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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Libération - Mathilde Frénois - 12/03/2021

Après une forte mobilisation médiatique, l’employé sénégalo-ivoirien du restaurant ouvert illégalement en janvier, et qui avait été interpellé à cette occasion, va recevoir sa carte de séjour par la préfecture des Alpes-Maritimes.

Il nous a fallu deux mois pour revoir Moussa Nieng. C’est aussi le temps qu’a mis la préfecture des Alpes-Maritimes pour délivrer des papiers à ce cuisinier sénégalo-ivoirien de 34 ans. «Je n’ai jamais vécu ça : les choses se sont accélérées pour Moussa, déclare son avocate, Me Hanan Hmad, spécialiste du droit des étrangers. J’ai rarement régularisé quelqu’un en si peu de temps. Ça a été un mal pour un bien.» Le coup du sort, c’est son interpellation dans les cuisines du Poppies, le restaurant niçois dont le patron a ouvert illégalement fin janvier en signe de «désobéissance civile». Le coup du destin, c’est la médiatisation qui a accéléré le traitement de sa demande de titre de séjour. Moussa Nieng recevra très bientôt son titre de séjour, la préfecture lui a assuré deux fois par mail. «Ça fait longtemps que j’attendais : dix ans tout rond, compte-t-il. Je réalise à peine.»

Dans le bureau de l’avocate, ce mercredi 10 mars dans le centre-ville de Nice, on picore des bouts de banane et de mangue, du thé et du vin rouge sont proposés. Moussa Nieng refuse. «On s’en fiche que vous ne buviez pas, l’essentiel c’est de sabrer le champagne», se réjouit un collaborateur, Me Zia Oloumi. C’est que la victoire est grande : l’avenir de Moussa Nieng n’est plus suspendu à une obligation de quitter le territoire sans délai. La médiation avec la préfecture des Alpes-Maritimes a permis de stopper la procédure contentieuse au tribunal administratif, dont l’audience devait se tenir mercredi. Dans un document de sept pages, Me Hanan Hmad a fait valoir les accords franco-sénégalais – «qui prévoient que les personnes travaillant, dans le domaine de la cuisine notamment, peuvent obtenir un titre de séjour en admission exceptionnelle» – et la circulaire Valls – «qui invite les personnes à présenter des fiches de paie pour pouvoir être régularisées».

«Monsieur Nieng aurait dû être régularisé depuis un moment, estime Zia Oloumi, spécialiste du droit de la mobilité internationale. Soyons logiques : si quelqu’un travaille en France et paye des impôts, s’il est inséré, au bout d’un moment, il ne faut pas le renvoyer. Ça fabrique des irréguliers.» Selon la CGT, plusieurs milliers de personnes seraient dans cette situation dans les Alpes-Maritimes, principalement dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et de l’aide à la personne.

La première fois que l’on a rencontré Moussa Nieng, c’était dans ce même cabinet d’avocat. Sa vie rangée de cuisinier venait de céder la place à un quotidien chamboulé : il se retrouvait sous le coup d’une obligation de quitter le territoire sans délai. Il racontait un parcours semblable à tant d’autres : un départ de Côte d’Ivoire à l’aube de ses 20 ans, une arrivée en France en 2011 via l’immigration illégale et la quête d’une vie meilleure, avec des jobs dans le nettoyage et les arrière-cuisines. Dix années sans papiers ni contrôle.

Depuis septembre, Moussa Nieng enchaînait deux CDI : le midi au Poppies et le soir dans un autre restaurant. «Je suis un mec à l’ancienne : je travaille par relationnel. On m’avait recommandé Moussa mais je ne savais pas qu’il avait un titre de séjour invalide, affirme Christophe Wilson, le patron du Poppies. En tant qu’employeur et restaurateur, on envoie la carte vitale et la date de naissance au comptable, qui nous donne le contrat de travail.» Un salarié déclaré mais des papiers absents. Les employeurs étant dans l’obligation de vérifier les titres de séjour, Christophe Wilson est convoqué au tribunal pour un rappel à la loi et risque jusqu’à 30 000 euros d’amende. Pour l’ouverture illégale du restaurant, sans masque ni distanciation en pleine flambée épidémique, il a déjà été puni par trois mois de fermeture administrative.

Avant de s’asseoir face à l’avocate, Moussa Nieng est tombé dans les bras de Christophe Wilson. Une accolade aussi grande que leur soulagement. Le restaurateur est de passage dans le cabinet, comme s’il voulait effacer toute forme de culpabilité. C’est lui qui a attiré l’attention des policiers en organisant son repas illégal aux airs de manifestation, c’est lui qui a convoqué ses employés ce jour-là. Et Moussa de devenir une victime collatérale. «Je me suis senti extrêmement mal, j’étais dévasté, confie Christophe Wilson, toujours dépourvu de masque, qui soutient coûte que coûte son commis de cuisine. Je n’étais pas au courant de sa situation mais j’assume tout.»

Le patron a donné à Moussa Nieng son solde de tout compte pour qu’il puisse assumer son quotidien pendant cette période d’incertitude. Lui qui a toujours cotisé se retrouve sans emploi ni revenu. Christophe Wilson a aussi certifié la réembauche, argument indispensable pour l’obtention des papiers et pour la construction d’un avenir. «Jusqu’à présent, je n’ai pas fait de projet. Si tu n’as pas de papier, tu ne peux pas avancer. Tu ne peux rien faire sauf travailler et rentrer chez toi, dit Moussa Nieng dans son pull rayé surmonté d’un bombers. Avec les papiers, je pourrai travailler tranquille, être plus à l’aise, aller où je veux. C’est ça, la liberté.»

Au moment de repartir, Moussa Nieng glisse ses nouveaux documents dans une pochette bleue. La chemise en plastique est estampillée par l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration). «Moussa, il est déjà prêt pour la nationalité», sourit son avocat. Il faudra, a minima, attendre cinq ans de situation régulière sur le sol français.

 

 

 

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