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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : médiapart - Nejma Brahim - 10/03/2023

Le gouvernement britannique a annoncé un projet de loi visant à refuser tout droit aux personnes arrivant dans le pays de manière irrégulière, y compris celui de demander une protection. Vendredi, l’immigration devrait être l’un des sujets discutés à l’Élysée, lors de la rencontre entre Emmanuel Macron et Rishi Sunak.

Le Royaume-Uni s’enfonce chaque jour un peu plus dans le déni des droits des personnes exilées. Après l’idée d’installer des machines à vagues en pleine mer pour repousser les embarcations de migrant·es venant de France, ou encore celle d’installer des centres « flottants » à bord de ferrys hors d’usage pour traiter les demandes d’asile, les autorités ont continué de chercher des « solutions » à ce qu’elles considèrent comme un « problème » : pour freiner les arrivées dites illégales sur son territoire et « stopper les bateaux », le gouvernement a décidé de mettre fin au droit d’asile. Et tant pis si c’est contraire au droit international et à la Convention de Genève relative aux réfugiés.

Dans un discours surréaliste filmé en plan serré et diffusé sur les réseaux sociaux le 7 mars, qui enregistre déjà quatre millions de vues sur Twitter, la ministre de l’intérieur britannique, Suella Braverman, assume de vouloir mettre le holà : « Enough is enough, we must stop the boats » (« Trop c’est trop, nous devons stopper les bateaux »), déclare-t-elle sans sourciller, après avoir précisé que plus de 45 000 personnes ont rejoint le Royaume-Uni en 2022 (soit plus du double par rapport à 2021) en faisant la « traversée dangereuse, inutile et illégale de la Manche ».

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Suella Braverman, ministre de l’intérieur, et le premier ministre Rishi Sunak, au pupitre, lors de la présentation de la future législation sur l’immigration à Londres, le 7 mars 2023. © Photo Leon Neal / AP / pool via Sipa

« Notre système d’asile a été submergé. Nous dépensons aujourd’hui 7 millions de livres par jour pour financer l’hébergement dans des hôtels. Stopper les bateaux a été l’une des cinq promesses faites par le premier ministre au peuple britannique. Et c’est ma priorité numéro un », poursuit-elle, avant d’annoncer une nouvelle loi sur l’immigration qui devrait permettre la mise en œuvre de cet engagement.

En somme, les exilé·es qui viendraient au Royaume-Uni de manière dite illégale ne pourraient tout simplement pas rester : ils seraient enfermés, puis renvoyés vers leur pays d’origine, si celui-ci est jugé sûr, ou vers un pays tiers comme le Rwanda, avec lequel les autorités britanniques ont signé un accord informel pour sous-traiter les demandes d’asile.

Criminaliser les migrants

Mettant en avant l’aide apportée aux Ukrainien·nes depuis le début du conflit il y a un an, ou encore à l’Afghanistan et à Hong Kong, la ministre estime qu’il est « injuste » que les personnes passant par plusieurs pays sûrs durant leur parcours migratoire puissent « passer devant les autres » et « déjouer le système ». Rishi Sunak, le premier ministre, a fait passer le message sur Twitter, plus tard dans la journée du 7 mars, pour rendre ces annonces concrètes. Et l’immigration devrait être l’un des sujets phares discutés vendredi 10 mars à l’Élysée, lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron.

© Rishi Sunak

« Si vous venez au Royaume-Uni illégalement, vous ne pourrez pas demander l’asile, vous ne pourrez pas bénéficier de nos protections contre l’esclavage moderne, vous ne pourrez pas faire de fausses déclarations en matière de droits humains, vous ne pourrez pas rester. »

Voilà qui est clair. En voulant empêcher tout individu de demander l’asile au Royaume-Uni après avoir passé la frontière, les autorités franchissent une ligne rouge en matière d’asile et vont à l’encontre des dispositions de la Convention de Genève relative aux réfugiés, qui imposent aux États signataires d’examiner toutes les demandes d’asile formulées sur leur sol et leur interdisent « d’expulser ou de refouler, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

C’est le principe du « non-refoulement », ici clairement établi, que le Royaume-Uni est donc prêt à bafouer – comme il l’était déjà, en octobre 2020, lorsqu’il envisageait de générer des vagues artificielles au large de ses côtes pour repousser les migrant·es en mer, une pratique qui aurait par ailleurs pu mettre leur vie en danger.

