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Source : InfoMigrants - Marlène Panara - 27/02/2023

Exclus du réseau d'accueil d'État en saturation, Fazal, Unduke ou encore Pascal ont trouvé refuge dans les centres d'hébergement gérés par des associations belges. Un soulagement pour ces demandeurs d'asile qui ont connu la rue dès leur arrivée en Belgique.

Fazal* est attablé avec quelques camarades dans cette grande salle transformée en cantine. Devant lui, un petit plateau supporte une assiette vide. "Maintenant que j’ai mangé quelque chose, je me sens mieux", lance-t-il, pouce en l’air. Avant de déjeuner, le jeune demandeur d’asile afghan a pu prendre une douche chaude et enfiler des vêtements propres. Ses cheveux bruns bouclés sont encore mouillés. La veille, Fazal grelotait encore dans le camp de fortune installé le long du canal qui sépare le centre-ville de Bruxelles du quartier de Molenbeek. C’est à cet endroit, en face du Petit-Château, siège de l’agence en charge de l’hébergement des demandeurs d’asile (Fedasil), que survivent depuis le 14 février 250 demandeurs d'asile. Tous ont constitué leur dossier, mais la saturation du réseau belge les prive d’un toit.

Depuis un an et demi, la Belgique s’enlise dans une crise de l’accueil sans précédent. Et ce, malgré la création de 4 000 places supplémentaires en 2022, près de 500 en 2023, et une capacité totale actuelle de 34 000 places. À leur arrivée en Belgique après des mois éprouvants sur la route de l’exil, les hommes seuls se retrouvent donc dehors.

>> À (re)lire : "J'ai cru qu'on allait prendre soin de moi, je me suis trompé" : en Belgique, les demandeurs d'asile victimes de la crise de l'accueil

Dans cette situation, "seules les associations sont en mesure d’agir", déplore Mehdi Kassou, de la plateforme citoyenne d’aide aux réfugiés. "Quand on a vu le fiasco de l’évacuation du squat de la rue du Palais [après cette opération le 14 février, plus de 200 personnes n’ont pas été relogées, ndlr], on s’est dit qu’on devait prendre le relais. Ce n’était plus possible de laisser ça comme ça." Choquée par le sort des demandeurs d’asile forcés de survivre dans la rue, sa plateforme, en collaboration avec d’autres ONG, a ouvert dans l’urgence ce centre d’hébergement à Bruxelles.

Les 22 et 23 février, 100 demandeurs d’asile ont été accueillis dans ce bâtiment dont le lieu est tenu secret "pour la sécurité des occupants". À leur arrivée, ils sont soumis à un examen médical, et ont à leur disposition des douches et des vêtements. Un repas leur est servi et des membres des ONG présentes leur attribuent une chambre, située dans les étages. Dans le petit hall d’entrée, un membre de l’association aidé d’un interprète enregistre les occupants, et leur explique la situation. Ce jour-là, une petite dizaine de demandeurs d’asile afghans leur font face. Certains traînent un grand sac en plastique jaune, où sont entassées leurs affaires de la rue.

 

La plateforme citoyenne d'aide aux réfugiés accueille depuis le 22 février une centaine de demandeurs d'asile exclus du réseau d'accueil fédéral. Crédit : InfoMigrants
La plateforme citoyenne d'aide aux réfugiés accueille depuis le 22 février une centaine de demandeurs d'asile exclus du réseau d'accueil fédéral. Crédit : InfoMigrants

 

Pascal, comme Fazal, est arrivé la veille. Après une semaine à dormir sous une tente, il se dit "soulagé" d’avoir pu avaler un sandwich et voir un médecin. "Là bas [dans le camp], les habitants nous avaient donné des couvertures. Mais ça ne suffisait pas. Si ça avait continué comme ça, j’aurais craqué." Ce demandeur d’asile burundais à la silhouette longiligne a trouvé portes closes à l’Office des étrangers, où il venait d'enregistrer sa demande. "On m’a dit : ‘débrouillez-vous’".

En quittant le Burundi, ce psychologue clinicien avait pourtant une tout autre idée de la Belgique. "Mes amis m’avaient dit qu’ici, les personnes comme moi étaient bien accueillies, que pour avoir des papiers, ça ne traînait pas, raconte-t-il en croisant ses longs doigts sur la table de la cantine. En arrivant, j’ai été très surpris. On vous met dans la rue comme ça… Je n’ai pas compris."

"Tout ce que je veux, c’est me trouver un toit"

Ukunde, 53 ans, partage la même stupéfaction. Originaire du Nigeria, il a passé 25 ans en Ukraine avant de fuir le pays où il avait fondé sa famille, lorsque la guerre s’est déclenchée. Depuis Kiev, il a traversé la Pologne puis l’Allemagne pour la Belgique, pays où il pensait être pris en charge "comme les Ukrainiens". Le 11 octobre 2022, il a demandé l’asile à l’Office des Étrangers. Et s’est retrouvé sur le trottoir.

