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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Marlène Panara - 19/01/2023

Entre l'été dernier et janvier 2023, la préfecture des Ardennes, dans l'est de la France, a prononcé au moins 25 Obligations de quitter le territoire français (OQTF) à l'encontre de jeunes migrants du département, dénonce un collectif local. Des décisions qui stoppent net le quotidien de ces exilés arrivés mineurs en France, et qui ont construit leur vie dans la région.

"Ça m’a fait mal. Vraiment. J’ai eu un coup au cœur." Lorsqu’un éducateur lui annonce par message, en octobre dernier, qu’il a reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), Baba* n’y "croit pas". En France depuis cinq ans, installé à Charleville-Mézières dans l’est de la France, le Sénégalais de 20 ans remplit pourtant tous les critères d’intégration chers aux autorités : une scolarité sans accroc, l’obtention de multiples diplômes - CAP Opérateur logistique, Certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (Caces), diplôme d’études en langue française et certificat de formation général – et surtout, un travail.

Depuis le 6 août 2022, Baba est hôte d’accueil au centre d’hébergement et de réadaptation social "Jamais seul", à Reims. "Mon travail, c’est de vérifier que les personnes âgées vont bien. Si l'une d'entre elles a besoin d’aide, c’est à moi qu’elles s’adressent, explique-t-il. Je contacte ensuite le personnel soignant de garde, en fonction du problème." Le jeune homme travaille uniquement la nuit, de 21 à 5h du matin. "C’est dur mais c’est comme ça. Il faut se battre pour gagner sa vie. Et puis, ça va, les résidents sont vraiment gentils avec moi."

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D’abord embauché en CDD, son employeur, "au vu des qualités" du jeune homme, a voulu transformer son contrat en CDI. "Courtois, respectueux, d’une ponctualité irréprochable", Baba "fait preuve de motivation et de beaucoup de sérieux pour assumer sa tâche", assure son patron dans un courrier adressé au préfet des Ardennes. Mais l’OQTF reçue par le jeune homme, justifiée par un acte de naissance non conforme, a mis un terme à toutes leurs ambitions. "Cette décision, dommageable pour lui l’est également pour nous puisque nous perdons un employé irréprochable."

Des OQTF à l'encontre des figurants de "Tirailleurs"

Une situation ubuesque, mais loin d'être isolée dans la région. Entre l’été 2022 et janvier 2023, "au moins 25 OQTF" ont été prononcées par la préfecture des Ardennes** contre de jeunes exilés, âgés de 18 à 20 ans, d’après le Collectif ardennais pour la défense des jeunes majeurs étrangers. Quatre d’entre eux sont des figurants du film "Tirailleurs", qui dépeint notamment l’ingratitude des autorités françaises face aux soldats africains enrôlés dans la Première Guerre mondiale. "Tragique ironie de l’histoire, et de l’Histoire", s'insurgeait le Réseau Education sans Frontières (RESF) dans un communiqué publié le 4 janvier, jour de la sortie du long-métrage.

 

"C’est la première fois qu’il y a autant d’OQTF dans le département, s’étonne Marie-Laure, membre du collectif, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. Tous les jeunes concernés ont plus ou moins le même profil que Baba : ce sont des exilés encore en études, en apprentissage ou qui travaillent." La plupart des OQTF contestent l’authenticité des actes de naissance, mais certaines sont justifiées par "un échec à un examen". D’après Marie-Laure, la préfecture reproche par ailleurs à l’un des jeunes la précarité de son statut d’intérimaire.

Des décisions "incompréhensibles" qui "tombent pile au moment où les jeunes commencent à prendre leur indépendance", regrette la militante. "Tout cela balaie d’un revers de main tout le travail qu’ils ont fourni jusqu’ici."

"J'ai une vie"

À son arrivée en France à l’âge de 15 ans après un périple qui l’a conduit du Sénégal à l’Espagne en passant par la Mauritanie et le Maroc, Baba ne savait ni lire ni écrire, et ne parlait pas un mot de français. Reconnu mineur quelques semaines plus tard après un test osseux, sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) lui a ouvert les portes de l’école. "La rentrée au collège, c’était très dur, car moi je ne parlais que wolof. J’avais peur, se souvient-il. Mais tout le monde a été très gentil avec moi, et puis dans la vie je suis ouvert, j’aime rencontrer de nouvelles personnes. Je me suis très rapidement fait des amis".

À la fin de l’année de 3e, un de ses professeurs lui suggère de s’inscrire en CAP au lycée professionnel de Sedan, mais de passer le diplôme en trois ans au lieu de deux, à cause de ses lacunes en français. "Je me suis lancé un défi : obtenir le CAP en deux ans comme tout le monde. Je me suis battu et finalement j’ai réussi." Puis Baba a cherché du travail, et a rapidement été embauché, à la résidence pour personnes âgées. "Aujourd’hui je parle français, je sais écrire, j’ai un toit, j’ai un boulot […] Bref, j’ai une vie", écrit-il dans une lettre adressée au préfet pour lui demander de revenir sur sa décision.

En dehors de son travail, le jeune Sénégalais pratique le foot plusieurs fois par semaine au club de Villers-Semeuse, près de Charleville-Mézières où il habite. Il voit aussi, régulièrement, sa "très belle" petite amie qu’il "aime de tout [son] cœur", et sort avec ses amis. "Aujourd’hui, ce sont eux ma véritable famille. Au Sénégal, je n’ai personne", tient-il à préciser.

Comme la vingtaine d’autres jeunes dans son cas, Baba a engagé un recours auprès du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. À ce jour, la justice n’a donné qu’une réponse, favorable, en enjoignant la préfecture à lever son OQTF à l’un des requérants.

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En attendant que le tribunal planche sur son dossier à lui, Baba est rongé par l'angoisse, et s’est complètement renfermé sur lui-même. "Depuis cette OQTF, j'ai tout perdu", souffle-t-il. Le jeune homme ne travaille plus, ne va plus au foot, et ne voit plus ni ses amis, ni sa copine. Personne n’est au courant de sa situation. "Je ne peux pas leur dire ce qui m’arrive, c’est trop dur à avouer. J’ai un peu honte", confie-t-il. Alors, quand il lui arrive de croiser certains d’entre eux à Charleville-Mézières, le jeune exilé "sourit", et "fait semblant". "J’ai très mal à l’intérieur mais je ne dis rien."

*Le prénom a été modifié

**Contactée, la préfecture des Ardennes n'a pas répondu à nos sollicitations.

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