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Source : médiapart - Pascale Pascariello, Armel Baudet, Martin Bessin, Youmni Kezzouf et Esmaeili Amir - 24/11/2022

Il y a un an, 27 personnes sont décédées dans le naufrage de leur embarcation en essayant de rejoindre le Royaume-Uni. Zana Mamand Mohammed a perdu son frère, Twana, 18 ans, dont le corps n’a toujours pas été retrouvé. Auditionné dans le cadre de l’enquête, il a accepté de témoigner auprès de Mediapart. 

«Comment les autorités françaises et anglaises ont-elles pu laisser des enfants, des femmes et des hommes mourir en mer alors qu’ils les alertaient de leur naufrage depuis des heures ?, soupire Zana Mamand Mohammed, policier à Ranya, ville située au Kurdistan irakien. Mon frère, Twana, avait 18 ans et rêvait juste de réussir dans un pays européen en paix, loin du chaos que nous vivons en Irak.  »

Le frère de Zana Mamand faisait partie des 33 personnes – femmes, hommes et une fillette âgée de 7 ans – qui, parties le 23 novembre 2021 aux alentours de 22 heures d’une plage de Grande-Synthe, près de Dunkerque (Nord), tentaient de rejoindre le Royaume-Uni.

naufrage dans la manche

Le lendemain après-midi, les corps de vingt-sept d’entre eux seront retrouvés dans les eaux territoriales françaises. Seules deux personnes ont survécu. Dans le cadre de l’instruction ouverte pour « homicides involontaires », « blessures involontaires » et « mise en danger de la vie d’autrui », Zana Mamand, 33 ans, qui fait partie des parties civiles, a été auditionné le 18 novembre à Paris. C’est au cabinet de son avocat, Matthieu Chirez, que Mediapart a pu le rencontrer.

Au moment où Zana Mamand nous accorde l’entretien, les traits tirés après plus de trois heures d’audition, il est également très préoccupé par la situation de sa famille dans le nord de l’Irak alors bombardé par la Turquie.

« Cela fait des années que nous vivons dans l’insécurité en Irak. Nous devons redoubler d’efforts pour mener un combat judiciaire qui se passe en France. Mais nous nous organisons collectivement et je représente, aujourd’hui, sept familles de victimes qui n’ont pu faire le voyage. »  

Après l’identification des victimes du naufrage, certaines familles ont pu être retrouvées par l’association Care4Calais et mises en relation avec des avocats. « Mais c’est un combat long et difficile, et même obtenir un visa pour être auditionné dans le cadre de l’enquête a été compliqué, précise Zana Mamand. Je le mènerai jusqu’au bout pour mon frère et ses amis, qui sont décédés dans le naufrage. » 

En août 2021, après avoir trouvé un passeur, le frère de Zana Mamand et cinq de ses amis quittent le nord de l’Irak pour rejoindre, en avion, la Turquie. Deux mois plus tard, il parvient à trouver une place sur une embarcation pour traverser, quatre jours durant, la mer Égée et la Méditerranée. Arrivé le 12 octobre sur une plage du sud de l’Italie, il poursuit son voyage vers Calais, où il arrive le 26 octobre.

Twana Mamand Mohammed. © Document personnel

« Il souhaitait rejoindre notre sœur qui vit en Angleterre, à Sheffield. La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, c’était le soir même de son départ, aux alentours de 22 heures. Il venait de monter sur l’embarcation dans laquelle il a péri. Lorsque le moteur s’est arrêté, mon frère a prévenu les secours mais ils ne sont jamais venus. Il n’a pas été considéré comme un être humain par les secours. » 

Très vite après ce drame, les autorités françaises avaient promis des mesures répressives, contribuant ainsi davantage à la mise en danger des exilés. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin pointait du doigt ces « passeurs criminels qui exploitent leur détresse et leur misère »

Quant à Emmanuel Macron, il affirmait que « la France ne laissera[it] pas la Manche devenir un cimetière », promettant de « retrouver et condamner les responsables ».

L’enquête accable les secours

Mais un an après, les premiers éléments de l’investigation pointent surtout la responsabilité des secours français et soulèvent celle de leurs homologues anglais.

