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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : le monde - Julia Pascual - 26/04/2023

Le centre de rétention administrative de Pamandzi a réalisé les trois quarts des expulsions de France en 2022 : 32 000 personnes y sont passées, dont 26 000 ont été éloignées.

Ceux qui y travaillent disent que c’est un lieu « atypique » à bien des égards. C’est d’ici que sont menées les trois quarts des expulsions d’étrangers depuis la France : le centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi, à Mayotte. Dans le département français de l’océan Indien, plus de 32 000 personnes ont été placées en rétention en 2022, d’après les données de la police aux frontières, parmi lesquelles plus de 26 000 ont été éloignées, très majoritairement vers les autres îles de l’archipel des Comores.

Depuis le début de l’année, ce sont encore près de 10 000 personnes qui ont été placées dans le CRA ou dans des locaux de rétention ouverts provisoirement. La lutte contre l’immigration clandestine est devenue une politique prioritaire. C’est notamment l’un des piliers de « Wuambushu », vaste opération de lutte contre la délinquance, l’immigration clandestine et les bidonvilles, que le gouvernement a engagée dans le département.

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Dans l’un des secteurs hommes du centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi, à Mayotte, le 25 avril 2023.

L’actuel CRA de 136 places a été ouvert à Pamandzi, sur Petite-Terre, l’une des deux îles habitées de Mayotte, en 2015. Les gens y restent peu, moins de deux jours le plus souvent, alors que la durée de rétention est en moyenne de vingt-trois jours dans l’Hexagone, d’après le rapport annuel sur les CRA publié mercredi 26 avril par cinq associations, dont la Cimade et France terre d’asile. « Ici, on fait quatre-vingts entrées et quatre-vingts sorties en moyenne par jour », déclare le policier Jean-Pierre Touzeau, l’adjoint au chef du CRA, où Le Monde a pu se rendre mardi 25 avril dans le cadre du droit de visite exercé par le député européen (Europe Ecologie-Les Verts) Damien Carême.

 

Un rythme de rotation effréné qui s’explique notamment par la proximité des Comores – chaque jour, un bateau renvoie les expulsés vers Anjouan, l’île la plus proche – et par le droit dérogatoire de l’île, qui permet aux forces de l’ordre de réaliser des contrôles d’identité sur l’ensemble du territoire. Dans leur rapport annuel, les associations dénoncent en outre « le régime juridique dérogatoire qui (…) permet aux autorités de mettre en œuvre les expulsions sans allouer de délai aux personnes retenues pour l’exercice des voies de recours ».

Hostilité des Comores

La mécanique s’est pourtant enrayée cette semaine. L’opération « Wuambushu » a suscité l’hostilité des Comores, à tel point que, lundi, un bateau avec à son bord trente-six personnes expulsées a dû faire demi-tour, faute d’avoir pu accéder au port d’Anjouan. De même, alors que le gouvernement a fait ouvrir pour deux mois des locaux supplémentaires de rétention pouvant accueillir quarante personnes, le rythme des placements s’est ralenti.

Depuis le 22 avril, les autorités françaises n’ont détecté aucun kwassa-kwassa, les canots de pêche à bord desquels les migrants comoriens tentent chaque jour de rejoindre Mayotte depuis Anjouan, distante par la mer de 70 kilomètres. La préfecture revendique en avoir « intercepté » 571 en 2022 grâce à une batterie de radars et de moyens navals.

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Marcellia, 23 ans, au centre de rétention administratif. Originaire de Madagascar, elle est à Mayotte depuis 2018 avec son fils de 4 ans. N’ayant pas obtenu de papier. Elle a demandé un retour volontaire à Madagascar.

Enfin, les affrontements sporadiques qui ont éclaté depuis plusieurs jours entre les forces de l’ordre et des bandes de jeunes dans plusieurs quartiers de Mayotte ont fait passer la lutte contre l’immigration clandestine au second plan. « On met le curseur sur l’ordre public », confirme le sous-préfet, Frédéric Sautron.

