 2005, après trente-cinq ans au service d’une entreprise française de transports. Lui avait la nationalité française. A Paris, le 9 novembre 2022.

Faute de n’avoir jamais été déclaré, Sidibe, lui, n’a pas pu être régularisé. « Les patrons vont dire que leur boîte est trop petite, qu’ils ne peuvent pas payer les Urssaf. Ils profitent de moi. Avec des papiers, je voudrais me stabiliser, être tranquille avec ma femme, ouvrir ma boîte, avoir ma petite maison et ma camionnette. »

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Si elle obtenait des papiers, Nesrine (les personnes dont seul le prénom apparaît ont demandé l’anonymat) monterait sa boîte, elle aussi. Ou envisagerait, pourquoi pas, un métier dans le paramédical. Cette Algérienne de 29 ans est titulaire d’une licence en chimie. En attendant, elle est secrétaire et reverse à son employeur, à la tête d’une société de travaux, une partie de son smic, soit l’équivalent des charges patronales. C’est l’arrangement qu’ils ont fini par trouver pour que Nesrine soit déclarée. « Les employeurs aiment les sans-papiers parce qu’ils ne peuvent pas réclamer leurs droits », pense-t-elle.

« La France va bénéficier de moi »

Millénal ne voudrait pas changer de travail. Cette Colombienne de 30 ans « adore s’occuper des enfants ». Actuellement, elle est nounou à temps plein dans une famille cossue, qui ne la déclare pas. Avec un titre de séjour, elle dirait plus facilement non à ses employeurs qui lui demandent, en plus de s’occuper d’une fille de 2 ans, de faire du repassage et la cuisine. Quand elle a entendu parler de la réforme qu’envisageait de faire le gouvernement, sur des groupes WhatsApp et une vidéo TikTok partagée au sein de la communauté colombienne exilée, la jeune femme s’est précipitée à une permanence de la Cimade, à Paris. C’est là qu’on la rencontre. « On voulait savoir si on pouvait être concerné », explique son amie Elizabeth, 46 ans, colombienne aussi. Depuis dix mois, Elizabeth est également nounou à temps plein dans une famille du 16arrondissement, qui la déclare. Mais il lui faut attendre encore plus d’un an dans l’ombre avant de pouvoir demander une régularisation.

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Tania, une jeune Moldave de 25 ans, se surprend à espérer que « tout change ». Depuis qu’elle a obtenu un CDI de femme de ménage dans un hôtel parisien, il y a six mois, elle est impatiente de monter un dossier de régularisation. C’est pour se renseigner sur les conditions en vigueur qu’elle s’est rendue à la Cimade. Bechir, lui, est venu pour être rassuré. Ce Tunisien de 56 ans a un CDI de livreur chez Chronopost depuis son arrivée en France, début 2022. Il y a deux mois, la police a découvert lors d’un contrôle qu’il était porteur de faux papiers. Il doit être jugé en avril par le tribunal judiciaire de Paris. « J’ai peur, confie cet homme, qui a laissé sa femme et ses quatre enfants au pays. Je suis venu ici pour sauver ma famille de la pauvreté. Je ferai de mon mieux pour m’intégrer vite. La France va bénéficier de moi. »

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Tania, 25 ans, originaire de Moldavie, est femme de chambre dans un hôtel parisien, en CDI depuis six mois. Elle vit à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ici dans la cour de la Cimade, à Paris, le 9 novembre 2022.

Le plus important, pour Dembele, c’est de pouvoir « travailler plus ». Pour déposer une demande de titre en préfecture, ce Malien de 37 ans est allé demander de l’aide dans une permanence syndicale de la CNT-SO, à Paris. Il a besoin qu’un de ses anciens employeurs lui délivre un certificat confirmant qu’il a bien été son salarié, bien qu’ayant présenté les papiers d’un autre au moment de son embauche. Plusieurs années durant, Dembele a été plongeur dans les cuisines des maisons de retraite du groupe Korian. Après sept ans de clandestinité, il espère qu’une régularisation va « changer [sa] vie ».

 


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