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Source : blast-info - Jean-Samuel Kriegk - 29/05/2023

Comment définir la nation française ? Au-delà des poncifs absurdes sur “nos ancêtres les gaulois”, quand le peuple français est-il né et quelle est son identité ? Une bande dessinée de Sébastien Vassant essaye de répondre à ces questions à travers une vaste enquête enrichie de témoignages de Français d’origine étrangère, célèbres et anonymes. Son travail démontre à rebours des clichés que la nation française est jeune (elle s’est inventée avec la IIIe République) et métissée.

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La nation est classiquement définie par l’addition de trois concepts : un peuple, un territoire et une langue. Le nouveau livre de Sébastien Vassant, nourri d’éléments de recherche réalisés par Françoise Davisse et Carl Aderhold pour les besoins d’une série télévisée, démontre qu’en France la question est plus complexe que cela. La définition peut être juridique, démographique ou sociologique. La question est surtout très politique, matière à débat inflammable, et elle évolue avec le temps.

La nation française : un concept mouvant

La dimension historique du débat est parfaitement restituée dans la bande dessinée. Avant la Révolution Française par exemple, ce n’est pas le peuple qui définissait la nation, mais une toute petite partie non représentative de celui-ci : l'aristocratie et le pouvoir royal. Seule cette minorité disposait de véritables droits. C’est à partir de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) - et de l’abolition des privilèges qui l’accompagne - que le concept de citoyenneté englobe toutes les couches de la population française. Mais si l’on considère que la citoyenneté implique la possibilité de contribuer à la démocratie, elle ne devient véritablement universelle qu’avec le vote des femmes en 1944, date où le peuple français préside collectivement pour la première fois aux destinées de sa nation.

Au XIXe siècle, c’est le problème de la langue qui empêche la constitution d’une nation à part entière : les nombreux patois, mais aussi les traditions régionales, empêchent par exemple bretons, basques et auvergnats d’avoir le sentiment d’appartenir à une même communauté. La nation est alors “une abstraction” selon Sébastien Vassant, qui rappelle que jusqu’au milieu du XXe siècle certains quartiers parisiens demeurent de véritables ghettos régionaux.

En 1870, lorsque la France capitule après la victoire de l’armée prussienne, l’annexion de l’Alsace et d’un bout de la Lorraine est acceptée par une Assemblée à majorité monarchiste, ce qui provoque l’insurrection de la Commune de Paris. Cette fragmentation du pays, à l’aube de la IIIe République, est durable. La République ne s’installe durablement, par la pratique institutionnelle, qu’une dizaine d’années plus tard. Il s’agit alors “de franciser avant de républicaniser” le pays, de commencer par “faire des Français”. Beaucoup de mesures sont votées en ce sens : la Marseillaise est adoptée une deuxième fois comme hymne national (elle ne l’était plus depuis 1804), le 14 juillet est choisi comme date de fête nationale, l’école devient gratuite, obligatoire et en français dans tout le pays, et le service militaire devient universel, imposé à tous les hommes sans dispense ni exemption.

Comme le note l’auteur, aucune de ces mesures ne fait consensus : les catholiques veulent une école confessionnelle, les monarchistes refusent la République et les symboles de celle-ci, et certains privilégiés aimeraient continuer à échapper à la conscription. La nation française se construit ainsi politiquement, par le vote majoritaire, à travers les valeurs de la République. Elle finit par s’imposer après un siècle de bouillonnement politique et d’expérimentations institutionnelles.

Une nation construite avec l’immigration

A partir des débuts de la IIIe République, la nation française se développe avec une forte immigration, indispensable pour constituer une main-d'œuvre alors insuffisante pour les grands travaux qui vont faire entrer le pays dans la modernité, à commencer par le réseau de chemins de fer.

La Fabrique des Français de Sébastien Vassant, Françoise Davisse et Carl Aderhold.
Editions Futuropolis

Sébastien Vassant rappelle la dimension massive de l’immigration en France, pendant des décennies : en 1871 par exemple, 1,2 million d’immigrés affluent dans l’année, principalement d’Europe (dont beaucoup d’Italiens que l’on va trouver en nombre sur le chantier de la Tour Eiffel). En 1930, c’est un pic de 3 millions de nouveaux immigrés qui arrivent en France en un an. Cette immigration s’accompagne de nouveaux phénomènes démographiques : exode rural, banlieues et cités dortoirs.

Quand le mot “immigration” intègre le Larousse (en 1888) se construisent les discours nationalistes et fleurissent les partis d’extrême-droite, qui relient déjà l’origine étrangère à la criminalité. Les agressions d’immigrés italiens causent de nombreuses victimes, à grand renfort d’articles attisant les haines dans une certaine presse à grand tirage. Le racisme et l’antisémitisme prospèrent à la fin du XIXe siècle (l’affaire Dreyfus constitue une acmé), suscitant des débats nouveaux sur l’identité française. Cette question est par ailleurs brouillée par l’époque coloniale. Les Algériens par exemple ne sont pas considérés comme des étrangers mais des “indigènes”, à qui la France “offre” la civilisation… mais pas la citoyenneté.

La Fabrique des Français de Sébastien Vassant, Françoise Davisse et Carl Aderhold.
Editions Futuropolis

Quand, à partir de 1914, la première guerre mondiale fauche une génération (la moitié des hommes français de vingt ans y meurent), l’immigration devient plus que jamais une nécessité. Puis à partir des années 1930, la France accueille de nouvelles vagues de réfugiés fuyant les régimes fascistes, espagnol notamment. La xénophobie prospère à cette époque avec la montée des extrêmes droites en Europe. Le gouvernement de Vichy s’affaire à détruire des décennies de législations pour imposer une vision nouvelle et étroite de l’identité française, amenant pour la première fois dans l’histoire de notre pays à des dénaturalisations de Français, parmi lesquels le peintre Marc Chagall. Quant aux citoyens juifs, ils sont persécutés puis déportés en camps d’extermination.

La Fabrique des Français de Sébastien Vassant, Françoise Davisse et Carl Aderhold.
Editions Futuropolis
Un débat inchangé

L’idée de nation française n’a cessé, depuis cette époque, de susciter des débats auxquels se mêlent considérations racistes, débats sur la laïcité, et raccourcis caricaturaux sur les origines chrétiennes de notre civilisation. La droite et l’extrême-droite recyclent de vieux concepts inchangés depuis le XIXe siècle - elles évoquent aujourd’hui un supposé grand remplacement - en feignant d’ignorer que plus du quart des Français sont issus de l’immigration, et même la totalité si l’on s’amuse à remonter dans le temps.

La Fabrique des Français de Sébastien Vassant, Françoise Davisse et Carl Aderhold.
Editions Futuropolis

Les droites oublient aussi que le métissage est constitutif de notre identité, et que notre nation s’est enrichie de cette diversité. Combien d’immigrés ont contribué à construire l’image de notre pays ? D’Yves Montand à Marie Curie, Emanuel Ungaro, Edith Piaf, Joseph Kessel, Josephine Baker, Lino Ventura, Serge Gainsbourg, Albert Uderzo, René Goscinny, Emmanuel Levinas, Romain Gary, Simone Signoret, Zinedine Zidane, Georges Wolinski, Enki Bilal parmi tant d’autres… Beaucoup de ceux qui incarnent aujourd’hui, ici et ailleurs, le “génie” français sont originaires de pays étrangers.

  • La Fabrique des Français, récit et dessin de Sébastien Vassant en collaboration avec Françoise Davisse et Carl Aderhold, éditions Futuropolis

Crédits photo/illustration en haut de page :
Adrien Colrat


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