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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Nejma Brahim - 06/12/2022

Début novembre, une exilée iranienne s’est vu notifier une obligation de quitter le territoire français et a été placée en rétention à Toulouse, alors qu’elle avait fui la répression. Le préfet de l’Aude assume sa décision. Le ministère de l’intérieur le contredit.

Peut-on imaginer une exilée iranienne menacée d’expulsion et enfermée en rétention en France, alors qu’elle venait chercher refuge ? C’est ce qu’a vécu Nadia*, une ressortissante iranienne âgée de 41 ans, lorsqu’elle a été interpellée « en situation irrégulière » et placée au centre de rétention administrative (CRA) de Toulouse le 5 novembre dernier, après s’être vu délivrer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) dite « sans délai » par la préfecture de l’Aude.

Selon les équipes de La Cimade, association d’aide aux personnes étrangères qui dispose d’un bureau dans ce CRA, cette exilée avait pourtant participé à la révolution qui secoue l’Iran depuis la mort de la jeune Mahsa Amini en septembre dernier et avait fui la répression féroce du régime, documentée par nombre d’ONG, mais aussi les militant·es, observateurs et observatrices sur les réseaux sociaux.

Après avoir passé deux jours en rétention, c’est finalement le juge des libertés et de la détention qui a choisi de la libérer. Le tribunal administratif de Toulouse doit encore se prononcer sur la légalité de l’OQTF dans les prochaines semaines.

« Nous ne procédons à aucun éloignement vers l’Iran dans le contexte actuel », assure quant à lui le ministère de l’intérieur, sollicité par nos soins. Contredisant ainsi les services de la préfecture de l’Aude.

Dans le centre de rétention administrative de Cornebarrieu près de Toulouse en décembre 2020. © Photo Art Core Ben / Hans Lucas via AFP 

Dans son arrêté, auquel Mediapart a eu accès, la préfecture de l’Aude laisse entendre que Nadia a rejoint l’espace Schengen par l’Italie en octobre, puis la France début novembre, où elle se serait procuré un faux passeport à Paris.

Elle souligne que la ressortissante iranienne aurait dépassé la validité de son visa Schengen – bien que nous ne sachions pas vraiment s’il s’agit d’un visa humanitaire ou touristique – et qu’elle s’est « maintenue sur le territoire français sans être titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ».

J’ai quitté l’Iran car j’ai participé à des manifestations et j’ai été repérée par le gouvernement iranien.
Nadia*, exilée iranienne

La préfecture estime par ailleurs, « après examen approfondi de sa situation », que l’intéressée « n’allègue pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d’origine » et que la « décision qui lui est opposée ne contrevient pas aux dispositions » de cette même convention.

« Il est fait obligation à Mme [...] de quitter sans délai le territoire français pour rejoindre le pays dont elle possède la nationalité », conclut-elle, doublant l’OQTF d’une interdiction de retour sur le territoire d’une durée d’un an.

Selon nos informations, Nadia aurait quitté la France depuis sa libération pour se réfugier dans un pays voisin européen. Nos recherches n’ont pas permis de la retrouver.

Mais ses déclarations à l’agent de police l’ayant interrogée sont claires : « J’ai quitté l’Iran car j’ai participé à des manifestations et j’ai été repérée par le gouvernement iranien. J’étais en quelque sorte recherchée et on m’a conseillé de quitter le pays pour ma sécurité », peut-on lire dans le procès-verbal que Mediapart a pu consulter, dans lequel elle affirme avoir fui l’Iran début octobre pour rejoindre la Turquie dans un camion, à l’aide d’un passeur.

Elle espérait rejoindre Dublin

Lorsqu’on l’interroge sur une éventuelle décision d’éloignement prise à son égard par la préfecture, à destination de son pays d’origine ou d’un pays où elle est « légalement admissible », elle répond qu’elle ne « veut juste pas retourner en Iran ».

Selon nos informations, elle aurait également obtenu un visa début octobre pour un séjour à destination de l’Italie, mais ne l’aurait finalement pas utilisé pour quitter son pays, pour des raisons que l’on ignore. Son mari et ses deux enfants seraient toujours en Iran.

Contactée, la préfecture de l’Aude indique que Nadia « a présenté un passeport s’étant révélé être un faux document ».

« Ce faisant, conformément à la législation en vigueur, elle a été brièvement placée en garde à vue, puis remise aux services de la police aux frontières. Dans la mesure où elle n’a pas pu apporter de preuve d’une présence régulière en France, qu’elle était manifestement sans ressources ou attaches personnelles et familiales en France et qu’elle n’avait pas sollicité l’asile sur le territoire ou au sein de l’Union européenne, conformément à la législation en vigueur, Mme [...] a fait l’objet d’une OQTF et a été placée en rétention. »

En voulant expulser vers un pays où il y a une guerre, une dictature ou la répression, l’État français met sciemment des vies en danger.
Paul Chiron, chargé du soutien et des actions juridiques à La Cimade

La préfecture ajoute que lors de son interrogatoire conduit par les services de la police aux frontières, « elle ne disposait d’aucun document pouvant justifier de son identité, de sa nationalité ou de son parcours migratoire ».

Mais il apparaît malgré tout, dans un autre procès-verbal, que les services de police ont retrouvé trace de sa demande de visa pour l’Italie et du passeport associé, dont les informations correspondent à l’identité qu’elle a déclarée à son arrivée en France. La préfecture a d’ailleurs retenu les éléments correspondant à cette identité pour la rédaction de l’OQTF et était prête à la renvoyer dans son pays d’origine, l’Iran.

Pour Paul Chiron, chargé du soutien et des actions juridiques à La Cimade, la décision de la préfecture est « grave » : « Les motivations avancées par la préfecture sont classiques, du copier-coller pour motiver la fixation du pays de renvoi. Mais ce qui pose problème, c’est l’absence d’examen des risques en cas de retour. Il apparaît flagrant que la préfecture n’a pas étudié la situation de Mme [...] et la situation globale en Iran », déplore-t-il.

Si Nadia disposait de cinq jours pour déposer une demande d’asile depuis le CRA de Toulouse, avec l’aide de La Cimade, et aurait pu prétendre au statut de réfugiée ou à la protection subsidiaire (une autre forme de protection) étant donné la situation dans son pays, elle aurait hésité, notamment parce qu’elle avait l’intention de rejoindre l’Irlande pour y retrouver des proches.

« Elle a clairement dit à nos équipes qu’elle risquait des persécutions en Iran et qu’elle avait fait l’objet de menaces de mort, d’où sa décision de fuir. Mais elle restait très craintive vis-à-vis de la demande d’asile », précise Paul Chiron.

Les préfectures ont selon lui « perdu le sens » de ce qu’elles écrivent. « C’est choquant mais c’est dans la continuité de ce qui se fait depuis quelque temps. On a vu des OQTF délivrées à des Afghans, un ressortissant de la Corée du Nord ou plus récemment à un Syrien. »

Et d’ajouter : « En voulant expulser vers un pays où il y a une guerre, une dictature ou la répression, l’État français met sciemment des vies en danger. C’est par ailleurs complètement à rebours de la politique prônée par Gérald Darmanin, qui dit vouloir être gentil avec les gentils et méchant avec les méchants. ».


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