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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : médiapart - Nejma Brahim- 15/03/2023

Les déclarations du président Kaïs Saïed, fin février, ont alimenté un climat de racisme et de répression contre les migrants subsahariens. Si certains ont préféré rentrer dans leur pays d’origine, d’autres tentent la traversée de la Méditerranée, parfois au péril de leur vie.

« Il y a eu trois naufrages la semaine dernière », souffle Yaha, la voix cassée. Au bout du fil, l’Ivoirienne, basée depuis près de six ans à Sfax, au sud-est de la Tunisie, désespère. Elle regrette de voir les Subsahariens ainsi pointés du doigt par l’État tunisien, accusés d’être à l’origine de violences et de crimes depuis que le 21 février, le président, Kaïs Saïed, a repris à son compte la théorie raciste et complotiste du « grand remplacement » pour dénoncer des « hordes de migrants » venus « changer la composition démographique de la Tunisie » dans le cadre d’un « plan criminel mis en place depuis des décennies ».

Si les propos ont heurté une partie de l’opinion publique, ils ont aussi chauffé à blanc les plus hostiles aux migrants, qui ont vu leur haine légitimée au sommet de l’État et se sont cru autorisés à s’en prendre physiquement, dans les rues de Tunis et d’ailleurs, aux personnes exilées qui passaient par là.

Très vite, des étrangères et étrangers ont fait leurs valises, quittant brutalement un quotidien, une maison, une vie sociale et un travail. « Les gens n’ont pas seulement cherché à rentrer chez eux. Ils ont aussi tenté de partir pour l’Europe par la mer », poursuit Yaha, pilier de la communauté subsaharienne à Sfax, qui aide les proches de disparu·es en mer à les identifier, lorsque c’est possible, en lien avec les ONG.

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Une embarcation utilisée par des exilés échouée sur une plage de Kerkennah, le 9 février 2023. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

Yaha a elle aussi décidé de faire le trajet retour vers la Côte d’Ivoire, qu’elle avait quittée sept ans auparavant. « Je pensais déjà à rentrer avant ces événements, parce que la situation ici était trop instable. Depuis deux ans, je n’arrive plus à renouveler mon titre de séjour en Tunisie, alors que j’ai créé ma microentreprise. Pour nous, les Subsahariens, la Tunisie est devenue une prison à ciel ouvert. »

Les déclarations de Kaïs Saïed et le climat qui règne depuis l’ont convaincue d’acheter ses billets d’avion, et de se résoudre à payer la somme (d’un montant maximal) de 3 000 dinars (environ 1 000 euros), correspondant aux pénalités que l’État tunisien impose lorsqu’il y a irrégularité du séjour – et qui équivaut presque au montant d’une traversée aujourd’hui.

Il y aurait eu, selon Yaha, 73 morts et 63 survivants à la suite des naufrages la semaine dernière. Des chiffres sans doute minimisés, qui ne prennent pas en compte les naufrages dits invisibles, comme le souligne Sophie-Anne Bisiaux. Membre d’Alarm Phone, une plateforme en ligne qui vient en aide aux personnes en détresse en Méditerranée, elle évoque la nuit du 9 mars, durant laquelle « il y a eu énormément de départs ». « On a été appelés plusieurs fois et des personnes ont déclaré être parties parce qu’elles avaient tout perdu et qu’elles n’avaient plus où aller. »

Plus les personnes exilées sont vulnérabilisées ou criminalisées, plus elles prennent des risques dans leur traversée.
Sophie-Anne Bisiaux, membre d’Alarm Phone

Les départs n’ont pas été observés immédiatement après les déclarations de Kaïs Saïed, « parce que dans les semaines qui ont suivi, les exilés ne pouvaient même plus sortir de chez eux ». Depuis, il y aurait moins d’agressions, mais beaucoup ont perdu leur logement ou sont sur le point d’être expulsés, et n’ont plus de ressources pour subvenir à leurs besoins.

