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Source : rfi - Anne Bernas - 28/05/2023

Écrivaine et professeure de français, Maryam Madjidi est née en Iran. Exil, famille, classes sociales, son parcours atypique traverse sa littérature, mais aussi son quotidien auprès des plus démunis.

Les marches de la place de l’opéra Bastille sont vides en ce lundi après-midi venteux de début de printemps. Assise au milieu du gigantesque escalier, une petite femme aux cheveux noirs bouclés, lèvres carmin, sourire à toute épreuve. Maryam Madjidi n’a pourtant pas toujours assumé son physique d’Iranienne.

« L’exil passe aussi par un corps qu’on rejette à l’adolescence ! Les mono-sourcils, les poils, la moustache, les cheveux hyper frisés, le teint mate, tout cela incarnait l’ailleurs, l’étrangeté. Moi, je voulais ressembler à une jeune fille européenne nordique, blonde aux yeux bleus », se souvient-elle en rigolant à pleins poumons. « C’est comme si j’avais intégré en moi une forme de racisme tellement profond que je ne m’en rendais pas compte. L’acceptation de moi-même m’était impossible. »

Contraints à l’exil pour des raisons politiques, Maryam Madjidi et ses parents quittent Téhéran en 1986. La fillette a alors six ans, a vécu la révolution depuis le ventre de sa mère militante et a frôlé la mort. « J’étais heureuse et avais une vie pour le moins normale, mais je sentais malgré tout que quelque chose se tramait, qu’un danger planait au-dessus de nos têtes, se rappelle-t-elle. Il y avait aussi le militantisme de mes parents… »

Avec son père et sa mère, elle laisse alors derrière elle tous les autres membres de sa famille, dont certains connaîtront la prison durant de nombreuses années, et entame un parcours d’intégration. « Le mot "intégration" me gêne, il veut dire qu’on fait entrer quelqu’un dans un moule, mais puisque c’est celui-ci qu’on utilise, alors je dois dire que mon intégration s’est faite par l’école et par l’apprentissage du français. » Dès lors, toute la culture persane de la jeune fille est mise de côté.

Les livres, une respiration

Sa méthode pour « grandir » passe par les mots, l’écriture, un élément fondateur de ce qu’est aujourd’hui Maryam Madjidi. « Il y a la vie et puis il y a les livres », assure-t-elle, souriante jusqu’à en plisser les yeux. En forme de roman autobiographique, celle qui se définit comme Iranienne et Française raconte, dans Marx et la poupée (Prix Goncourt du premier roman en 2017) cet exil de Téhéran, mais surtout son arrivée en France et le sentiment d’être doublement exilée : par l’absence, donc, de son pays où la fillette qu’elle était vivait un quotidien très heureux, mais aussi par le manque de tous ses livres qui lui tenaient compagnie en Iran.

« Je crois que j’ai commencé à écrire vers 9 ans. Des poèmes, des contes, mais aussi mon journal intime. » Un journal intime que l’écrivaine d’aujourd’hui se plaît à relire de temps en temps, qui l’émeut, mais qui la fait aussi beaucoup rire. « L’écriture m’a permis et me permet encore d’alléger des moments qui ont pu être difficiles dans ma vie. Je me disais : "Ce n'est pas grave, il y a l’écriture". C’est une véritable force qui protège. »

S’exposer par les livres, c’est aussi s’assumer, se renforcer face aux lecteurs, et surtout lorsque l’on écrit de manière autobiographique, analyse Maryam Madjidi qui, dans son dernier roman, Pour que je m’aime encore, raconte son adolescence en banlieue parisienne et la difficulté de pénétrer le monde des beaux quartiers de la capitale, et ce, même si l’on est bon élève.

Autre thème qui revient, voire qui submerge, les écrits et la vie de Maryam Madjidi, celui de la famille. « Je ne sais pas si je dois dire "hélas" », dit-elle en rigolant à gorge déployée. « La famille est omniprésente ! C’est autant une source de joie, un attachement très fort, qu’une charge mentale dont on a envie de se débarrasser ! C’est peut-être pour ça que je n’ai pas d’enfants », affirme-t-elle en explosant de rire.

Mais l’écrivaine a trouvé la parade infaillible : quand elle dit qu’elle écrit, on lui « fiche la paix ». Une ruse qui n’est pas sans contrepartie, s’amuse-t-elle à raconter, car « ce prétexte me met en fait une pression pas possible pour écrire ! » Ce n’est donc pas un hasard si le prochain roman de Maryam Madjidi portera moins sur elle, mais sur la vie de l’un des membres de sa famille. Superstitieuse, elle n’en dira pas plus, mais nul doute que le talent de l’écrivaine sera de nouveau à l’œuvre.

L’exil et l’étranger ne sont ainsi jamais très loin chez l’artiste qui a aussi publié deux livres pour enfants sur ce thème. Écrire donc, mais aussi donner le goût de la langue aux autres. « Chaque lieu d’enseignement, c’est comme si j’allais régler quelque chose avec moi-même », confie-t-elle. Une démarche qui pourrait sembler peu altruiste, mais qui l’est pourtant, une sorte de gagnant-gagnant. Et ce n’est pas un hasard si Maryam Madjidi enseigne le FLE (français langue étrangère), d’abord auprès de prisonniers, puis de handicapés moteurs, mais aussi durant des exils en Chine ou en Turquie. Depuis sept ans, elle le fait aux côtés de mineurs non accompagnés au sein de la Croix-Rouge, d’autant que l’écrivaine a un autre thème qui lui est cher et que l’on retrouve dans ses romans : celui de la marginalité et des classes sociales. « Soit on a décidé d'être marginal, soit on le subit. » Ce qui explique aussi son passage par la politique aux côtés du Parti communiste français en 2019.

Couper les ponts, ou pas, avec le pays natal

Rencontrer Maryam Madjidi incite forcément à s’interroger sur le lien qu’elle entretient, à 43 ans, avec son pays natal. « En 2003, je suis retournée à Téhéran, arguant pour raison officielle que je devais trouver en persan des ouvrages du poète Omar Khayyâm et du romancier Sadegh Hedayat pour mon mémoire de littérature comparée. » Ou la littérature comme fil conducteur de la vie de Maryam Madjidi. Le prétexte des livres pour revoir l’Iran et renouer avec sa terre.

Et de se souvenir : « C’était très fort de se retrouver dans un pays où les gens me ressemblaient. J’ai senti une reconnaissance très forte. J’ai alors été révoltée d’avoir dû être une exilée, j’en ai voulu à mes parents. Je ne voulais plus rentrer en France. J’ai complètement déliré. »

Ce n’est qu’à son retour dans l’Hexagone un mois et demi plus tard qu’elle réalise que son pays est bel et bien la France, que c’est là qu’elle s’est construite, que sa langue est le français. Mais « je suis Française et Iranienne, ça ne se quantifie pas, les deux sont en moi partout, tout le temps. » Pour Maryam Madjidi, le retour de l’exilé est à double tranchant et bouleverse tout, comme une profonde remise en question. D’où la question d’un retour possible ou pas. Aujourd’hui, le choix est fait pour la jeune femme : « Je n’y retournerai plus tant que le régime sera celui qu’il est. »


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