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Source : médiapart - Berenice Gabriel et Camille Polloni - 07/01/2023

Le 10 août, la préfecture des Alpes-Maritimes a refusé d’accorder des titres de séjour à deux femmes ayant dénoncé leurs anciens proxénètes, au motif que leurs plaintes auraient été classées sans suite par le parquet de Nice. Seul problème : c’est faux.

Queen* et Julia*, 26 ans, ne se connaissent pas. Pourtant, leurs histoires se ressemblent. Ces deux femmes nigérianes racontent avoir été recrutées par des réseaux mafieux dans leur pays d’origine, avoir connu l’horreur en Libye, lors de la traversée en bateau jusqu’en Europe et la prostitution forcée en Italie, avant de s’enfuir en France en 2019. 

Pour autant, l’asile leur a été refusé au printemps 2022. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) met en doute le récit de Julia, jugé « peu circonstancié ». Elle reconnaît à Queen le statut de « victime de traite », mais estime qu’elle n’apporte pas la preuve de sa « distanciation » avec le réseau. Une raison souvent mise en avant par la Cour pour motiver ses refus. 

Sur les conseils de leur avocate, Pauline Soubie-Ninet, Queen et Julia ont dénoncé les faits à la justice française. Dans sa plainte auprès du parquet de Nice, le 3 juin 2022, Julia donne toutes les informations qu’elle possède sur des membres du réseau : noms, prénoms et numéros de téléphone. Le 18 janvier 2022, Queen avait fait de même et donné l’adresse de sa proxénète en Italie.


La préfecture des Alpes-Maritimes à Nice. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Ces deux femmes espèrent qu’en déposant plainte elles obtiendront une protection. Des textes français et européens prévoient en effet de donner des papiers aux victimes de traite qui coopèrent avec les autorités. Leur avocate souligne à quel point il a été difficile pour ses clientes de pousser les portes d’un commissariat, alors qu’elles craignent d’attirer « des représailles » ou « le mauvais œil » sur elles et leurs familles. 

Queen affirme être régulièrement menacée de mort au téléphone par sa « Madame » (sa proxénète) depuis sa fuite en France. « J’ai déposé plainte parce que les menaces c’était trop. Ces gens [les membres du réseau – ndlr] travaillent ensemble, ils ont leurs papiers en Italie, ils vivent bien. Moi je ne dormais pas la nuit. » Julia n’est pas épargnée non plus. Dans sa plainte, elle soutient que « le réseau a continué de menacer [sa] famille, qui se trouve au Nigéria, dès [qu’elle s’est] échappée. Ils sont allés voir [sa] mère pour dire qu’il fallait [qu’elle] recommence le travail, sinon ils allaient prendre [ses] enfants ».  

En mai, Pauline Soubie-Ninet lance une nouvelle demande de titre de séjour auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes au motif qu'elles ont témoigné contre leurs proxénètes. Les deux femmes, jusqu’ici visées par une obligation de quitter le territoire français (OQTF), reçoivent alors une autorisation provisoire de séjour avec permis de travail, le temps que leur demande soient examinées.

Queen scolarise sa fille aînée. Julia et son conjoint se lancent dans des démarches pour inscrire leur fils de trois ans à la crèche. Une vie de famille ordinaire se profile jusqu’au 10 août 2022. Ce jour-là, la préfecture leur refuse à nouveau le séjour et délivre deux nouvelles OQTF, au motif que leurs plaintes auraient été « classées sans suite » par le parquet. Sauf que c’est faux. 

Des OQTF pour « contourner les obligations de l’État »

« J’ai été surprise, j’avais même commencé à travailler dans un hôtel », raconte Queen, invitée à quitter la France avec son mari et ses filles. L'avocate des deux femmes saisit le tribunal administratif pour contester les OQTF. Le 17 octobre dernier, le parquet de Nice remet à Queen une attestation, que Mediapart a pu consulter, sur laquelle il est écrit que « la plainte est actuellement en cours d’enquête ». Contacté le lendemain par Mediapart, le parquet confirme que la plainte de Queen « n’est pas classée mais transmise pour compétence aux Italiens par voie de dénonciation officielle ».