 

Ukunde, un Nigérian de 53 ans, a trouvé refuge dans un squat au sud de Bruxelles. Crédit : InfoMigrants
Ukunde, un Nigérian de 53 ans, a trouvé refuge dans un squat au sud de Bruxelles. Crédit : InfoMigrants

 

Hébergé quelques semaines par une connaissance, il a ensuite trouvé refuge aux côtés de 51 autres personnes dans un bâtiment désaffecté, ancien siège de la société congolaise d’exploitation minière Gécamines. Situé dans la commune de Watermael-Boisfort, ses bureaux ont été transformés en chambre par le comité de soutien des sans-papiers. À l’intérieur, un espace cuisine a été aménagé, et le chauffage, allumé dans les étages. "Tout ce que je veux, maintenant, c'est me trouver un toit et trouver un travail pour aider mes enfants restés en Ukraine."

De l’autre côté de la ville, plus au nord de Bruxelles, les demandeurs d’asile peuvent là encore compter sur les associations pour trouver un abri. Cinq d’entre elles – dont la plateforme citoyenne d’aide aux réfugiés, Médecins sans frontières et SOS Jeunes - sont réunies au sein du hub humanitaire, quai du port, qui accueille chaque jour les demandeurs d’asile dans le besoin.

 

Le hub humanitaire abrite un centre d'accueil de jour, ouvert sept jours sur sept. Crédit : InfoMigrants
Le hub humanitaire abrite un centre d'accueil de jour, ouvert sept jours sur sept. Crédit : InfoMigrants

 

Ce hangar immense, ancien showroom du concessionnaire PSA, est réparti en deux entités. En premier lieu : le centre de jour, où les exilés peuvent venir se reposer, se nourrir, se laver... Et les services spéciaux, où sur inscription les bénéficiaires ont accès à un médecin, un psychologue, des vêtements et des chaussures, et à une aide juridique. Chaque jour, "800 repas y sont distribués et entre 300 et 400 personnes au total" passent par cet endroit, affirme Fayrouz Lajili, coordinatrice. Beaucoup demandent à être hébergées dans son réseau d’accueil, d’une capacité de 500 places. "Mais en ce moment, il y a du monde, indique-t-elle. Pour les personnes qui demandent une place, il y a 10 jours d’attente."

La voie légale comme ultime recours

Pour parer ce manque de places, et éviter au maximum aux demandeurs d’asile de passer la nuit dehors, l’ONG Vluchtelingenwerk Vlaanderen, elle, privilégie la voie légale. Tous les lundi, mercredi et vendredi, son bureau juridique, le Legal Aid Desk, reçoit les exilés exclus du réseau d’accueil. Actuellement, près de 80 personnes se présentent chaque jour à sa porte, à deux pas du Petit-Château. Avec l’aide d’avocats et d’interprètes, les demandeurs d'asile déposent plainte contre Fedasil et l’État, l’hébergement des demandeurs d’asile étant une obligation légale. Une condamnation est ensuite prononcée par le tribunal, assortie d’une amende de 200 euros pour chaque jour que le plaignant a passé dehors.

D’octobre 2021 à janvier 2023, 6 000 décisions favorables aux demandeurs d’asile ont été prononcées par la cour du Travail. Si jusqu’ici, l’État belge n’a pas respecté les jugements prononcés – les amendes n’ont pas été réglées, et aucune solution d’hébergement n’a été proposée – l’agence Fedasil, elle, a finalement accueilli des requérants.

D’après Benoît Mansy, son porte-parole, "en ce moment, entre 30 et 40 invitations sont envoyées chaque jour à ces personnes". La durée totale de cette procédure, de la dépose de la plainte à l’accueil du demandeur d’asile, est évaluée à quatre à cinq mois.

>> À (re)lire : L'État belge condamné pour sa mauvaise gestion des demandeurs d'asile

D'après Thomas Willekens, chargé de mission au sein de Vluchtelingenwerk Vlaanderen, "la voie judiciaire est aujourd’hui la seule façon d’obtenir gain de cause, surtout pour les hommes seuls. L’État nous oblige à appliquer cette méthode car on ne constate aucune volonté politique pour régler cette crise en profondeur, regrette-t-il. Pourtant les solutions existent : le ministère pourrait ouvrir lui-même un centre d’urgence dans les locaux de l’armée par exemple, ou engager une profonde réforme de son système d’asile".

Des propositions, à ce jour, restées, lettre morte. "En restant sourd à nos revendications, l’État nous condamne à prendre en charge la crise actuelle, peste Mehdi Kassou, alors qu’il est tout à fait capable de le faire : l’accueil des 63 000 Ukrainiens a été fantastique. Nous, on fait ce qu’on peut avec nos moyens, mais quand on sort 100 personnes du camp du Petit-Château, 100 autres viennent s’installer sous les tentes laissées vides. C’est un sparadrap sur une fracture ouverte."

*Le prénom a été modifié

Hub humanitaire, 100 avenue du Port, Bruxelles (ouvert 7j/7)

Legal Desk Aid, 10 Quai au Bois de Construction, Bruxelles (ouvert les lundi, mercredi et vendredi matin)

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