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Source : Médiapart - Cédric Lépine - 01/03/2021

Le court métrage "Je serai parmi les amandiers" réalisé par Marie Le Floc'h est actuellement en lice pour le prix du meilleur court métrage qui sera décerné à la cérémonie des César. Ce film qui se déroule en Bretagne raconte l'histoire de Maysan et Iyad, un couple de réfugiés syriens qui a depuis longtemps lutté pour survivre et maintenir leur famille est confronté à la séparation.

Cédric Lépine : Pouvez-vous expliquer les différentes étapes qui ont nourri l’écriture de votre scénario entre investigations documentaires de la situation des réfugiés syriens et réalités plus intimes ?
Marie Le Floc'h : L’idée du film est née au croisement de deux expériences, celle d’un boulot d’été au port de Kéroman en tant que fileteuse (le même métier que Maysan dans l’histoire) et la rencontre avec une femme, syrienne, qui était dans la situation inverse de mon personnage, à savoir qu’elle voulait divorcer mais qu’on lui conseillait d’attendre d’avoir son statut de réfugiée en tant que famille avant de lancer la procédure. Cette ambivalence, entre l’attente d’une réponse administrative et une séparation, m’a fait écho et me semblait être un révélateur de ce que je voulais raconter, à savoir l’après, quand l’urgence retombe et que l’intime reprend le dessus. Ces expériences n’étaient pas complètement dues au hasard, je les avais un peu provoquées. C’était quelque chose qui me faisait déjà écho, exploré différemment dans un précédent court. Peut-être parce que j’ai l’impression que l’exil peut être une confrontation au monde très forte, quelque chose qui ne définit pas mais qui révèle, où l’on se perd et où l’on se trouve, et au sein de la cellule familiale, c’est peut-être d’autant plus fort et perceptible. Et le port de Kéroman était déjà un lieu où je savais que j’avais envie de filmer, et dans lequel il me semblait que beaucoup de choses de l’histoire de ce couple pouvait se révéler, notamment par ce que j’avais pu y observer en y travaillant. Ensuite, j’ai fait beaucoup de rencontres pendant l’écriture et pendant le casting, qui ont enrichi le film. Et bien sûr les acteurs ont beaucoup apporté au projet.

C. L. : Comment s’est fait le casting et comment avez-vous travaillé avec Jalal Altawil et Masa Zaher ?
M. Le F. : Au début, je pensais travailler avec des acteurs non professionnels, mais malgré de nombreuses rencontres, l’évidence n’avait pas eu lieu. Quand j’ai rencontré Masa Zaher et Jalal Altawil, j’ai tout de suite senti que ce serait eux. Que ce soit par leur présence, ce qu’ils parvenaient à exprimer, mais aussi par ce qu’ils avaient vécu et comment ils pourraient ressentir et vivre cette situation. Je sentais qu’ils pourraient enrichir l’histoire par la leur. On a commencé par faire des lectures, qui ont permis de leur laisser toute la place pour proposer, discuter, remettre en question, et qu’ils puissent s’approprier cette histoire. Ils se sont beaucoup investis dans le film : on a choisi ensemble les costumes, ils ont ramené des objets à eux, Jalal s’est occupé de la traduction, Masa a pris du temps pour observer les gestes des fileteuses. En préparation, on a surtout fait des improvisations autour du scénario. Sur le tournage, tout ce travail qu’on avait fait en amont m’a permis de pouvoir les guider, d’être à leur écoute, mais tout en me sentant libre d’exprimer pleinement ce vers quoi je voulais aller. Le travail a été très différent avec chacun. Pour Jalal, qui avait une grosse force de proposition, cela a surtout été de lâcher prise. Pour Masa, c’était peut-être l’amener à positionner Maysan de façon plus forte.


C. L. : Entre la Bretagne en France, la Belgique de la coproduction et la Syrie des personnages et des acteurs principaux, comment ces différents territoires ont été présents à votre esprit dans la réalisation du film ?
M. Le F. :
La Bretagne était le point de départ du projet, le désir originel, c’est là d’où vient ma famille, et c’est un territoire affectif dans lequel je savais que j’avais envie de filmer dès le départ. Le port de Kéroman et les travailleurs du port font entièrement partie de l’identité du film, même si les nécessités narratives au montage nous ont poussé à nous recentrer autour du couple. La Belgique, c’est l’espace dans lequel j’ai pu grandir en cinéma qui, par son état d’esprit, offre je trouve une vraie liberté, un champ de possibles, qui nous permet d’avancer sans se sentir jugé, orienté, cloisonné, et c’est très précieux dans une démarche artistique. Et évidemment la Syrie traverse toute l’histoire, c’est une culture que j’ai pu mieux découvrir dans toutes ses subtilités et complexités au fur et à mesure que le projet prenait vie, et qui était incarnée par Masa, Jalal et Amal. Au tournage, cette synergie belgo-bretonne-syrienne s’est pleinement exprimée entre l’équipe formidable que l’on a eu la chance d’avoir, les travailleurs du port qui nous ont accueillis et qui ont participé au projet, et bien sûr les acteurs, qui portaient en eux un besoin viscéral de parler de leur histoire, de leur culture, de ce qu’ils avaient perdu mais aussi de tout ce qu’ils gardaient en eux.

