Inscription au Bulletin  bulletin icon    Notre page FacebookNotre page Twitter  Bonjour Visiteur

Fermez les Centres de Rétention !

La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Nejma Brahim - 01/02/2021

Germaine* a été secourue par le navire humanitaire lors de sa seconde tentative en Méditerranée. À la première, le 20 janvier, son embarcation en détresse avait été interceptée par les garde-côtes libyens. Enceinte de presque deux mois, violentée par des passeurs, elle a perdu son bébé.

Ocean Viking s’apprêtait à leur porter secours lorsque les équipes de SOS Méditerranée ont appris qu’ils avaient été interceptés par les garde-côtes libyens, mercredi 20 janvier. Une cinquantaine de migrants, repérés par les avions de reconnaissance de l’association Pilotes volontaires et de l’ONG Sea-Watch dans la matinée, ont été renvoyés à Tripoli, en Libye, et placés en détention.

« J’étais à bord de cette embarcation », confie Germaine*, assise aux côtés de Stéphane, son fiancé, dans l’un des conteneurs aménagés en abri pour les migrants secourus en mer, à bord de l’Ocean Viking. La jeune femme a été secourue par le navire humanitaire alors qu'elle tentait la traversée une seconde fois. Une profonde tristesse se dégage de cette Camerounaise âgée de 25 ans, qui préfère se couvrir la tête d’une fine couverture pour rester à l’abri des regards.

« J’ai quitté mon pays sans le dire à mon fiancé. Il était parti un an plus tôt, car il était en danger au Cameroun », raconte-t-elle d’une voix usée. Germaine ne le prévient que trois semaines plus tard, lorsqu’elle rejoint le Nigeria et trouve un groupe de Camerounais pour faire la suite du trajet ensemble. « Nous étions une soixantaine. Nous sommes passés par le Niger et l’Algérie, le tout en l’espace de quatre mois.

Germaine* et son fiancé Stéphane, dans l'un des abris de l’« Ocean Viking ». © NB
Germaine* et son fiancé Stéphane, dans l'un des abris de l’« Ocean Viking ». © NB
 

À son arrivée en Libye en décembre 2020, où Stéphane l’attend, elle et plusieurs autres membres du groupe sont « kidnappés » par un homme qui les piège en se faisant passer pour un passeur. Le groupe est enfermé dans un sous-sol, à Zaouïa, à environ 50 kilomètres à l’ouest de Tripoli, sans qu’elle puisse prévenir son compagnon.

« Le peu qu’on nous apportait comme nourriture était immangeable. On ne pouvait pas parler, on n’avait aucun droit. On subissait la torture », témoigne-t-elle, évoquant des violences physiques sur les enfants et des violences sexuelles sur les femmes (lire notre article à ce sujet ici).

Après deux semaines de détention, certains des hommes qui l’entourent parviennent à casser la porte pour s’enfuir. Les plus abîmés par la torture n’ont pas la force de s’échapper. « J’avais le numéro de téléphone de mon fiancé et je l’ai contacté pour lui donner ma localisation », précise Germaine. Celle-ci écoute attentivement Stéphane lorsqu’il complète : « J’ai envoyé quelqu’un la chercher. Dieu merci, on était dans la même ville. »

À son arrivée en Libye, son fiancé passe lui aussi par la « case prison » durant quatre mois, bien qu’il ne parvienne pas à savoir s’il s’agit d’un lieu de détention officiel ou non. « Ils m’ont réclamé l’équivalent de 2 000 euros pour que je sois libéré. Ma famille, mes amis et des connaissances ont fait une quête générale au pays pour me sortir de là. »

Lorsqu’ils se retrouvent, Stéphane quitte le foyer dans lequel il vivait jusqu’alors et loue une chambre pour Germaine et lui. Il cumule trois emplois différents : dans une pharmacie le matin, en mer en tant que pêcheur en fin de journée et, parfois, sur les chantiers de construction en tant que maçon dans l’après-midi.

