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Source : le monde - Philippe Bernard - 08/01/2023

La « disparition » sociale et médiatique des « enfants d’immigrés qui ont réussi » s’explique par le processus d’intégration « à la française », qui réserve à la sphère privée la question des origines et de la religion. Une invisibilisation qui a de funestes effets, explique Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

L’ennui avec l’éternel débat sur l’« immigration », de retour en France avec l’examen d’un projet de loi au Parlement, c’est que l’écart entre des réalités complexes et les éléments de langage utilisés dans le débat public pour les évoquer ne cesse de s’accroître, au risque de la confusion et de la manipulation.

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« En France, l’intégration des musulmans est un échec. » Ce refrain sonne aujourd’hui comme un constat d’évidence. Les émeutes urbaines de 2005, les attentats de 2012 et de 2015 auraient confirmé l’obsolescence du « creuset français », dont les soubresauts mais aussi la remarquable et ancienne efficacité avaient été décrits et analysés à la fin des années 1980 par l’historien Gérard Noiriel.

L’« intégration », ce mot couramment utilisé pour désigner l’incorporation plus ou moins sereine des immigrés et de leurs enfants à la communauté nationale, longtemps brandie comme un objectif politique, n’est plus en vogue : considéré comme une injonction discriminante par les descendants d’immigrés, le terme se retrouve désormais surtout dans la bouche ou sous la plume de ceux qui, en présentant l’intégration comme une promesse définitivement morte, signifient qu’ils la rejettent au nom de la préservation d’une identité nationale prétendument immuable.

Le mot d’ordre de l’« intégration » est si brouillé que c’est Gérald Darmanin, ministre de la police, qui l’utilise pour « vendre » une disposition censée « équilibrer » le caractère répressif de son projet de loi, un article défendable, mais dérisoire au regard des enjeux : l’exigence de réussite à un examen de français pour la délivrance d’un titre de séjour.

Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés Darmanin et Dussopt sur le projet de loi « immigration » : « Nous proposons de créer un titre de séjour métiers en tension »

Si l’idée – sinon le mot – d’« intégration » a quasi disparu des radars médiatiques et politiques, c’est peut-être que ce processus est partiellement en marche et que « les trains qui arrivent à l’heure » (autrement dit ce qui fonctionne) n’intéressent ni les journalistes ni les élus. En ces temps de tourbillon identitaire où un chroniqueur peut affirmer sur la chaîne CNews que les musulmans « s’en foutent de la République » et « ne savent même pas ce que le mot veut dire », il faut (re)lire la captivante monographie de Stéphane Beaud intitulée La France des Belhoumi. Portraits de famille (La Découverte 2018, rééd. 2020).

« Processus silencieux »

Pendant cinq ans, le sociologue a suivi une fratrie de huit enfants nés de parents immigrés algériens et ayant grandi en France entre 1977 et 2017, dont il retrace les itinéraires. Son récit, digne d’une série télévisée, ne verse pas dans l’eau de rose : il y est question de prison, de drogue, d’échec scolaire, de déchirements sur l’islam et de conflits de loyauté historique et de classe, mais aussi de la solidarité familiale et de l’appui des institutions scolaires et sociales.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « La France des Belhoumi » : entendre l’intégration silencieuse

La famille Belhoumi (un nom d’emprunt) n’a aucune chance de « faire l’actualité » ni d’intéresser un ministre de l’intérieur : les huit enfants d’immigrés ont tous un emploi durable, et leur qualité de citoyen français ne fait aucun doute. En creux, le livre raconte les impasses, les incompréhensions, et montre ce qui ne marche vraiment pas en matière d’éducation et de logement.

Stéphane Beaud établit un fait social aussi important que méconnu : « Le processus silencieux de mobilité sociale ascendante ou d’intégration d’une minorité non négligeable des enfants d’immigrés algériens (et par extension maghrébins) en France. » L’enquête « Trajectoires et origines » de l’Insee et de l’INED attestait, dès 2016, que 26 % des enfants d’immigrés maghrébins ayant un emploi occupent des professions intermédiaires, de cadre moyen ou supérieur. Il suffit de regarder autour de nous, dans les hôpitaux, les établissements scolaires, les maisons de retraite, à la SNCF, à la RATP, dans les syndicats et dans l’armée.

L’itinéraire des « Belhoumi », par la description des pièges et des obstacles que ses membres ont dû déjouer, ne fait que confirmer, a contrario, les mécanismes familiaux, scolaires et urbains qui conduisent une autre fraction des descendants d’immigrés à l’enfermement dans les cités, la drogue et la délinquance.

Incompréhensions

La vague islamiste qui s’est emparée de certains quartiers depuis les années 1990 et a fait basculer dans le djihad des descendants d’immigrés, provoquant une « véritable rupture historique » marquée par une montée de l’antisémitisme, n’est en rien minimisée par la réussite et par l’évidente acculturation française des Belhoumi. Pas plus que leur parcours, très comparable à celui des enfants d’Italiens, de Polonais ou de Portugais des décennies passées, n’invalide le constat d’un grippage du processus d’intégration lié à une ségrégation scolaire et résidentielle croissante et à l’affaiblissement du salariat.

La « disparition » sociale et médiatique des « enfants d’immigrés qui ont réussi » s’explique précisément par le processus d’intégration « à la française », qui réserve à la sphère privée la question des origines et de la religion. Mais cette invisibilisation a de funestes effets. Elle alimente autant les discours victimaires que haineux, et les incompréhensions.

Lire l’analyse de Marc-Olivier Bherer : Article réservé à nos abonnés Michel Houellebecq, la radicalisation à l’extrême droite d’un écrivain à succès

Il suffit de lire la fureur d’une des filles Belhoumi au moment des attentats de 2015, devant ces terroristes qui « ont tout foutu en l’air », alors que « [leurs] parents avaient mis des décennies pour se faire plus ou moins accepter ». Ou d’écouter ces lycéennes issues de l’immigration, éberluées, lors des conférences qui prolongent le livre, de se reconnaître dans le discours d’un « Blanc » comme Stéphane Beaud, parlant de ce qu’elles vivent avec tant de justesse et de nuances, « pas comme à la télé ».

Ou d’imaginer ce que provoquent, dans les familles de culture musulmane, les propos de l’écrivain Michel Houellebecq, affirmant que « le souhait de la population française de souche (…), ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser (…). Ou bien, autre bonne solution, qu’ils s’en aillent ».

 


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