 

Quelque 90 personnes se trouvaient tout de même à l’intérieur du CRA, mardi, dont soixante hommes seuls et dix mineurs en famille. C’est une autre particularité de Mayotte : près de 3 000 mineurs ont été retenus dans le CRA en 2022 – en métropole, la pratique est de plus en plus évitée. « Quand ils arrivent en bateau, ils sont rattachés à un adulte et ils retournent avec la même personne avec laquelle ils sont venus », expose M. Touzeau, alors que la France a été condamnée en juin 2020 par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir, à Mayotte, rattaché arbitrairement des mineurs à un adulte tiers pour les renvoyer.

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Zahari, dans l’un des secteurs hommes du centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi, à Mayotte, le 25 avril 2023.

Zahari Said Omar, lui, a ses deux parents en métropole. Agé de 19 ans, il est né à Grande Comore mais vit à Mayotte depuis l’âge de 6 ans. Il a obtenu un CAP employé de commerce. « Si on m’expulse à Anjouan, je ne connais personne là-bas », nous confie-t-il. Il a été arrêté le 20 avril lors d’un contrôle policier sur la voie publique. « Je n’ai jamais tapé personne, je n’ai pas de casier judiciaire, je cherche juste ma vie », assure le garçon, sans titre de séjour. « En métropole, 80 % des personnes retenues sont des sortants de prison ou ont un passé judiciaire, souligne Jean-Pierre Touzeau. Ici, ce n’est pas le cas, ce ne sont que des pauvres qui essayent de s’en sortir. »

Complexités administratives et règles dérogatoires

Mmadi a, lui, été placé en rétention pour la troisième fois. Ce jeune homme de 20 ans est né à Moroni, la capitale des Comores. Il nous tend d’ailleurs sa carte d’identité comorienne qui en atteste, de même que celle, française, de sa fille Seline, née en septembre 2022 à Mayotte.

A ses côtés, Djéloudi Mhadjou, lui aussi, est né à Mayotte. « Je n’ai jamais quitté le territoire », clame-t-il. Arrêté par la police alors qu’il sortait d’un salon de coiffure, le jeune homme de 19 ans assure n’avoir aucune attache aux Comores. « Il paraît que mon père habite Grande Comore, mais je ne le connais pas, explique-t-il. Ma mère habite à Brest [Finistère] et a un titre de séjour de dix ans. » Après avoir été élevé par sa grand-mère, elle-même partie en métropole il y a deux ans, Djéloudi Mhadjou a été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Majeur, il s’est retrouvé sans papiers. « Il me manquait des documents de ma mère pour faire la demande de titre de séjour », justifie-t-il.

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25042023, Mayotte. Centre de Retention Administrative de Pamandzi en Petite Terre.

Une situation parmi d’autres, qui témoigne de complexités administratives auxquelles s’ajoute un ensemble de règles dérogatoires à Mayotte en matière d’accès au séjour ou à la nationalité française. « Les placements en rétention [en outre-mer] se font très souvent sans aucun discernement de la part des autorités, et les expulsions sans contrôle d’un juge, dénonce par ailleurs le rapport interassociatif sur les CRA. Des personnes pourtant protégées par la loi contre une expulsion en raison de leur vie privée et familiale, de leur état de santé, voire de leur minorité, sont expulsées du territoire en toute illégalité, et sans avoir pu faire valoir leur situation auprès des autorités administratives et judiciaires. » En 2022, trente-cinq obligations de quitter le territoire français auraient été suspendues avec injonction de retour.

 

Marcellia, elle, est déterminée à rentrer à Madagascar. Cette jeune femme de 23 ans, mère d’un garçon de 4 ans, a demandé à bénéficier d’un retour volontaire. Dans le CRA, elle attend qu’on lui annonce un vol pour Antananarivo. Lorsqu’elle est arrivée à Mayotte en 2018, ses grandes sœurs lui avaient fait miroiter la possibilité d’avoir des papiers et du travail. Elle est venue pour accoucher de son fils. Mais elle n’a jamais trouvé ni travail ni papiers. Ses sœurs, elles, vivent désormais à La Réunion.

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