La spécialiste des questions migratoires alerte sur les risques que peuvent prendre les exilés subsahariens dans un tel contexte : « Plus les personnes exilées sont vulnérabilisées ou criminalisées, plus elles prennent des risques dans leur traversée, en partant à bord d’embarcations surchargées ou lorsque la météo est défavorable. »

« Je dois partir dans les jours qui viennent. Et si j’avais pu, je serais parti la semaine dernière mais je manquais d’argent », explique Chris*, un migrant camerounais basé à Sfax, qui a déjà tenté la traversée fin 2022.

« Le climat actuel n’est vraiment pas facile. Des amis à moi ont perdu leur emploi du jour au lendemain, d’autres se sont fait dépouiller dans la rue. » Aujourd’hui, dit-il, le seul moyen d’être en sécurité est de sortir en groupes pour éviter d’être agressé. « On a compris qu’on ne pouvait plus rester ici, qu’on devait libérer les lieux. Il va y avoir beaucoup de départs de l’autre côté de la Méditerranée », avance celui qui promet une arrivée « massive » de migrants à Lampedusa le week-end prochain.

stigmatises en Tunisie

Deux jeunes Guinéens attendent, depuis leur maison partagée à Sfax, de pouvoir tenter la traversée pour l'Europe. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

Deux jeunes Guinéens attendent, depuis leur maison partagée à Sfax, de pouvoir tenter la traversée pour l'Europe. © Photo Nejma Brahim / Mediapart

Mais Chris précise que plusieurs de ses amis étaient d’abord venus en Tunisie pour se construire une nouvelle vie, sans avoir l’Europe pour objectif. « Tout le monde parle de partir maintenant, y compris ceux-là. Les Occidentaux se plaignent de voir des migrants arriver chez eux. Mais vu qu’ils sont si attachés à la démocratie, ils devraient se poser des questions sur ce que nous subissons dans nos pays et dans les pays par lesquels nous passons », estime-t-il.

Sophie-Anne Bisiaux constate aussi une hausse des violences de la part de la garde nationale, chargée d’arrêter les embarcations après leur départ, dans les eaux tunisiennes. Celle-ci se serait « félicitée » de confisquer de nombreux moteurs, comme dans la nuit du 9 mars durant laquelle une trentaine d’engins auraient été récupérés en l’espace de trente-six heures, laissant ainsi des personnes dériver en mer durant plusieurs jours et mettant leur vie en danger. Certains exilés seraient aussi, poursuit Sophie-Anne Bisiaux, immédiatement placés en détention après leur tentative manquée de la traversée, notamment un contexte de répression accrue.

« Si on regarde les chiffres, on voit qu’il y a une augmentation assez importante des arrivées en Italie », relève aussi Sara Prestianni, responsable des programmes thématiques au sein du réseau Euromed Droits, anciennement chargée du pôle migration et asile. Les raisons sont « multiples » selon elle : « Il y a d’abord la situation en Tunisie, qui est très inquiétante, après les déclarations du président. Ce climat de terreur généralisé a des effets, qu’on peut observer en se penchant sur les premières nationalités qui arrivent en Italie ces derniers temps, où l’on retrouve des ressortissants de te d’Ivoire et de Guinée. »

La précarité administrative et le manque de cadre législatif permettant aux exilé·es d’obtenir un titre de séjour ou d’avoir accès à des droits avaient déjà un impact sur les tentatives de départ depuis plusieurs années. « Les personnes subsahariennes sont structurellement irrégularisées par l’État tunisien et leur départ prend avant tout naissance dans ce contexte de vulnérabilité juridique », soulignait, avant même les événements récents, le chercheur Camille Cassarini, spécialiste des mobilités africaines en Tunisie.

Sara Prestianni s’en prend aux « fameuses amendes [ou pénalités – ndlr] qui poussent les migrants à prendre la route de la mer plutôt que celle du retour dans leur pays d’origine », et regrette que la seule réponse des autorités italiennes et européennes se résume à « vouloir externaliser le contrôle aux frontières », en missionnant des pays limitrophes « qui ne respectent ni les droits de leurs citoyens ni ceux des migrants » pour qu’ils interviennent en mer et refoulent les personnes exilées qui tentent la traversée. « Ni la Libye ni la Tunisie ne peuvent être considérées comme des ports sûrs. On les y renvoie alors qu’il y a un risque de traitements inhumains et dégradants », conclut-elle.


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