"Deux navires de sauvetage seront manquants en Méditerranée", a regretté dans une vidéo Virginia Mielgo, la coordinatrice de MSF à bord du Geo Barents. L'Italie a refusé d’attribuer à ce navire humanitaire, dimanche 8 janvier, un "port sûr" sur les côtes sud de la péninsule, la zone la plus proche du lieu où l'équipage a secouru 73 migrants la veille.

De même, l’Ocean Viking de SOS Méditerranée, s’est vu lui aussi attribuer un "port sûr" éloigné de sa zone de sauvetage, après avoir sauvé 37 personnes sur un canot à la dérive au large de la Libye, quelques heures avant le Geo Barents. L’équipage va donc devoir débarquer les rescapés à Ancône, le port que lui a attribué l’Italie, situé dans le nord du pays.

Après ces deux opérations de secours, Ocean Viking et Geo Barents se retrouvent donc piégés par la nouvelle loi italienne imposant aux bateaux humanitaires de débarquer les migrants à leur bord dès qu'un sauvetage est mené, sans attendre dans la zone de recherche maritime, comme c'est souvent le cas, qu'une éventuelle autre alerte surgisse. Et dans ces deux cas, les autorités italiennes ont imposé à ces navires humanitaires de se rendre dans un port très éloigné des zones de sauvetage.

"Le ministère de l'Intérieur a rejeté notre demande d'un port sûr plus proche pour le débarquement des 73 survivants à bord du Geo Barents. Le navire se dirige vers le nord", a déclaré dimanche le chef de mission de MSF, Juan Matias Gil. Le Geo Barents, s'est vu, lui aussi attribuer le port d'Ancône.

Dégradation des conditions météorologiques

Or, cette ville située dans le nord de l’Italie est à 3,5 jours de navigation, alors que Catane, en Sicile, ne se trouve qu’à 1,5 jours de la position du navire humanitaire, a souligné l’ONG qui s’est inquiétée de la distance à parcourir, notamment en raison d’une dégradation annoncée des conditions météorologiques et maritimes à partir de ce lundi.

SOS Méditerranée, dont le navire humanitaire Ocean Viking a pris lui aussi la route d’Ancône, partage les mêmes craintes. L'ONG a déploré que ce port "se trouve à 1 575 km de la zone d'opération, soit quatre jours de navigation". L'organisation dit s’inquiéter pour l'état de santé physique et mentale des rescapés, alors que "les prévisions météorologiques se dégradent à partir de dimanche soir", les exposant à "des vents forts et une mer agitée".

Certains des rescapés à bord de l’Ocean Viking souffrent déjà "d'intoxications et de brûlures dues au carburant", subies à bord du canot pneumatique où ils étaient entassés avant d'être secourus. Parmi les 37 migrants secourus, deux sont des femmes et 12 des mineurs non accompagnés.

Sur les 73 rescapés à bord du Geo Barents figurent également 16 mineurs non accompagnés.

Pas de transfert de migrants d'un bateau à l'autre

L'idée d'un transfert de migrants d’un bateau à l’autre, qui aurait permis à l’un des deux navires humanitaires de retourner en Méditerranée centrale au cas où un bateau de migrant serait en détresse, a elle aussi été rejetée, a indiqué Virginia Mielgo dans une vidéo sur Twitter.

En Méditerranée, il est très courant que les navires humanitaires procèdent à plusieurs sauvetages, jusqu'à transporter parfois des centaines de migrants à bord.

Depuis sa nomination en octobre à la présidence du Conseil italien, la dirigeante du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia, Giorgia Meloni, et son gouvernement ont adopté une politique sévère à l'égard des ONG de sauvetage de migrants en mer. Ils les accusent de faire le lit des passeurs et des trafiquants ou encore d'encourager les migrants à tenter la traversée, ce que les associations contestent. Les dernières mesures adoptées par ce gouvernement visent à limiter les activités de sauvetage de ces navires humanitaires en Méditerranée.

La rédaction tient à rappeler que les navires humanitaires sillonnent une partie très limitée de la mer Méditerranée. La présence de ces ONG est loin d’être une garantie de secours pour les migrants qui veulent tenter la traversée depuis les côtes africaines. Beaucoup d’embarcations passent inaperçues dans l’immensité de la mer. Beaucoup de canots sombrent aussi sans avoir été repérés. La Méditerranée centrale reste aujourd’hui la route maritime la plus meurtrière au monde.