Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : InfoMigrants - Louis Chahuneau - 28/04/2023

La crise sanitaire avait mis en lumière la situation très précaire de milliers de praticiens à diplôme hors Union européenne qui travaillent dans les hôpitaux français pour des salaires dérisoires. Alors qu'une procédure de régularisation lancée en 2019 se termine le 30 avril, elle laisse sur le carreau de nombreux médecins qui réfléchissent déjà à quitter le pays.

Tarek C. le dit lui-même : "Mon avenir professionnel est flou". À 31 ans, ce pharmacien biologiste algérien est venu travailler en France en novembre 2019, notamment pour faire de la recherche à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Pendant deux ans, le jeune homme a travaillé comme praticien attaché-associé, un statut précaire réservé aux médecins étrangers dont l'équivalence de diplôme n'est pas encore reconnue. En janvier 2020, quand les hôpitaux français ont été submergés par les cas de Covid-19, Tarek C. s'est retrouvé en première ligne de la guerre contre le virus : "Certains de mes collègues sont décédés pendant cette période-là", se souvient-il.

Trois ans plus tard, le Covid-19 a quasiment disparu, mais pas les médecins étrangers. À l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), les deux tiers des médecins qui travaillent aux urgences sont des praticiens à diplôme hors union européenne (PADHUE). "Les Français ne veulent plus venir bosser chez moi, c'est un boulot dur et moins bien payé que d'autres services", explique le chef de service Mathias Wargon. Urgences, gériatrie ou encore psychiatrie... On estime actuellement que 30% des postes de praticiens titulaires sont vacants à l'hôpital, désertés par les médecins français.

Il est plus facile de devenir Français que médecin français

Pourtant, le sort de ces PADHUE est actuellement en suspens. À partir du 30 avril, ceux qui n'auront pas engagé ou obtenu une procédure d'autorisation d'exercice (PAE), pour faire reconnaître leur diplôme, ne pourront plus travailler dans les hôpitaux français.

Sur les 23 000 médecins PADHUE que compte la France, plusieurs milliers seraient ainsi menacés. "On va se retrouver avec un personnel qualifié, recommandé par les chefs de service, mais au chômage alors qu'il y a un besoin énorme dans le secteur de la santé avec des services d'hôpitaux qui ferment. C'est une aberration", se désole Tarek C.

Parcours du combattant

Sauf qu'obtenir sa PAE relève d'un véritable parcours du combattant. Les médecins étrangers doivent d'abord constituer un dossier d'une cinquantaine de documents, puis passer les examens de validation des connaissances (EVC), un concours international dont les places sont souvent très limitées. "On a parfois 2 000 candidats pour 15 ou 20 postes", estime Brahim Zazgad, psychiatre algérien et président du syndicat SUPADHUE. Ce qui fait dire au médecin Mathias Wargon qu'il est "plus facile de devenir Français que médecin français".

 

Agnès Firmin-Le Bodo, ministre chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, le 19 avril 2023 à l'Elysée. Crédit : REUTERS/Benoit Tessier
Agnès Firmin-Le Bodo, ministre chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, le 19 avril 2023 à l'Elysée. Crédit : REUTERS/Benoit Tessier

 

Une fois les EVC passés, les lauréats doivent effectuer un parcours de consolidation des compétences de deux ans, à l'issue duquel une commission de spécialistes rend un avis favorable ou défavorable. "On fait 8 à 9 gardes par mois, on travaille jusqu'à 12 heures par jour, comment voulez-vous qu'on ait le temps de préparer ce concours ?", s'indigne le psychiatre algérien Azouaou Ait Hamou, qui juge cette procédure inadaptée et ingrate.

Sous-payés et sans-papiers

"En moyenne, un PADHUE obtient son inscription au bout de 10 à 15 ans", estime la sociologue des migrations Francesca Sirna, chargée de recherche au CNRS. Autant d'années synonymes de statuts précaires, payées au lance-pierre. Même le ministère de la Santé reconnaît à demi-mot le problème : "Nous travaillons actuellement à une simplification de la procédure pour mieux prendre en compte l’expérience de ces praticiens", a-t-il expliqué à InfoMigrants.

