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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

Solidarite avec Mimmo Lucano

Source : Médiapart - Nejma Brahim - 07/05/2021

En novembre 2020, l’évacuation d’un campement de migrants à Saint-Denis puis une action place de la République, à Paris, ont conduit à une violente répression par les forces de l’ordre. Exilés, associations, bénévoles et élus ont décidé de porter plainte contre les préfets concernés.

Ils ont voulu frapper fort. Acter qu’ils « ne laisseraient plus rien passer ». Jeudi 6 mai, les associations Utopia 56 et Enfants d’Afghanistan et d’ailleurs ont déposé une plainte auprès du procureur de la République de Paris contre Didier Lallement, préfet de police de Paris, Georges-François Leclerc, préfet de la Seine-Saint-Denis, et Marc Guillaume, préfet de la région Île-de-France, pour « complicité de violences volontaires, complicité de destruction, dégradation et détérioration d’un bien appartenant à autrui, et vol en bande organisée ».

Les faits remontent à l’automne 2020, d’abord le 17 novembre lors de l’évacuation d’un camp de migrants à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) (lire notre reportage) qui s’était éternisée et avait fini en « chasse à l’homme » pour les exilés n’ayant obtenu aucune solution de mise à l’abri ; puis lors d’une action de visibilité organisée six jours plus tard par Utopia 56 place de la République à Paris, largement réprimée par les forces de l’ordre et donnant lieu à un véritable déshonneur (lire ici notre parti pris).

Fin septembre déjà, 150 migrants avaient été repoussés toujours plus loin de la capitale par la police alors qu’ils cherchaient un lieu où dormir près de la porte d’Aubervilliers. Une vidéo, que Mediapart s’était procurée (lire ici notre enquête), montrait que les forces de l’ordre avaient d’abord fait marcher les exilés, femmes, enfants et mineurs inclus, sur des centaines de mètres avant de les malmener.

« L’objectif de cette plainte collective est de démontrer le caractère systémique de cette violence et de cette répression à l’égard des personnes exilées, argue Charlotte Kwantes, coordinatrice nationale d’Utopia 56. Les violences commises lors de ces deux journées ont été organisées, commanditées, validées du début à la fin, et ce en toute impunité. On ne veut pas laisser passer ça, on l’a vu trop de fois et rien ne change. »

Au total, 34 plaignants participent au dépôt de plainte, dont 17 exilés, deux associations, des bénévoles, des élus et un journaliste. Un « travail de longue haleine », explique MRaphaël Kempf, l’un de leurs avocats, car les militants associatifs ont parfois perdu la trace de certains des exilés victimes de ces violences. « Notre travail en tant qu’avocats a été de recueillir ensuite les témoignages, images, photos et vidéos des événements », complète MNoémie Saidi-Cottier.

À Saint-Denis, les hommes ont été bousculés, les femmes et familles à leurs côtés gazées. « Des femmes ont mis beaucoup de temps à s’en remettre ou ne s’en sont toujours pas remises. Certaines sont suivies par un médecin ou un psychologue. Ça a été traumatisant pour beaucoup, y compris les bénévoles », rappelle Charlotte. Les scènes qui se sont ensuivies, entre sommations des forces de l’ordre, « chasses à l’homme » dans les rues au nord de Paris, violences physiques sur des hommes isolés, lui laissent penser que « des consignes ont été données ».

« J’étais présent à Saint-Denis et à Paris, raconte un exilé afghan dans le dépôt de plainte que Mediapart a pu consulter. Les deux fois, j’ai été victime de violences par les policiers. J’ai été gazé, j’ai de graves problèmes respiratoires. J’ai été obligé de laisser toutes mes affaires pour courir. Toute la semaine, tous les soirs, j’ai été gazé et suivi par la police. »

« On attendait les bus. Quand ils ont commencé à gazer, j’ai crié : “On est des femmes ! On est des femmes !” mais ça n’a rien changé… Il y avait même des enfants avec nous, j’ai vu une petite fille s’évanouir, [une dame] s’est évanouie aussi », relate une exilée présente le jour de l’évacuation du camp de Saint-Denis, précisant que les policiers ne les ont pas prévenus avant de gazer.

