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Source : InfoMigrants - Louis Chahuneau - 07/03/2023

À 28 ans, Arnaud Yao a connu l'esclavage en Libye avant de traverser la Méditerranée pour atteindre l'Italie. Cet Ivoirien met désormais son leadership et son expérience au service d'un refuge pour migrants à la frontière franco-italienne. Portrait.

Pour ses 28 ans, Arnaud Yao s'est vu offrir un CDI. En janvier, il a été embauché par le refuge pour migrants Fraternita Massi, dans le val de Suse, à la frontière franco-italienne où plusieurs milliers d'exilés transitent chaque année.

Larges épaules, barbe épaisse et tatouages sur le bras, Arnaud Yao est arrivé dans ce lieu en 2021. Depuis, il observe les flux de migrants varier chaque mois au refuge, sans toujours avoir d'explications. "On a moins d'arrivées depuis décembre, on ne sait pas pourquoi. Actuellement, il y a une trentaine de personnes qui arrivent chaque jour en moyenne, surtout d'Afrique subsaharienne et d'Afrique du Nord. Il y a beaucoup moins d'Afghans qu'avant", raconte-t-il à InfoMigrants.

Fondé par le curé de Bussoleno, Don Luigi Chiampo, en 2017, Fraternita Massi sert de halte aux migrants qui espèrent atteindre l'ouest ou le nord de l'Europe. En 2022, 15 000 migrants y ont transité. Le refuge bénéficie d'ailleurs d'une subvention annuelle du ministère de l'Intérieur italien.

Médiateur et polyglotte

Sur la douzaine de salariés du refuge, on compte deux Albanais et un Malien. Arnaud Yao, lui, a été recruté pour sa maîtrise de l'anglais, de l'italien et du français en plus du baoulé, la langue de son ethnie d'origine. "Quand on m'a parlé du refuge, je me suis dit 'Je parle français, j'ai la peau noire, je peux apporter de la confiance à ces gens-là'", explique le jeune homme.

Mais au-delà des langues, ce sont ses qualités de médiateur qui ont séduit la fondation Talita Kum, qui gère le refuge. Arrivé en Italie en 2016, le jeune Ivoirien a rapidement appris l'italien et s'est engagé comme médiateur dans des maisons communautaires et des centres pour demandeurs d'asile où son expérience de la migration s'avère utile pour l'administration italienne.

"La majorité des Africains noirs pensent qu'ils ne sont pas en Europe tant qu'ils ne sont pas en France, raconte Arnaud Yao. Je leur fais comprendre que l'Europe, c'est une question de patience, qu'il faut des étapes pour devenir citoyen italien, mais qu'ils peuvent avoir un avenir ici. Plusieurs fois, j'ai convaincu des personnes de rester, mais parfois, on ne peut pas les retenir de partir en France."

"On était 54 personnes dans une cellule de 15 m2"

Enfant, Arnaud Yao n'aurait jamais pensé quitter son pays pour l'Europe. Issu de la classe moyenne d'Abidjan, il est contraint de fuir la capitale ivoirienne en 2011 quand les violences explosent entre les partisans du président sortant Laurent Gbagbo, et ceux de son rival Alassane Ouattara. Les combats feront plusieurs centaines de morts.

Après plusieurs années d'errance au Ghana et au Niger, où il tente d'intégrer des équipes de football professionnelles, Arnaud Yao reçoit un jour un message de détresse d'une amie. Elle lui explique être retenue prisonnière par son employeur en Libye qui lui réclame une rançon pour la libérer. Ni une, ni deux, le jeune homme rassemble ses faibles économies et part en direction de la Libye, mais les choses ne se passent pas comme prévues : "À peine arrivé à la frontière, je me suis fait dépouiller et voler mes papiers puis emprisonner".

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Pendant plusieurs mois, il est transféré de prison en prison avant d'atterrir à Zaouïa où s'entassent plus de 2 000 détenus. La plupart sont des migrants d'Afrique subsaharienne promis à l'esclavage. "On était 54 personnes dans une cellule de 15 m2, on n'avait même pas la place de déplier nos jambes. Chaque jour, je prenais des coups par les Libyens", se souvient Arnaud Yao.

Il finit par être acheté par un homme d'affaires avec cinq autres migrants pour nettoyer un poulailler : "Je comprenais un peu l'arabe et l'anglais et j'étais devenu le porte-parole du groupe. J'avais pris un prénom musulman donc les chefs me faisaient confiance, mais je savais qu'après ça on reviendrait en prison."

72 heures de traversée en mer

Un vendredi de 2016, Arnaud Yao profite de la prière hebdomadaire pour échapper à ses gardes. Après plusieurs semaines d'errance dans la peur d'être retrouvé, il atteint Zouara, ville côtière à l'ouest de la Libye et point de départ de nombreuses embarcations à destination de l'Europe.

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Il décide de tenter sa chance. La première fois, il embarque avec 124 personnes dans un vieux rafiot qui est finalement intercepté par les gardes-côtes libyens. La seconde fois, le bateau atteint les eaux internationales, mais le moteur finit par lâcher. "Dans ma tête, je faisais mes prières, je demandais pardon à ma mère. Il y avait trop de vagues, des tourbillons dans l'eau et je ne savais pas nager. On n'avait pas de gilets de sauvetage, rien", se souvient-il. Après trois jours à la dérive en plein milieu de la mer, le bateau est finalement récupéré par la marine italienne. "C'est une partie noire de ma vie que je ne pourrai jamais oublier. La mer, c'est un tombeau à ciel ouvert. Le jour où on a été repêchés, il y avait huit bateaux qui s'étaient brisés."

Faciliter l'intégration des migrants en Italie

Le 25 mai 2016, Arnaud Yao débarque finalement à Palerme, en Sicile. Après avoir déposé sa demande d'asile, il intègre un centre de formation pour étudier l'italien et passe un diplôme de responsable logistique à Turin. En parallèle, il débute sa mission de médiateur auprès des autres exilés, qu'il remplit toujours aujourd'hui.

Depuis son arrivée à Fraternita Massi en 2021, le jeune homme continue de fréquenter les centres de formation de football où il a effectué des stages de médiation. Il a même joué comme milieu en 5e division italienne (l'équivalent de Nationale 3 en France). "J'ai toujours rêvé de la vie de footballeur, mais le destin m'a réservé autre chose", raconte ce catholique. Il espère un jour monter une école de football pour les jeunes talents de l'immigration.

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