À cette précarité du quotidien, s'ajoute la galère pour renouveler son titre de séjour à la préfecture. "Pendant trois mois, je n'ai pas eu de papiers, puis j'ai été maintenu sous récépissés pendant un an. Actuellement, j'ai un titre de séjour jusqu'à décembre 2023", raconte Abdelhalim M., praticien attaché-associé en diabétologie à Nanterre et algérien.

D'autres sont carrément menacés d'expulsion. Dans le Val-d'Oise, Inès M., une pédiatre tunisienne qui travaillait depuis cinq ans dans un centre hospitalier, s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF), comme elle l'a raconté à InfoMigrants. Pour Brahim Zazgad, cette situation peut pousser au burn-out : "C'est un métier qui demande beaucoup de concentration, vous imaginez ce que ça peut donner avec tous ces soucis de régularisation ?".

 

Extrait de l'OQTF reçue par Inès M. le 14 février 2023. Crédit : DR
Extrait de l'OQTF reçue par Inès M. le 14 février 2023. Crédit : DR

 

"Si les médecins se retrouvent dans ce genre de situation, c'est aussi parce qu'il n'y a pas de coordination entre le droit de séjour et l'autorisation d'exercice de la médecine", a reconnu dans une interview au Quotidien des médecins Agnès Firmin Le Bodo, ministre chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.

"Nous sommes les oubliés de cette situation"

En parallèle de cette fastidieuse réforme des médecins PADHUE, le gouvernement a lancé en 2019 une procédure de régularisation dite "Stock", qui doit se terminer le 30 avril 2023. Environ 3 500 médecins étrangers ont déposé un dossier et espèrent en finir avec ce calvaire administratif.

Sauf que les critères de "Stock" - qui imposent d'avoir exercé au moins une journée entre 2018 et 2019 - laissent de côté tous les médecins arrivés pendant la crise sanitaire.

C'est le cas d'Abdelhalim M. arrivé en France en 2020 et qui a enchaîné les stages à Mulhouse, notamment pendant le Covid-19 : "En moins de 2 ans, j'ai fait plus de 300 gardes", calcule-t-il. Aujourd'hui diabétologue à Nanterre, il ne rentre pas dans les critères de la procédure "stock", ce qui le désespère : "Après la Seconde Guerre Mondiale, il n'y a pas eu de reconnaissance envers les soldats des colonies qui ont servi l'armée française, l'histoire se répète avec les médecins : quand la guerre est finie, on nous demande de rentrer chez nous."

Pour leur venir en aide, le psychiatre algérien Azouaou Ait Hamou, et sa consœur, la généticienne Aïcha Boughalem, ont lancé en janvier dernier l'association IPADECC qui revendique 550 adhérents et défend les droits de ces médecins perdus dans les limbes administratives : "Nous sommes les oubliés de cette situation. Des confrères sont décédés pendant la crise sanitaire, et pourtant certains d'entre nous se retrouvent tous les trois mois à la préfecture pour renouveler leur récépissé d'identité."

"Si ça ne bouge pas d'ici là, on partira"

Pour simplifier ce parcours d'une complexité sans nom, le gouvernement réfléchit à la création d'une carte de séjour spéciale "talent-professions médicales et de la pharmacie" dans le cadre de son projet de loi immigration prévu pour 2023, mais dont les contours sont encore flous.

En attendant, nombreux sont les médecins étrangers qui ont déjà renoncé à faire reconnaître leur diplôme. Certains se tournent désormais vers d'autres pays européens, où les procédures d'intégration sont bien plus souples, comme l'Allemagne et la Suisse. "Pour l'instant on a des médecins motivés pour venir en France, mais avec cette lenteur de traitement et la mauvaise publicité de la médecine en France, on ne sait pas si cela va continuer", prévient Brahim Zazgad.

Alors que son titre de séjour se termine dans 8 mois, Abdelhalim M., se pose sérieusement la question du départ : "Mon dossier a été accepté en Suisse, donc il ne me plus qu'à postuler dans les hôpitaux. On réfléchit encore avec ma compagne, mais si ça ne bouge pas d'ici là, on partira."

Et aussi

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter