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Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Le monde - Juliette Bénézit - 04/01/2021

Entre 400 et 800 migrants vivotent sur des campements de fortune dans le Calaisis. Ces dernières semaines, les associations disent avoir constaté plusieurs cas d’hypothermie et des évacuations « sèches », sans proposition de prise en charge par les autorités.

Ali a 19 ans et le regard vide. « Vous voyez où on vit ? Qu’est-ce que je peux vous dire ? », lâche le jeune Erythréen. Il jette un coup d’œil autour de lui : à Calais (Pas-de-Calais), sur ce campement qui regroupe 100 à 200 personnes en bordure de la ville, les tentes baignent dans la boue et les mouettes picorent des restes de nourriture.

Au milieu du terrain vague où ils sont installés, des petits groupes de migrants se sont agglutinés autour de deux feux de camps. Yemane, un autre Erythréen, âgé de 25 ans, constate, désabusé : « On vit à la rue, avec le froid et la pluie. » Lui est à Calais depuis deux semaines. Comme pour ses camarades, le seul espoir vient de la rocade portuaire que l’on aperçoit en hauteur. Sur l’autoroute, quelques camions filent vers l’Angleterre.

Entre 400 et 800 migrants – principalement des Soudanais, des Erythréens, des Ethiopiens, des Afghans et des Pakistanais – vivotent sur des campements de fortune dans le Calaisis. Ces dernières semaines, les associations disent avoir constaté plusieurs cas d’hypothermie et des évacuations « sèches », sans proposition de prise en charge par les autorités. L’association Utopia 56 rapporte notamment le cas d’une trentaine de mineurs isolés laissés sans tente et sans aucune forme de protection à l’approche de la tempête Bella, le 26 décembre 2020.

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« On connaît, depuis plus d’un mois, un rythme effréné d’expulsions et une hausse des violences policières », affirme Juliette Delaplace, du Secours catholique. Bien souvent, les tentes des exilés sont confisquées, parfois lacérées. Des affaires – comme des couvertures – font également l’objet de saisies par les forces de l’ordre. Mercredi 30 décembre, deux journalistes indépendants, Louis Witter et Simon Hamy, ont saisi la justice après s’être vu refuser l’accès à des opérations d’évacuation.

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En démantelant les campements, les autorités souhaitent éviter par tous les moyens les « points de fixation »

AIMÉE THIRION POUR « LE MONDE »

Eviter les « points de fixation »

A l’approche du Brexit, les contrôles policiers avaient été renforcés. La préfecture du Pas-de-Calais a recensé 2 889 tentatives de passage par camion fin décembre 2020 contre 1 400 l’année précédente à la même période. François Guennoc, président de l’Auberge des migrants, estime néanmoins que le « durcissement de la politique de l’Etat » est antérieur et date de « l’arrivée de Gérald Darmanin au ministère de l’intérieur ».

La préfecture du Pas-de-Calais assure, de son côté, que « des mises à l’abri sont proposées quotidiennement dans des centres d’hébergement du département ». A Calais et à Grande-Synthe (Nord), le modus operandi fait d’évacuations régulières n’est pas nouveau. Depuis le démantèlement de la « jungle » de Calais en 2016 – qui avait réuni jusqu’à 10 000 personnes –, les autorités veulent éviter par tous les moyens les « points de fixation ».

Le 23 décembre, c’est le tribunal administratif, saisi par la municipalité, qui a enjoint aux quelque 80 personnes vivant sous les ponts du centre-ville de quitter les lieux. Si le tribunal reconnaît des « conditions de sécurité et de salubrité particulièrement dégradées », il estime que « l’Etat a prévu en novembre 2020 et met en œuvre à Calais un dispositif humanitaire en faveur de la population migrante, garantissant notamment une mise à l’abri, une prise en charge des mineurs isolés, un accès aux soins et à des structures sanitaires ainsi que la distribution de repas ».

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D’après les données fournies par la préfecture, sur les 1 680 personnes migrantes mises à l’abri depuis le 5 novembre, seules 404 sont encore présentes dans les centres dédiés. « A Calais, le nombre de personnes qui sont “dublinées” [selon le règlement Dublin, une personne ne peut demander l’asile que dans le premier pays de l’Union européenne où elle a été enregistrée] ou déboutées est très important », rapporte Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Une grande partie des exilés présents se savent sans avenir administratif en France et se retrouvent aussitôt à la rue, cherchant un nouveau bout de terrain où s’installer, parfois à quelques dizaines de mètres seulement d’un ancien campement. Mohamed, 25 ans, a été délogé du sien le matin où nous le rencontrons, le 30 décembre. « On va chercher un autre endroit, je ne sais pas trop où », dit-il.

L’Angleterre, dernier espoir

Loin de représenter un eldorado, le passage en Angleterre sonne comme le dernier espoir d’un projet migratoire qui n’a trouvé en Europe que des portes closes. « Si on pouvait rester en France, on resterait, mais ça ne marche pas », dit Hamed, 28 ans. Lui est arrivé du Soudan il y a deux ans. Depuis que sa demande d’asile a été rejetée, il erre à Calais de campement en campement, attendant le camion qui lui permettra de passer de l’autre côté de la Manche. « Là-bas, ce sera mieux », veut-il croire.

Installé sur une zone industrielle dans une ville voisine de Calais, à Coquelles, un autre Soudanais, âgé de 28 ans, est dans une situation similaire. L’homme – qui a souhaité garder l’anonymat – a été débouté de sa demande d’asile après plusieurs années de procédure. Il regarde, dépité, la tente où il dort et il explique qu’il n’a « plus d’autre choix que l’Angleterre ». Il tient dans ses mains un morceau de brioche qui fait office de dîner. « On mange ça tous les jours. Et c’est le seul repas de la journée. Depuis une semaine, les associations ne viennent plus ici », souligne-t-il.

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Dans un camp d'Erythréens le long du mur végétal construit aux abords de l'A16, à Calais, le 30 décembre.

AIMÉE THIRION POUR LE MONDE

A la mi-décembre, des rochers ont été posés à proximité d’un lieu de distribution alimentaire, compliquant la venue des associations, y compris celles agréées par l’Etat. Régulièrement, à Calais, de nouveaux grillages surmontés de barbelés voient le jour pour éviter que des campements se reconstituent. Des pans de végétation sont rasés, poursuivant le même objectif. « Il y a, derrière tout cela, une logique de dissuasion. En réalité, ces obstacles à l’infini pèsent sur tout le monde, ne dissuadent personne et alimentent le désordre », estime un fin connaisseur du dossier.

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Dans le camp dit « BMX », un jeune Erythréen arrivé là depuis un mois.

AIMÉE THIRION POUR LE MONDE

En plein hiver, l’usure psychologique est latente. Abdelbaset ne cesse de le répéter : il a « 24 ans seulement », est « en train de perdre son temps » et de « ruiner [sa] vie ». Cela fait maintenant quatre ans que ce Soudanais a rejoint l’Europe. Sa demande d’asile a échoué en Allemagne ; il a atterri à Calais il y a huit mois. Il a déjà tenté en vain la traversée par la mer, a payé 500 euros pour embarquer sur un bateau surchargé, puis s’est rabattu sur les camions.

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En attendant « d’étudier la politique, l’économie ou l’informatique », puis « d’avoir juste une vie normale, avec un métier, une femme et des enfants », il est à la rue. « Ici, c’est difficile, on dort dehors, c’est sale. La police te réveille à 5 heures du matin et prend ta tente. » Il poursuit, désarçonné : « Quand je parle à ma famille, je leur dis que ça va alors que ça ne va pas du tout. »

 

 


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