En effet, selon les retranscriptions des échanges téléphoniques entre les passagers de l’embarcation naufragée et les gardes-côtes français du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez, dans le Pas-de-Calais, chargé d’organiser le secours des bateaux en difficulté dans la Manche, le Cross est alerté dès 1 h 48 que l’embarcation est « cassée ». Trois minutes plus tard, à 1 h 51, le centre reçoit sa géolocalisation, laquelle pointe les eaux territoriales françaises.

Comme l’a révélé le quotidien Le Monde, pendant plus de deux heures, de 1 h 48 à 4 h 16, le Cross a reçu plus d’une quinzaine d’appels des passagers de cette embarcation dont celui du frère de Zana Mamand. Pour autant, loin d’envoyer des secours, les opérateurs du Cross les ont laissé périr et cela, allant jusqu’à ironiser sur leur sort. « Ah bah t’entends pas, tu seras pas sauvé. J’ai les pieds dans l’eau, bah… je t’ai pas demandé de partir », commente ainsi l’une des opératrices à la fin d’un appel à l’aide d’un des passagers qui vient d’être coupé. 

Selon des documents que Mediapart a pu consulter, bien qu’aux alentours de 2 heures, le bateau soit toujours en France et que sa géocalisation soit connue, le centre opérationnel de sauvetage ne lui envoie aucun bateau de secours.

Plusieurs éléments dénoncent également la responsabilité des secours britanniques. Ainsi, lorsque l’embarcation arrive dans les eaux anglaises, vers 2 h 30, la Border Force, chargée du contrôle des frontières, annonce envoyer leur patrouilleur, le Valiant, alors à 45 minutes de l’embarcation – patrouilleur qui n’arrivera pas. 

Lorsque les Anglais considèrent que le bateau n’est pas dans leurs eaux, ils informent par email le Cross qu’ils ne prendront pas la responsabilité du sauvetage de l’embarcation. Et inversement. Le Cross refuse même d’envoyer le patrouilleur français, le Flamant, alors disponible et près de l’embarcation qui prend l’eau.

Ainsi que l’explique auprès des enquêteurs l’un des rescapés, Ahmad Shexa, les secours français leur disent d’appeler les secours anglais, le « 999, le numéro des Anglais. […] Mais les Anglais ont dit qu’ils devaient appeler les Français car on était plus près des côtes françaises. Ça a duré entre 2 heures ou 2 h 30, c’était dans la nuit »

À partir du moment où l’on sait qu’une embarcation est en détresse, il faut intervenir sans se poser la question des eaux territoriales.
Matthieu Chirez, avocat

Comme certaines auditions de l’enquête permettent de le retranscrire, après trois à quatre heures de navigation, l’embarcation de fortune a commencé de se dégonfler. Tandis que l’eau s’engouffrait dans le bateau par l’arrière et que le moteur s’arrêtait. Certains passagers tentaient alors d’écoper, en vain, et d’autres alertaient le Cross et leur homologue britannique. « On est en train de mourir, venez nous chercher », suppliait l’un des passagers en appelant les secours. 

À la dérive, le bateau coulait en pleine nuit à quelques kilomètres seulement de bateaux de secours anglais et français. Vers 13 h 49, le 24 novembre, un bateau de pêche découvre des corps, dans les eaux territoriales françaises et alerte alors le Cross. Seules deux personnes ont survécu à ce naufrage. Vingt-sept personnes sont décédées, tandis que quatre dont les corps n’ont pu être retrouvés sont portées disparues.

« À partir du moment où l’on sait qu’une embarcation de migrants est en détresse, il faut clairement intervenir sans se poser la question des eaux territoriales », rappelle auprès de Mediapart Matthieu Chirez, avocat de Zana Mamand et dont le cabinet défend sept familles de victimes.

« Quels sont les moyens qui ont été mis en œuvre par les secours français et anglais, parfaitement informés de la situation de ces passagers ? C’est l’une des réponses majeures que devra apporter l’instruction », indique-t-il avant de conclure que compte tenu des éléments révélés dans la presse ainsi que de l’enquête menée par l’administration et annoncée par le secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, « la responsabilité du préfet de la mer maritime de la Manche et de la mer du Nord, de la direction régionale des affaires maritimes, responsable du Cross, et du navire Flamant peut être engagée et celle des secours anglais pose déjà question ».

 


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