« Un tel emploi de la force non létale par les agents de la police des frontières viole le principe de non-refoulement, avait alors alerté Agnès Callamard, experte des droits humains. Il constitue aussi un emploi excessif de la force parce que les fonctionnaires placent intentionnellement et sciemment des réfugiés ou des migrants dans des situations où ils pourraient être tués ou voir leur vie mise en danger. »

Une tentative désespérée et ignoble d’alimenter le populisme pour quelques voix.
Tanja Bueltmann, historienne

Non content de détricoter le système d’asile en sous-traitant ses demandes d’asile au Rwanda, pays où les droits humains ne sont pas toujours respectés et avec lequel un accord informel a été signé en avril 2022 (lire nos articles ici et ), le Royaume-Uni veut désormais lui asséner le coup fatal. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies, d’ordinaire assez prudent dans ses déclarations, a lui-même alerté dans un communiqué sur ce projet qui pourrait « abolir le droit d’asile au Royaume-Uni » et dénoncé une « violation claire de la Convention de l’ONU sur les réfugiés ».

Les annonces du gouvernement signent ainsi un recul profondément inquiétant en matière de droit d’asile et de droits humains. « Présenter un projet de loi qui punirait efficacement les victimes pour leur propre exploitation est une nouvelle loi très basse, même selon les normes conservatrices, a réagi Tanja Bueltmann, historienne et professeure à l’université de Strathclyde (Royaume-Uni), à l’annonce de Rishi Sunak. Une tentative désespérée et ignoble d’alimenter le populisme pour quelques voix. Cela nuira aux gens et détruira encore plus la réputation du Royaume-Uni. Honte à vous ».

La spécialiste des migrations et de la diaspora accuse la ministre de l’intérieur de « populisme » et de « mensonge » visant à « alimenter la peur et l’anxiété », notamment sur le chiffre de 100 millions de personnes qui pourraient rejoindre le Royaume-Uni en vertu des lois actuelles sur les réfugié·es. « Mais ce chiffre est au moins utile pour une chose : il permet de démystifier l’idée d’une invasion que le gouvernement continue de propager », souligne-t-elle, ajoutant qu’à la mi-2022, le HCR recensait 103 millions de personnes déplacées à travers le monde.

Faire diversion

Il s’agit, pour la moitié d’entre elles, de déplacé·es internes (des personnes qui ne sortent pas de leur pays ou de leur continent), et, pour un tiers, de réfugié·es. Les cinq premiers pays à accueillir ces derniers étaient la Turquie, la Colombie, l’Allemagne, le Pakistan et l’Ouganda. « Cherchez le Royaume-Uni », ironise-t-elle.

« Posture honteuse et diabolisation. Si vous voulez vraiment faire quelque chose, traitez les réclamations plus rapidement et ouvrez des voies sûres », a dénoncé de son côté Kate Nicholl, députée du sud de Belfast et porte-parole de l’Alliance pour la migration.

Le projet de loi annoncé fait aussi mine d’ignorer la réalité des migrations : celle qui pousse des exilés de différentes nationalités à tenter de gagner un pays dont ils maîtrisent la langue, principal levier d’intégration, et où un proche, ou une communauté, peut les attendre et leur venir en aide dans les démarches liées à leur installation et à leur recherche d’emploi. C’est nier, aussi, l’accueil réservé aux exilé·es dans certains pays d’Europe, à commencer par la France, mais aussi les pays de l’Est, où les violences policières sont devenues la norme : un non-accueil qui ne donne clairement pas envie de rester pour déposer une demande d’asile.

C’est nier, enfin, que la politique des visas – en particulier humanitaires – est inefficace et pousse de nombreuses personnes sur les chemins de l’exil, contraintes, après moult refus, d’emprunter des voies dangereuses – qualifiées d’« inutiles » par Suella Braverman, qui laisse entendre que la migration et la traversée de la Manche seraient un choix, sans jamais remettre en cause les politiques migratoires du Royaume-Uni.

Dans un contexte de crise sociale liée à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie, qui s’apparente de plus en plus à une crise politique profonde, il est sans doute plus aisé de trouver un bouc émissaire, bien souvent étranger, pour l’accuser de « déjouer le système ». Quoi de mieux pour détourner l’attention de l’opinion publique des vrais sujets qui animent la société ?

La France n’y échappe pas : Gérald Darmanin nourrit l’amalgame entre étrangers et délinquance, tandis que Gabriel Attal, ex-porte-parole du gouvernement et ministre chargé des comptes publics, a déclaré vouloir conditionner les prestations sociales à une durée de résidence sur le sol français supérieure à neuf mois.

 


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