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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le Monde - Julia Pascual - 9/12/2019

Chaque année, l’administration refuse ou supprime à des milliers de demandeurs d’asile le bénéfice des conditions matérielles d’accueil, qui leur ocroient un logement et une allocation.

Il a du mal à se faire comprendre. Dans le bureau du centre social de la porte d’Aubervilliers, au nord de Paris, voilà plusieurs heures qu’un bénévole de la Ligue des droits de l’homme (LDH) étudie sa situation. Wahid (le prénom a été modifié) ne parle pas français. Ce demandeur d’asile érythréen de 25 ans explique, entre deux quintes de toux, qu’il dort dans la rue. Cela n’a pas toujours été le cas.

Lorsqu’il est arrivé en France, il y a sept mois, Wahid a été orienté vers un centre d’hébergement dans le Cher. Comme tout demandeur d’asile, il a eu droit à une aide financière de 6,80 euros par jour. Jusqu’à ce que, cet été, il s’absente plusieurs jours, pour se rendre à Paris « faire des courses ». A son retour, « le directeur du centre m’a dit que je n’avais pas le droit de rentrer », raconte-t-il. Pour s’être absenté de son lieu d’hébergement, Wahid a perdu le bénéfice des conditions matérielles d’accueil (CMA) offertes aux demandeurs d’asile, y compris son allocation de subsistance. « Ça fait des mois que je suis sans toit et sans argent », dit-il, implorant de l’aide.

« On n’a pas de décision écrite, donc on ne peut rien contester devant le tribunal, note le bénévole de la LDH, Pierre-Antoine Cazau. On va écrire à l’OFII [Office français de l’immigration et de l’intégration] et si, au bout de deux mois, on n’a pas de réponse, on pourra faire un recours. »

« La plupart ne comprennent pas ce qui leur arrive »

En attendant, Wahid est invité à trouver un avocat dans le Loiret, pour faciliter ses démarches devant le tribunal administratif d’Orléans. Le voilà parti pour attraper un train, sans argent. Il dormira à la gare d’Orléans, avant d’aller toquer à la porte d’associations le lendemain. Le jeune homme a déjà passé trois ans en Allemagne, où il n’a pas obtenu l’asile.

« Il ne voit pas le bout de cette situation », explique Pierre-Antoine Cazau. « Il est en panique, ajoute un autre militant associatif, qui a reconnu Wahid. J’ai dû bloquer son numéro parce qu’il m’appelait jusqu’à vingt-cinq fois par jour pour me demander de lui fournir des tentes ou d’appeler l’OFII. »

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Dans le centre social qui jouxte les campements de migrants de la porte d’Aubervilliers, des demandeurs d’asile se présentent chaque semaine parce qu’ils ont perdu leur hébergement et leur allocation. Ils tendent aux bénévoles des liasses de documents administratifs, protégés de la pluie par des petites pochettes en plastique.

Leurs situations sont kafkaïennes. « La plupart ne comprennent pas ce qui leur arrive », constate Victor, membre de l’association Utopia 56, rencontré lors d’une maraude, un matin de décembre, porte d’Aubervilliers. Ce jour-là, Mohammed, 36 ans, cherche de l’aide. Cela fait deux ans que ce Somalien dort à la rue. Lorsqu’il a voulu demander l’asile, il a été placé sous procédure Dublin, parce que ses empreintes avaient été enregistrées dans un autre Etat membre de l’Union européenne.

La France n’attribue pas de bonnes conditions d’accueil « en espérant que les gens aillent s’installer ailleurs ».

Le règlement de Dublin prévoit que la France peut le transférer dans l’Etat responsable de sa situation (dans un délai maximum de dix-huit mois). En se soustrayant à son transfert, Mohammed a été sanctionné en perdant le bénéfice des CMA. Au terme des dix-huit mois d’attente, en mars, la France a dû enregistrer sa demande d’asile. Mais Mohammed n’a récupéré ni allocation ni hébergement.

