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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - couzy - 24/01/2023

À cause de l'OQTF, j'ai perdu mon travail étudiant. Je me suis retrouvé sans ressources du jour au lendemain, sans rien. C'est très dur, car je cotisais comme tout le monde. Avec ma compagne, on attend une petite fille pour juin prochain. D'ici là, je dois me terrer. J'ai l'impression de vivre comme un rat, j'ai tout le temps peur de tomber sur la police. Je ne suis certes pas Français, mais j'aime la France comme j'aime le Sénégal.

Après lecture de l'échange entre Mme Stella Dupont et Mme Elsa Faucillon sur Mediapart, ce témoignage éclairera sur comment des vies peuvent être détruites à cause d'une décision administrative parfois plus que subjective sans distinction ni écoute.

Je suis arrivé en France à 19 ans dans le cadre de mes études. Cela fait tard mais au Sénégal, les ainés rentrent tard à l'école, croyances populaires obligent. J'avais toujours été très brillant et je n'avais jamais redoublé auparavant. J'étais donc prédestiné à de brillantes études devant me mener à un diplôme d'ingénieur. J'avais eu une pré-inscription pour aller en classe de mathématiques supérieures. Malgré un emploi du temps hyper chargé, j'ai dû travailler pour pouvoir vivre, me loger et avec le peu qui me rester aider de temps en temps ma famille. La difficulté est grande que de cumuler des études qui demandent une concentration maximale et un job étudiant qui empiète beaucoup sur le temps, la santé mentale et physique. Malgré tout, je me ne plaignais pas. J'avais un toit, je mangeais et j'aidais si possible ma famille restée au Sénégal.

Durant mes études, j'ai eu à encadrer une trentaine de jeunes français du collège en première année d'études d'orthoptiste. La plupart étaient en difficultés scolaires en sciences et dans les autres matières. Ils venaient d'horizons divers avec des parents ingénieurs, médecin, infirmières, cadre dirigeant chez ArcelorMittal, etc. Pour les plus âgés, ils s'en sont sortis et aujourd'hui travaillent comme chargé de clientèle affaire chez la BNP, orthoptiste, étudiants dans diverses filières. Je suis fier d'avoir pu les aider à obtenir brevet et baccalauréat, d'avoir pu démystifier les maths pour eux.

Non sans difficultés, j'ai pu décrocher ma licence en mathématiques générales, après un DEUG en mathématiques et informatique. Avant d'avoir un job étudiant stable dans une bonne entreprise, je travaillais comme auditeur d'inventaire. Un boulot très précaire. On faisait de nuit les inventaires de gros magasins Carrefour, Décathlon ou Auchan. Je finissais parfois à 6h du matin, rentrais prendre une douche et enchaînais direct les cours sans dormir. Forcément, le cerveau en pâtissait. Mais je n'avais pas le choix de ne pas travailler.

En 2019, alors que j'étais en master 1 de mathématiques et applications et que je travaillais parallèlement à mes études (20h par semaine, 4 jours par semaine dont les samedi et dimanche), j'ai reçu une OQTF sous 30 jours pour caractère non sérieux des études. Je m'accrochais à mes études bien que ma progression était lente, mais il y avait une raison.

Beaucoup de peur, de tristesse, de honte mais aussi d'incompréhension. Je ne suis pas un délinquant. Je n'ai jamais mis les pieds dans un commissariat ou un poste de gendarmerie de ma vie.

Je suis en France depuis 15 ans maintenant. J'ai quitté le Sénégal, mon pays d'origine à mes 19 ans. Je suis parti de Dakar adolescent, je suis devenu adulte en France en m'y intégrant bien. Je me suis construit ici. La valeur du travail, je l'ai appris ici. J'ai toujours travaillé depuis mon arrivée. J'ai côtoyé des gens qui m'ont tous apporté quelque chose aussi minime que ce soit. Du jour au lendemain, la préfecture voulait que je rentre. J'ai changé, les gens que j'ai laissés là-bas ont changé, le pays a changé. Ma réalité et ma connaissance au moment de mon départ ne sont plus les mêmes que maintenant parce que j'ai eu de nouvelles attentes et les gens aussi attendent autre chose de moi. Ce serait une sorte de nouvelle migration si j'arrivais sans compter le poids du regard des gens d'être revenu en n'ayant pas brillamment réussi mes études comme je voulais et comme c'était écrit.Quand je suis arrivé les cartes ont été redistribués, je n'étais plus dans le cocon familial. Je devais tout faire pour moi. 

À cause de l'OQTF, j'ai perdu mon travail étudiant. Je me suis retrouvé sans ressources du jour au lendemain sans rien. C'est très dur car je cotisais comme tout le monde, même en tant qu'étudiant, j'ai payé jusqu'à 469 euros de taxe d'habitation, le maximum que j'ai eu pour mon studio. J'ai payé la taxe d'habitation jusqu'en 2019. 

Je ne suis pas parti, je suis resté espérant que les choses rentrent dans l'ordre et que je puisse régulariser ma situation mais le tribunal administratif n'a pas annulé l'OQTF comme ça arrive souvent. Je suis resté. Entre temps, il y a eu la pandémie de la covid-19.

Je me terrais car je ne voulais surtout pas avoir une seconde OQTF synonyme d'IRTF.

Entre temps, ma petite sœur est décédée il y a 2 ans, et je n'ai pu l'accompagner dans sa dernière demeure. J'ai l'impression de vivre comme un rat, tout le temps peur de croiser la police ou d'être contrôlé ou de tomber sur un point de contrôle. Beaucoup de personnes de ma famille se posent des questions sur ma non-venue depuis lors. Je pense que certains s’en doutent. Cela rajoute de la peine à mon deuil déjà très difficile. Je devrais vivre avec cela jusqu'à mon dernier souffle. 

Aujourd'hui, même en remplissant les conditions d'une admission exceptionnelle au séjour à cause de mes 10 ans de présence, j'ai peur de le faire car une seconde OQTF entrainera une IRTF et m'ôtera toute chance de régularisation. Avec ma compagne juriste, on attend une petite fille pour juin prochain. D'ici là, je dois me terrer, seulement après ça naissance je pourrais solliciter une régularisation de ma situation. J'ai très peur et je suis aussi triste, car je ne me mérite pas tout ce qui m'arrive. Je tâcherai de l'accueillir du mieux que je pourrai.

Je ne suis certes pas Français, mais j'aime la France comme j'aime le Sénégal, et je ne pourrai jamais choisir parmi les deux car ils m'ont façonné et fait de moi la personne pleine de vertus que je suis. 

Je vous remercie de m'avoir lu même si vous n'êtes pas allés jusqu'au bout.

Je ne suis pas sûr de recevoir une réponse mais j'espère que mon expérience vous édifiera. On n’est pas tous des délinquants, ni des criminels.

 


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