« Barra ! » (« Dehors ! »), lui criait le propriétaire du chantier lorsqu’il refusait de lui donner l’argent prévu une fois le travail terminé. « C’était de l’esclavage. Si on résistait et réclamait notre dû, il nous menaçait de nous tirer dessus avec son arme. »

Lorsque Stéphane parvient à réunir suffisamment d’argent pour financer leur traversée, il prend contact avec un passeur, un « frère africain », qui leur propose un départ le 19 janvier, dans deux « convois » différents. « Ils nous ont séparés, chuchote Germaine. Ça a été très difficile à accepter, mais on essayait de garder en tête le fait qu’on allait se retrouver plus tard. »

« J’expliquais aux garde-côtes que j’étais enceinte, mais ils disaient que je mentais »

Sur le rivage, des hommes armés les frappent et leur jettent des pierres. La jeune femme reçoit plusieurs coups de fouet dans le bassin et le ventre sans avoir le temps de hurler qu’elle est enceinte. Son embarcation s’engouffre la première, mardi à 23 heures, dans une mer très agitée. « Le mauvais temps a poussé le deuxième convoi à annuler son départ. Mais nous, le capitaine est parti malgré tout. Il a dit qu’il préférait mourir en mer que de revenir », se remémore-t-elle.

Dans la nuit, l’embarcation qui la transporte manque de faire naufrage au niveau de l’une des plateformes de pétrole libyennes, seul point de lumière et de repère au large des côtes. Germaine perd beaucoup de sang. Elle sait qu’elle est en train de perdre son bébé. Aux alentours de 8 heures ce mercredi-là, l’Ocean Viking est alerté par l’Alarm Phone, une plateforme recevant les signalements de migrants en détresse en mer.

Le navire humanitaire se dirige vers le canot pneumatique lorsqu’il apprend, par le biais de Pilotes volontaires et de l’ONG Sea-Watch dont les avions de reconnaissance survolaient la zone, que les migrants ont été interceptés par les garde-côtes libyens. « Tout est allé très vite, raconte Germaine. Je leur expliquais que j’étais enceinte et qu’il y avait un problème, mais ils disaient que je mentais et que j’avais simplement mes règles. » Son récit est ponctué de silences, que son fiancé comble parfois pour la soulager.

L'embarcation où se trouvait Germaine après son interception par les garde-côtes libyens. © NB
L'embarcation où se trouvait Germaine après son interception par les garde-côtes libyens. © NB
 

Ce n’est qu’en arrivant à Tripoli qu’elle et un autre jeune homme, blessé par balle à la jambe, sont examinés. Une ambulance les transporte à l’hôpital, tandis que le reste des migrants est envoyé en prison.

« À l’hôpital, ils m’ont laissée baigner dans mon sang de 11 heures à 19 heures sans s’occuper de moi », souffle la jeune femme, qui parvient à alerter son fiancé de sa situation dans la soirée. Celui-ci envoie quelqu’un les récupérer en voiture le lendemain à l’aube.

Ils retentent tous les trois la traversée, sans avoir à payer une nouvelle fois, à bord de la même embarcation, jeudi 21 janvier au soir. Et sont secourus par l’Ocean Viking le lendemain matin. « Ici, l’équipe médicale m’a prise en charge, m’a fait une échographie et m’a donné des médicaments. Ça fait du bien », dit-elle dans un premier sourire timide.

À bord de l’Ocean Viking, le jeune homme blessé à la jambe est allongé derrière le couple dans l’abri, enveloppé dans une couverture. Le regard vide, Germaine ne peut s’empêcher de porter régulièrement la main à son ventre. « On n’est pas encore remis de nos émotions, on essaie de remonter la pente. »

Peu importe le pays qui les accueillera, Germaine et Stéphane aspirent à pouvoir démarrer une nouvelle vie et trouver un emploi dans leur domaine. Elle est aide-soignante, lui informaticien. « On espère aussi que l’Ocean Viking pourra poursuivre ses sauvetages pour aider nos frères restés en Libye », conclut Stéphane.

 

 


Calendrier d'Événements

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
Sauvegarder
Choix utilisateur pour les Cookies
Nous utilisons des cookies afin de vous proposer les meilleurs services possibles. Si vous déclinez l'utilisation de ces cookies, le site web pourrait ne pas fonctionner correctement.
Tout accepter
Tout décliner
En savoir plus
Essentiel
Ces cookies sont nécessaires au bon fonctionnement du site, vous ne pouvez pas les désactiver.
Session de l'utilisateur
Identifie la session ouverte par l'utilisateur
Accepter