Concernant Julia, le procureur apporte une réponse similaire mi-novembre : « Les faits objets de cette plainte ont été commis en Italie et mon parquet n’a donc aucun critère de compétence. Nous allons donc prochainement dénoncer ces faits aux autorités judiciaires italiennes qui apprécieront les suites à donner. » Celle-ci n’est donc pas non plus classée sans suite. 

Interrogée par Mediapart sur cette contradiction, la préfecture des Alpes-Maritimes botte en touche : « Une enquête a été diligentée, à la suite de laquelle il apparaît qu’il n’existe pas en France suffisamment d’éléments pour caractériser la situation prévue », affirme-t-elle, sans répondre à nos questions sur le « classement sans suite » invoqué dans sa décision et démenti par le parquet. 

Pauline Soubie-Ninet s’indigne de ce « mensonge » préfectoral qui figure « noir sur blanc dans l’arrêté ». Aux yeux de l’avocate, cette information erronée a permis à la préfecture de motiver l’expulsion de Queen et de Julia de leur hébergement le 20 septembre, sans proposition alternative, ce qui les met dans une situation matérielle très difficile. L’avocate y voit une tentative de « contourner les obligations qui sont celles de l’État ». 

Les deux femmes et leurs familles sont hébergées trois jours à l’hôtel grâce à une association, puis chez des proches ou bénévoles. Au bout d’une semaine, le tribunal administratif de Nice ordonne à la préfecture de reloger Queen et ses deux filles. Julia n’a quant à elle aucune solution et se retrouve à la rue. Une situation extrêmement dangereuse selon son avocate, qui identifie « plusieurs risques » : celui « qu’elle soit repérée plus facilement par les réseaux », qu’elle subisse une agression sexuelle ou un viol, voire qu’elle retombe dans la prostitution. 

Le tribunal administratif annule les décisions préfectorales 

Le 8 novembre dernier, Queen peut célébrer une nouvelle victoire. Le tribunal administratif annule l’OQTF, au motif qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce qu’indique le préfet des Alpes-Maritimes dans les décisions attaquées et dans ses écritures, que la plainte de l’intéressée aurait été classée sans suite »

Après quatre mois d’errance dans la rue avec sa famille, l’OQTF au-dessus de sa tête, Julia a également obtenu gain de cause le 29 décembre au tribunal administratif de Nice, avec une formulation quasiment identique : « Il n’est pas établi par les pièces du dossier, contrairement à ce qu’indique le préfet des Alpes-Maritimes dans la décision attaquée, que la plainte de l’intéressée aurait été classée sans suite à la date de cette décision », qualifiée d’« erreur de droit ». Comme pour Queen, le tribunal enjoint à la préfecture d’accorder à Julia une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Pour l’avocate des deux femmes, la posture de la préfecture n’est pas si étonnante. « La traite croise la politique migratoire et on ne veut pas entendre parler de ces victimes. Parce qu’elles sont étrangères, parce qu’elles sont nigérianes, on ne veut pas les protéger. Peu importe ce qu’elles ont subi, peu importent les risques pour elles en cas de remise à la rue, en cas d’absence de protection. Ils les voient avant tout comme des personnes migrantes, pas comme des victimes. » 

Sollicitée de nouveau après les jugements rendus par le tribunal administratif, la préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas répondu aux questions de Mediapart, préférant une simple déclaration : « Conformément aux décisions du tribunal administratif, les intéressées seront convoquées en préfecture d’ici au 15 janvier 2023 afin de compléter leur dossier dans la perspective de la délivrance d’un titre de séjour. »  

Dans son dernier rapport, rendu public en février 2022, le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA), organe conventionnel du Conseil de l’Europe, exhortait « les autorités françaises à prendre des mesures supplémentaires pour que les victimes de la traite puissent bénéficier pleinement du droit d’obtenir un titre de séjour, y compris en raison de leur situation personnelle, en nommant sans plus attendre un référent dans chaque préfecture et en formant à la traite les personnels préfectoraux concernés ».


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