« Ça a toujours été la politique de la France que de ne pas attribuer de bonnes conditions d’accueil en espérant que les gens aillent s’installer ailleurs », croit Caroline Maillary, du Groupe d’information et de soutien des immigrés.

En 2018, l’OFII a suspendu, retiré ou refusé des CMA à 37 274 reprises. Dans près d’un cas sur deux, il s’agissait de demandeurs d’asile « dublinés » qui ne s’étaient pas rendus à un rendez-vous en préfecture ou en commissariat (la plupart du temps, de crainte d’être transférés dans un autre Etat membre, le plus souvent l’Italie ou l’Allemagne). Une importante opération de contrôles – consistant à suspendre les CMA à ceux qui ne répondaient pas à une demande d’information par courrier – a aussi permis d’interrompre près de 11 000 CMA.

D’autres motifs ont également été invoqués, tels que des dépôts de demande d’asile tardive (après quatre-vingt-dix jours de présence en France), des demandes de réexamen ou encore des refus d’une proposition d’hébergement ou des abandons de ces lieux d’hébergement.

Explosion des contentieux

Fin novembre, plus de 23 600 refus ou suppressions de CMA ont été dénombrés. Le contentieux juridique qui en découle, lui, explose. Les recours contre l’OFII sont passés de 3 300 en 2018 à plus de 5 600, fin novembre 2019. Si l’OFII explique gagner 70 % de ces contentieux, le socle juridique sur lequel il fonde ces décisions n’est pas encore stabilisé. En juillet, le Conseil d’Etat a retoqué partiellement des dispositions de la loi Collomb de 2018 qui prévoyaient des cas de retrait automatique des CMA. « La loi a tenté de nous éviter des procédures lourdes, analyse ­Didier Leschi, le directeur de l’OFII. Le Conseil d’Etat nous oblige à revenir à du contradictoire, avec des courriers papier et accusés de réception pour garder la trace des échanges devant les tribunaux ­administratifs. »

Le 12 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré qu’un « comportement violent » ou un « manquement grave » au règlement d’un centre d’hébergement ne justifiait pas le retrait des CMA car cela était « inconciliable avec l’obligation de garantir au demandeur un niveau de vie digne ». Aujourd’hui, explique le directeur de l’OFII, « la seule sanction possible est d’exclure de l’hébergement et de minorer l’allocation, mais plus de la supprimer totalement ».

Impératifs budgétaires

Alors qu’un demandeur d’asile sur deux n’est pas hébergé, faute de place dans les structures, Caroline Maillary voit dans la célérité des autorités une volonté de « faire de la place, y compris pour des motifs arbitraires ».

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Un constat que dément Didier Leschi : « Les personnels des centres sont confrontés à de plus en plus d’incidents violents ou d’incivilités, d’où l’importance de pouvoir les sanctionner afin de maintenir la qualité des lieux de vie », dit-il. « C’est vrai que les situations sont compliquées mais c’est dû à l’absence de prise en charge adaptée, défend Thomas Berteigne, président de la LDH dans le 18e arrondissement de Paris. Il faudrait des chambres individuelles, des suivis psychologiques ou infirmiers. »

Les interruptions d’allocation ont généré 24,7 millions d’euros d’économies en 2018.

Des besoins difficilement conciliables avec les impératifs budgétaires qui pèsent sur l’asile comme sur la dépense publique en général. Actuellement, 152 000 demandeurs d’asile perçoivent l’allocation de subsistance. Le budget consacré à cette aide était de 417 millions d’euros en 2018 et devrait atteindre les 500 millions d’euros en 2019.

Les interruptions d’allocations, elles, ont généré plus de 7 millions d’euros d’économies en 2017 et 24,7 millions d’euros d’économies en 2018. Grâce à quoi, « l’augmentation de la dépense n’est pas proportionnelle à l’augmentation de la demande d’asile », note Didier Leschi. Le gouvernement table en 2020 sur près de 100 millions d’économies.


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