Source : l'humanité - Emile Leauthier - 17/05/2023
Télévision Armée d’une petite caméra, Elaha, jeune Afghane de 14 ans, filme son quotidien de réfugiée. Un journal intime qui raconte les peurs et les espoirs, documenté avec humanité.
« C elui qui n’a pas émigré ne peut pas comprendre la notion de survie. » En octobre 2018, Elaha est contrainte de quitter l’Afghanistan avec son père, sa mère, ses sœurs et ses frères. « Il y avait la guerre. Les talibans tuaient des gens. On a vendu tout ce qu’on avait avant de prendre la route de l’Europe. » La jeune adolescente de 14 ans décide de s’équiper d’une petite caméra afin de filmer son quotidien sur les sentiers tortueux et accidentés de l’exil. Un long chemin qui la mène au camp de Moria, sur l’île de Lesbos.
malgré tout Des moments de joie, des rires et des danses
Les images captées montrent la promiscuité, la crasse, les enfants qui jouent au milieu des ordures, les familles qui survivent dans des abris de fortune, la faim qui tiraille les corps, la fatigue qui creuse les visages. « Je filme pour que le monde voie ce qu’il se passe et découvre. » Dans tout ce malheur subsistent malgré tout des moments de joie, des rires et des danses, des projets. Elaha monte une école de fortune afin d’enseigner l’anglais aux plus jeunes, pour que l’espoir continue d’éclairer les regards. « Quand je tiens la caméra, ça me donne de l’espoir. Je sens que je peux tout surmonter. »
« On ne sait jamais où on va. On ne sait rien de notre destin. » En septembre 2020, un incendie ravage le camp. Au bout d’une interminable attente, Elaha et sa famille obtiennent enfin un laissez-passer pour quitter l’île de Lesbos, destination un foyer isolé à la frontière avec l’Albanie.
À nouveau, l’attente et son cortège d’incertitudes. Les mois passent, sans perspective ; l’hiver succède à l’automne. Des nouvelles amitiés se créent. Comme au camp de Moria, Elaha improvise une école. Puis c'est le départ pour Athènes et l’installation dans une bicoque. L’espoir jaillit à nouveau, avant de faire place à la désillusion.
Car, au sein de la capitale, la famille survit difficilement et s’endette pour payer le loyer. Lors d’une scène particulièrement forte, la mère fait part de ses envies suicidaires. L’horizon finit par s’éclaircir, quand le clan embarque pour l’Allemagne. Aujourd’hui, après quatre années d’errance et 7 000 kilomètres parcourus, Elaha, Sahar, Neda et Sahab vivent avec leurs parents dans un pays en paix et vont à l’école. Un film précieux et bouleversant, qui porte en lui un message essentiel : « En tant que jeune Afghane, je veux montrer qu’on est tous pareils et qu’on ne doit pas avoir de haine parce que nous sommes tous des êtres humains. »