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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : le monde - Philippe Bernard- 30/04/2023

L’uniformisation à la française voudrait en faire un département lambda. Il s’agit plutôt de négocier sa place dans un espace régional et d’inciter à un développement concerté avec ses voisins, estime, dans sa chronique, Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

S’il y a bien un domaine où un gouvernement qui prétend empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir doit être rigoureux, c’est bien l’immigration. Pas de « déni du réel », comme le dit le président de la République, Emmanuel Macron, mais pas question non plus de rouler vainement les mécaniques, comme vient de le faire, à propos de Mayotte, Gérald Darmanin.

Le ministre de l’intérieur ne pouvait pas rester inactif face au chaos dans lequel est plongée cette petite île de l’océan Indien, entre Mozambique et Madagascar, qui a choisi de rester française en 1974. A Mayotte, cela ne fait pas de doute : la pauvreté et l’insécurité sont liées, entre autres, à l’immigration irrégulière massive en provenance d’Anjouan, île rattachée à l’Union des Comores, Etat indépendant depuis 1975.

Mayotte, c’est un département français avec ses filets sociaux et sa démocratie, situé à 70 kilomètres par la mer d’un pays, les Comores, qui est issu de la même histoire que lui, mais neuf fois moins riche et sous la coupe d’un régime autoritaire. Rien à voir avec le contexte migratoire de la France, comme veut le faire croire l’extrême droite, pour qui Mayotte, où d’ex-colonisés se battent pour rester Français, constitue depuis des décennies une divine surprise, couronnée par les 59 % recueillis par Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2022.

 

Mais le gouvernement, en laissant M. Darmanin se targuer de « rétablir la paix républicaine » par la destruction de bidonvilles et les expulsions de sans-papiers, suggère que l’équation de Mayotte se résume à une simple question de maintien de l’ordre. En réalité, la crise est le produit de près d’un demi-siècle d’un conflit postcolonial jamais réglé et relève d’une action multiforme incluant la diplomatie de la France.

Principe d’autodétermination des peuples

On l’a oublié, mais les choix politiques qui ont mené à cette inextricable situation – une population multipliée par sept depuis 1974, deux naissances sur trois issues de mères venues de l’île voisine – n’allaient nullement de soi. A l’approche du référendum du 22 décembre 1974 sur l’indépendance des Comores françaises, dont Mayotte était l’une des quatre îles, Valéry Giscard d’Estaing avait refusé que le cas de Mayotte – connue pour être profrançaise – soit traité à part : « Est-il raisonnable d’imaginer, avait-il déclaré, qu’une partie de l’archipel devienne indépendante et qu’une île (…) conserve un statut différent ? »

 

Au moment où les résultats du référendum sont proclamés (95 % en faveur de l’indépendance dans l’ensemble de l’archipel), il n’est pas question de prendre en compte la voix singulière des Mahorais (63 % contre l’indépendance). Mais la droite au pouvoir comme les socialistes changent ensuite de position et décident de faire droit à la revendication profrançaise des Mahorais. A l’Assemblée nationale, en 1975, tandis que l’ancien premier ministre Pierre Messmer invoque « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » à l’appui de cette thèse, les communistes fustigent la « politique néocolonialiste » et la volonté de « diviser » une ancienne colonie.

Près de cinquante ans plus tard, on en est toujours là : la France se prévaut du principe d’autodétermination des peuples pour justifier sa souveraineté sur Mayotte, que l’Union des Comores ne reconnaît pas, jouant de l’arme migratoire comme soupape à la misère et aussi pour faire pression sur Paris. « Les Comoriens sont chez eux à Mayotte », a estimé récemment le porte-parole du gouvernement de Moroni qui, depuis lundi 24 avril, refuse de laisser accoster les bateaux d’expulsés que M. Darmanin voudrait multiplier.

Entre-temps, se sont déroulées deux chroniques parallèles : côté Mayotte, une proximité de plus en plus marquée avec la France – culminant en 2009 avec les 95 % de voix favorables à l’accession au statut de département – qui n’enraye nullement une instabilité croissante. Côté Comores, une succession de coups d’Etat où s’est tristement illustré le mercenaire français Bob Denard, et une misère qui conforte le statut d’eldorado de Mayotte. Mais aussi un soutien international marqué par le vote, à l’ONU, contre la France, d’une vingtaine de résolutions affirmant l’unité et l’intégrité territoriale des Comores, conformément au principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.

Intransigeance vis-à-vis de Paris

Arrivé au pouvoir en 1999 par un coup d’Etat militaire, l’actuel président, Azali Assoumani, est, étonnamment, un allié de la France, qui verse l’essentiel de l’aide internationale dont son pays bénéficie. Alors que le chef du minuscule archipel de 1 million d’habitants est courtisé par la Chine et l’Arabie saoudite, son opposition ouverte à l’agression russe en Ukraine, rare en Afrique, lui a valu l’aide de Paris pour accéder, en février, à rien de moins que la présidence de l’Union africaine. Tandis que Moscou – qui s’est prévalu en 2014 de l’exemple de Mayotte pour justifier l’annexion de la Crimée – cherche à profiter du ressentiment antifrançais en Afrique, M. Assoumani a été reçu cinq fois à l’Elysée depuis trois ans.

Mais, faute de structures fiables pour les absorber, le faible décaissement des 150 millions d’euros d’aide française promis aux Comores sur trois ans en 2019 et la colère qu’y suscitent les rapatriements forcés depuis Mayotte à l’approche de la présidentielle de 2024 semblent inciter l’homme fort de Moroni à l’intransigeance vis-à-vis de Paris.

Mayotte, casse-tête migratoire et chaudron social, est aussi une île stratégique pour la France entre Afrique, Asie et Moyen-Orient, sur une route essentielle du commerce mondial dans un monde disputé. L’uniformisation à la française voudrait en faire un département lambda. Il s’agit plutôt de l’inscrire dans son contexte géopolitique, de négocier sa place dans un espace régional et d’inciter à un développement concerté avec ses voisins. Pas simple du tout. Mais ce ne peut pas être l’affaire du seul Gérald Darmanin.

Lire aussi notre éditorial : Le piège de Mayotte
 
 

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