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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Mediapart - Juliette Keating - 19/11/2018

«8, avenue Lénine. Heureuse comme une Rom en France». Le beau documentaire de Valérie Mitteaux et Anna Pitoun, retrace sur quinze ans le parcours de Salcuta, rom de Roumanie, femme courageuse et puissante. Les réalisatrices montrent par l'exemple qu'un autre discours est possible : celui de la volonté d'accueillir. Revigorant.

 

8, avenue Lénine à Achères (Yvelines). Cette adresse, les enfants s’aperçoivent qu’ils l’ignorent au moment d’envoyer une carte postale à leur mère : c’est la leur. Encore trop fraîche pour leur mémoire, une adresse banale de la grande couronne, l’ancienne banlieue rouge. Gabi et Denisa sont en vacances chez des amis, leur mère Salcuta est restée à la maison : le frère et la sœur lui écrivent sur un coin de table. Scène de la vie ordinaire en été. Ordinaire, ou presque.

Le film 8, avenue Lénine débute sur des images d’archives, une vidéo de 2003 que Valérie Mitteaux et Anna Pitoun ont réalisée lors de la destruction du campement où vivaient Salcuta et ses enfants. On y voit Gabi et Denisa sortir de la caravane 55, embrasser leur mère et se rendre à l’école où les attend de pied ferme leur institutrice. Puis il y a ces images terribles des bulldozers avec leurs griffes articulées dépeçant les caravanes les unes après les autres sur ordre de la Préfecture, les policiers bousculant des Achérois venus protester en vain contre cette expulsion jetant des hommes, des femmes et des enfants à la rue. Scène ordinaire de la vie des familles roms pauvres en France.

Pas si ordinaire. Car, à Achères en 2003, il y a le maire communiste, l’institutrice, et un groupe d’habitants qui sont décidés à ne pas laisser faire ça, pas chez eux. Impuissants à empêcher les expulsions, ils refusent cependant que les enfants et leurs familles retrouvent l’errance forcée, la vie sans domicile et subissent les effets désastreux de l’interruption de scolarité. Gabi et Denisa continueront d’aller à l’école comme tous les écoliers de France. Sur un terrain de la ville situé 8, avenue Lénine, le maire fait installer des caravanes neuves où Salcuta et ses enfants vivront avec un certain confort, l’eau courante et l’électricité, le temps que les papiers se fassent, que la situation de Salcuta se stabilise, qu’elle puisse travailler et, enfin, s’installer dans un appartement.

Valérie Mitteaux et Anna Pitoun ont filmé sur quinze ans Salcuta, Gabi et Denisa que, veuve, elle élève seule. Le grand intérêt de ce documentaire est de montrer par l’exemple que la volonté politique d’un élu de terrain, soutenu par un groupe actif de voisins et d’amis, peut en moins de dix ans, faire passer une famille d’une situation de détresse économique et sociale et d’exclusion à la vie « comme tout le monde ». Cette sacro-sainte « intégration » dont on nous rebat les oreilles, surtout pour reprocher aux familles roms pauvres de la refuser et ainsi justifier leur mise au ban, elle est donc, évidemment, possible à cette condition qu’elle soit voulue par ceux et celles qui en détiennent la clé. L’aide ici, est locale, très individualisée et la solidarité est particulièrement efficace car nul n’a rien à gagner à maintenir la famille dans la misère, bien au contraire. On observe, en passant que, malgré les discours discriminatoires tenus à l’encontre des roms roumains jusqu’au plus haut niveau de l’État, propos que les réalisatrices s’attachent à rappeler en voix off, l’aide apportée aux Roms d’Achères n’empêche pas Alain Outreman d’être réélu jusqu’à la vague droitière qui emporte une bonne partie des maires de l’ex-banlieue rouge en 2014.

Le film a aussi le mérite de laisser la parole à Salcuta et à ses enfants. Salcuta raconte la vie en Roumanie, son exil, son attachement à la France et surtout à la ville qui l’a accueillie sans oublier ni renier ses origines. Avec ses enfants, elle parle de leur rapport aux traditions et à la terre des ancêtres où est enterré son mari. On la suit sur la route la ramenant dans son village natal, où deux vieilles roumaines sur le pas de leur porte marmonnent des propos peu amènes, illustrant en quelques mots l’antitsiganisme trop bien ancré dans la population. Salcuta, femme courageuse qui a choisi le départ plutôt que la mort lente dans une région d’Europe frappée par la pauvreté et que l’on voit apprendre le français, travailler, s’engager dans l’action syndicale, regretter de ne pouvoir encore voter dans ce pays d’immigration qui est maintenant le sien. Le film ne cache rien non plus des difficultés rencontrées, celles de toutes les familles avec en plus les préjugés tenaces défavorables aux Roms, qui peuvent faire d’une simple visite chez le médecin une épreuve terriblement injuste.

On voudrait que ce beau documentaire ne soit plus reçu comme le récit d’une sorte de miracle dans un contexte où la romaphobie est l’expression quotidienne d’un racisme banalisé. On voudrait que dans ce pays, il n’y ait plus besoin de tant d’énergie, de lutte et d’obstination pour obtenir ce qui devrait être si simple : l’accueil de familles qui ne souhaitent que vivre ici, parmi les autres. 8, avenue Lénine, loin de tout misérabilisme, montre qu’un autre discours est possible, celui de la volonté d’accueillir et que, à refuser l’exclusion et les discriminations, chacun s’en trouve grandi.

 

Interview des réalisatrices par Cédric Lépine (2015)

 


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