"Je serai parmi les amandiers" de Marie Le Floc'h © Films Grand Huit
"Je serai parmi les amandiers" de Marie Le Floc'h © Films Grand Huit


C. L. :
Pour mettre en scène la réalité documentaire du monde du travail, notamment une usine de poissonnerie, et l’histoire intime d’un couple en crise, est-ce que des références cinématographiques du côté des frères Dardenne comme d’Asghar Farhadi vous ont été utiles ?
M. Le F. :
Le cinéma d’Asghar Farhadi, et plus largement le cinéma iranien, m’a très certainement influencé, parce que c’est un cinéma que j’aime beaucoup et pour lequel j’ai beaucoup d’admiration. Il y a une simplicité très difficile à atteindre, où l’on sent qu’ils font confiance aux images, sans avoir besoin de beaucoup plus pour expliquer ou démontrer. Et en même temps, ce sont souvent des films qui mettent en scène des personnages très forts, complexes, vibrants d’humanité et d’ambivalence. Pour être honnête, je n’avais pas vraiment les frères Dardenne en tête, même si peut-être qu’indirectement ils ont été présents car étant en Belgique, j’avais vu tous leurs films et beaucoup aimé leurs personnages et l’authenticité de leur démarche.


C. L. : Avez-vous souhaité montrer la fragilité plus grande pour une femme que pour un homme de se retrouver réfugiée dans un pays étranger sans attache familiale ? En effet, la séparation est d’autant plus douloureuse qu’elle met fin à l’unité familiale. Est-ce cela qui vous a décidé à faire de l’épouse le personnage principal de votre histoire ?
M. Le F. : Non, et je pense que pour les femmes comme pour les hommes, il n’y a pas d’échelle ni dans la fragilité ni dans la douleur. On a tous besoin de lien. Et c’est encore plus révélateur en situation d’exil, où parfois l’Autre peut devenir le tout : sa survie, son existence même. L’autre peut représenter la famille, l’ami, le compagnon, et le pays quitté. Il a un investissement émotionnel peut-être beaucoup plus fort dans ses situations-là. Le fait de choisir Maysan comme personnage principal est venu très vite. J’avais tout d’abord envie de balayer une possible lecture culturelle de l’histoire, qui aurait peut-être été la source d’interprétations qui nous auraient détourné de leur histoire intime, et puis j’avais envie d’un personnage féminin fort qui soit prêt à tout pour ce qui lui tient à cœur, quitte à prendre des risques et à se perdre.


C. L. : Pouvez-vous parler de l’évocation poétique qui pourrait être comme une promesse d’amour perdu que vous avez choisi comme titre ?
M. Le F. : Il s’agit en fait d’un mot qu’Iyad avait écrit à Maysan au tout début de leur histoire (Je serai parmi les amandiers - près du mur en pierres - mets ta robe bleue) et que celle-ci réécrit sur des caisses à poissons, sachant qu’elles allaient être acheminées vers son entrepôt. Elle tente ainsi de le ramener à leur histoire commune, pour reconsidérer cette séparation, qui pour elle ne peut pas être l’aboutissement de tout ce qu’ils ont traversé.


C. L. : Votre premier long métrage que vous êtes en train d’écrire a-t-il un lien avec ce court métrage ?
M. Le F. :
Oui, il y a des liens assez forts, tout d’abord la Bretagne, et puis il s’agit encore une fois de l’histoire d’une famille en situation d’exil, de ce qui les lie et de ce qui les éloigne, de ce qu’ils n’arrivent pas à se dire, mais elle n’est pas le prolongement du court, leur parcours est très différent. Et bien sûr, je pense qu’il y aura des liens de par ce que j’ai envie d’essayer d’explorer en les filmant, une démarche que j’aimerais continuer à aboutir. 

 

 


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