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La secrétaire générale de La Cimade dénonce : les enfermements arbitraires, les violences et les mises à l’isolement répétées, un climat de stigmatisation grandissante, les expulsions illégales

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Source : Le monde - Yan Gauchard - 07/2021

A Nantes, Mohamed Bangoura, un Guinéen de 19 ans, se débat contre un arrêté l’enjoignant de quitter la France. Le lycéen, parfaitement intégré, travaille en alternance et publie des poèmes, sous le nom de Falmarès, qui lui valent déjà une belle notoriété.

Vendredi 23 avril 2021. Dans leur chaumière ­bretonne, à Brec’h (Morbihan), au bout du fil, Joëlle et Armel Mandart entendent une voix désespérée : « Je vais commencer une grève de la faim. Elle aboutira à la régularisation de mon dossier ou à ma mort. » Au téléphone, à Nantes (Loire-Atlantique), Mohamed Bangoura, jeune poète que le couple de retraités édite sous le nom de Falmarès, lit l’arrêté préfectoral notifiant qu’il est sous le coup d’une OQTF (obligation de ­quitter le territoire français) après le rejet de sa demande de titre de séjour.

La direction des migrations et de l’intégration relève que Mohamed, élève de terminale en bac professionnel ­travaillant en alternance au service logistique de la Semitan (Société d’économie mixte des transports en commun de l’­agglomération nantaise), « présente un rapport éducatif et social favorable quant à son insertion dans la société française ».

Soupçons de triche sur son âge

Mais les autorités soupçonnent le lycéen d’avoir triché sur son âge à son arrivée en France, en novembre 2017 – ce qu’il nie farouchement. Sa carte d’identité consulaire, émanant de l’ambassade de Guinée, mentionne qu’il est né à Conakry le 19 décembre 2001. Le document, aux yeux de la préfecture, « ne constitue pas un élément probant ».

« Falmarès a amplement prouvé son humanité, son amour de la langue et du pays, ainsi qu’une volonté d’intégration incroyable. » Hélène Dupré, thérapeute

Sitôt la menace d’expulsion connue, amis et employeur du jeune homme, mais aussi élus de tous bords, se mobilisent. Falmarès, sélectionné comme juré du prix Ouest-France Etonnants voyageurs, annonce à l’équipe du festival qu’il risque de ne pas être présent à Saint-Malo pour la proclamation des résultats, lors du week-end de la Pentecôte. Six heures plus tard, son histoire figure à la « une » du site de Ouest-France.

Face à la fronde, la préfecture de Loire-Atlantique rétropédale et accorde, dès le 26 avril, un sursis de six mois au jeune réfugié, afin que ce dernier engage la procédure visant à « attester de l’identité et de la qualité du signataire de l’acte d’état civil le concernant ». Hélène Dupré, thérapeute installée dans le Morbihan – qui a adoubé Falmarès comme un membre de sa famille – fustige « l’absurdité » de la situation et pointe « une machine administrative déshumanisée », notant : « Falmarès a amplement prouvé son humanité, son amour de la langue et du pays, ainsi qu’une volonté d’intégration incroyable. »

Implosion du havre familial

Falmarès est aussi « le septième petit-enfant de cœur » des Mandart et l’auteur phare de la maison d’édition Les Mandarines, ­structure associative que le couple a créée à la retraite. La rencontre du trio date du 21 juin 2018. Un soir de Fête de la musique au Bono, cité de 2 500 habitants, près d’Auray. « Falmarès a lu quelques-uns de ses poèmes et on a été scotchés par la qualité de ses textes, évoquant des souvenirs d’­enfance et le périlleux voyage qu’il a accompli », énonce Joëlle Mandart, ancienne professeure de français et de latin.

poete falmares

« La menace de la grève de la faim, ce n’était pas du calcul, ­prévient Armel Mandart, qui a exercé comme psychologue pour enfants et adolescents. Falmarès était déterminé, comme toujours. Comme lorsqu’on discute sur une formulation dans un de ses poèmes. Ce n’est pas pour rien qu’on dit qu’il est devenu breton, parce qu’il est vraiment têtu. »

« Je me suis retrouvé entassé avec 170 personnes, dont des femmes et des enfants, dans un Zodiac, sans gilet de sauvetage. » Falmarès

Falmarès a quitté son pays natal après le décès de sa mère, emportée par une maladie foudroyante, morte « comme un vieil entonnoir de deux ans », écrit-il dans un poème. Dès lors, le havre familial a implosé, livre-t-il à mots couverts. L’instinct – « ou l’inconscient », souffle-t-il – l’a poussé à l’exil. Mali, Algérie, avant d’être conduit dans « un camp » en Libye.
« C’était une cour fermée, dans laquelle j’ai attendu un mois que l’on appelle mon nom, raconte-t-il. Quand cela a été le cas, je me suis retrouvé entassé avec 170 personnes, dont des femmes et des enfants, dans un Zodiac, sans gilet de sauvetage. »

Il relate sans pathos une traversée folle, le sauvetage par un navire italien, puis son arrivée dans un autre camp. C’est là que le virus de l’écriture l’a saisi pour assouvir « un besoin de lecture. Chaque soir, je relisais ma prose. Cela a été comme une forme de thérapie. Mais ce n’était pas encore une passion ».

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A son arrivée en France, il est rapidement orienté vers la région de Vannes par des collectifs venant en aide aux migrants. Il dévore Borges, Césaire, Homère, Rimbaud ou Dante. Est repéré par Joseph Ponthus, auteur du roman A la ligne (La Table ronde, 2019) couronné du Grand Prix RTL-Lire en 2019, emporté par un cancer en février, qui le considérait comme un « ami », un « frère », un « fils en poésie », ainsi qu’il l’a couché dans une dédicace. « Joseph m’a ouvert beaucoup de portes, confie Falmarès. A chaque fois qu’il passait à Paris, il me mettait en avant. Il a lu mes poèmes à la librairie Gallimard et sur de nombreuses scènes. »

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La suite ? Falmarès vise un BTS logistique et se verrait bien travailler dans ce domaine. Sans renoncer à l’écriture. Son troisième recueil doit sortir au début de l’été. Le couple Mandart rêve qu’une maison d’édition prestigieuse lui chipe son prodige. « On lui a déjà dit que, si une telle proposition survenait, il fallait y aller », sourit Joëlle Mandart.

En attendant, Hélène Dupré s’inquiète de voir le jeune homme « encore dans la survie du fait de son insécurité administrative » et interroge : « Comment peut-on encaisser autant de traumas et rester debout ? » « On ne traverse pas le désert libyen pour le plaisir, répond en écho Falmarès. Je ne parle pas pour mon cas particulier mais, si un jeune a traversé mille épreuves pour gagner un pays et qu’il montre des signes d’insertion, il a le droit à sa chance. »

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