Place de la République à Paris, la violence s’abat également sur l’installation temporaire visant à obtenir des solutions d’hébergement pour les centaines de personnes, des hommes principalement, confrontées à la rue après l’évacuation du camp de Saint-Denis. « J’ai été profondément scandalisée que la police réprime comme elle l’a fait ce campement, qui n’avait d’autre fonction que d’exiger la mise à l’abri des exilés telle que la loi oblige l’État », témoigne l’élue Danielle Simonnet, conseillère de Paris (LFI) et plaignante dans cette affaire.

« Les exilés ont été violentés, j’ai vu les gendarmes et policiers en civil les bousculer, certains arrachaient et vidaient les tentes comme si les êtres humains qui étaient dedans étaient des déchets », dénonce-t-elle, évoquant des images qui resteront « marquées à vie ». « C’est une honte pour la République. Les autorités méprisent, de manière systémique et délibérée, la dignité humaine pour ne pas avoir à assumer leurs responsabilités ! »

« Il y a eu un usage totalement disproportionné de la force place de la République, confirme MSaidi-Cottier, présente ce jour-là. Des coups de pied dans les tentes, des élus physiquement pris à partie, un croche-patte à un Afghan qui essayait de s’enfuir… » En examinant les éléments matériels à disposition, son confrère, MKempf, évoque la présence d’un camion vide affrété par la préfecture de police. Un détail parmi d’autres qui dénote, selon l’avocat, une « intention au préalable » et la « préméditation de se saisir de biens » appartenant aux migrants, tels que les tentes, couvertures et effets personnels.

« L’intuition des associations sur ce caractère organisé et systémique se traduit juridiquement à travers la notion de bande organisée. C’est une circonstance aggravante de certaines infractions, ici le vol, quand elles sont préparées en amont par des personnes qui s’organisent ensemble. Ici, on considère que c’est le cas », poursuit-il pour justifier le chef de vol en bande organisée. Et d’ajouter que les violences physiques sont « loin d’être un acte isolé » et relèvent d’un « accord implicite » de la hiérarchie.

« C’est une chaîne de commandement qui a imposé ce traitement aux exilés. J’attends que l’État, à travers les préfets, soit jugé et condamné. Ce n’est pas nouveau de la part de Didier Lallement qui, pour toutes les mobilisations sociales, orchestre une conduite du maintien de l’ordre faite pour dissuader et humilier », abonde l’élue Danielle Simonnet. Une plainte contre X doit par ailleurs permettre d’identifier les policiers ayant commis les violences.

Sous le coup de l’émotion qu’avait suscitée cette violente évacuation le 23 novembre dernier, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait demandé un « rapport circonstancié des faits » au préfet de police. L’IGPN avait aussi été saisie. « Cela n’a rien donné », commente MSaidi-Cottier. À travers cette plainte, les plaignants et leurs conseils espèrent qu’une enquête « sérieuse et solide » sera diligentée par le procureur de la République de Paris et que les donneurs d’ordre, les préfets, seront entendus. « Il faut que cela questionne leurs façons de faire et qu’il y ait des poursuites pénales. On verra jusqu’où ira l’État de droit. »

Pour la coordinatrice d’Utopia 56, ces mauvais traitements viennent résonner avec la politique migratoire européenne « de harcèlement et de dissuasion ». « On le constate aux frontières, à Paris, à Calais, en Italie, en Grèce, en Serbie… Il y a l’orchestration d’une politique de non-accueil et les exilés qui la subissent, en plus de leur parcours migratoire traumatisant, sont au bout du rouleau », alerte-t-elle, ajoutant qu’en l’espace de dix jours, deux jeunes ont récemment tenté de se donner la mort.

 

 


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